La pression monte à Stockholm. Demain soir, Amir défendra les couleurs de la France lors de la finale de l'Eurovision 2016 avec le titre "J'ai cherché". On le sait depuis ce matin, le chanteur révélé par "The Voice" se produira en onzième position samedi lors de la cérémonie, retransmise en direct sur France 2 et RFM et commentée par Marianne James et Stéphane Bern. Il devra notamment affronter la Russie, favorite de la première demi-finale et l'Australie, qui a bluffé le public lors de la deuxième demi-finale hier soir.
A quelques heures de sa prestation, Amir évoque pour puremedias.com le travail effectué, les premières répétitions difficiles, son état d'esprit et son (petit) regret de ne pas avoir pu chanter lors des demi-finales.
Propos recueillis par Charles Decant.
Tu es dans quel état d'esprit ?
Dans l'état d'esprit de quelqu'un qui va vivre le plus grand moment de sa vie professionnelle dans moins de 48 heures. Je suis en sur-extase ! Je suis bouillant ! Je n'ai pas envie de passer pour quelqu'un qui ne s'inquiète pas et qui n'a pas envie de donner le meilleur de lui-même, mais j'ai réalisé au fil de cette semaine, que bizarrement, plus j'étais décontracté, plus j'étais moi-même, plus j'étais venu pour prendre du plaisir, mieux les prestations ressortaient. Il faut comprendre qu'on regarde toutes les prestations après, avec les angles caméra, etc... Les premières fois, où j'étais venu juste en pensant à l'enjeu, avec l'envie de défendre la France, j'étais peut-être plus engagé dans mon esprit mais beaucoup moins agréable à regarder sur scène.
Donc tu as changé d'attitude...
Maintenant, je travaille, j'ai envie de faire quelque chose de parfait, de très beau, donc je me prépare de la manière la plus sérieuse possible. Mais l'état d'esprit global, c'est de prendre du plaisir. C'est aussi le conseil que Bjorn Ulvaeus d'Abba m'a donné cette semaine. Il m'a dit "Si tu veux te démarquer, viens pour faire la fête, pour célébrer l'Eurovision plutôt que pour faire la guerre sur scène, pour essayer de vaincre les autres".
Il y a énormément de travail, tous les angles de caméras sont choisis avec soin, tout ça peut donner un côté un peu clinique à la prestation. Comment on fait pour être à ce point préparé et à la fois spontané ?
Je pense que tout se joue là-dessus. Si on connaît très, très bien les moments dans lesquels on a besoin de faire un geste ou un autre, ils vont devenir automatiques. Et c'est important qu'ils deviennent automatiques pour qu'ensuite, on puisse habiller ça de spontanéité et de naturel. C'est un peu comme quand on apprend à conduire une voiture. Au départ, on réfléchit au moment de changer les vitesses, mais au bout d'un certain temps, si on a assez conduit, on peut commencer à discuter avec les gens qui sont avec nous dans la voiture, à regarder un peu le paysage et à écouter la radio. Donc il faut que ça soit naturel mais il faut aussi que ça soit calculé parce que je chante devant 200 millions de personnes, et si je ne vais pas au bon endroit, on ne me verra pas, il y a des spots, des caméras... Je vois que j'arrive à injecter du naturel et je suis ravi parce qu'au départ, ça ne semblait pas évident.
Tu pensais que ça demanderait autant de travail ? Ca fait des mois que tout se prépare...
Je ne savais pas, non. Il y a beaucoup de travail qui s'est dévoilé à nous au fil du temps parce qu'il y a eu un bel engouement des médias. Donc tout le monde, que ce soit la maison de disques ou France Télévisions, était surpris de voir la demande. On a réagi positivement à cette demande bien sûr, parce que ce n'est que du bon. On a joué le jeu, on s'est prêté à tout ça, c'est parti sur une prévision de travail qui était peut-être un peu moins énorme, et c'est devenu quelque chose de très chargé, d'exigeant. En même temps, on ne se plaindra jamais : à titre personnel, je promeus ma musique et c'est déjà une chance incroyable, et en plus de ça, on considère ça comme un projet unique, à vivre une seule fois dans sa vie et donc dont il faut profiter au maximum.
Dimanche, quel que soit le résultat, tu as prévu deux semaines de vacances au moins ?
Je ne sais pas si on pourra caler deux jours ! Il y a beaucoup de promo qui m'attend, mais je pense que j'attendrai l'été pour prendre mes vraies vacances. D'ici là, on sera sur un régime beaucoup moins chargé après l'Eurovision, et je ne sais pas si je m'impatiente vraiment de passer au régime light... J'ai quand même extrêmement aimé cette expérience et il y a un peu de peine en moi de savoir qu'à partir de samedi, ça va se terminer.
Pas mal de Français ont une image un peu ringarde de l'Eurovision. Toi, avant d'y participer, tu en avais quelle image ?
J'ai toujours aimé l'Eurovision ! On est une famille qui a l'habitude de regarder ça tous les ans donc j'avais une certaine incompréhension vis-à-vis des Français qui y voyaient quelque chose de ringard. En approfondissant mes connaissances, j'ai compris que c'était beaucoup parce que la France n'a pas réussi à se démarquer ces dernières années et donc, il a fallu que quelque chose de positif qui donne espoir fasse un peu changer ça. Alors bien sûr, on est venu sans garantie de quoi que ce soit comme score, on ne sait pas combien on va terminer. Mais on croyait en la chanson, en son énergie, en ce qu'elle peut apporter aux gens. Il est difficile d'écouter "J'ai cherché" et de faire la gueule, donc déjà ça part d'une bonne base. Et en effet, les radios adhèrent, le public adhère, en France ou à l'extérieur, donc en termes de ringardise, on est très loin cette année en tous cas.
C'est ce type de titres qu'il faut envoyer chaque année ?
Oui. Je souhaite que France Télévisions en déduise que, chaque année, parce que l'Eurovision a beaucoup évolué, il faut plutôt envoyer des artistes qui font de la pop moderne, des titres qui passent dans les radios jeunes et que si on veut exister, il est préférable de choisir un titre dans cette veine-là. Maintenant, il n'y a plus qu'à assurer samedi soir !
Comment tu as vécu les deux demi-finales ?
La première, c'était un peu particulier. On était comme des électrons libres, moi, l'Espagnole et le Suédois. On regardait les autres candidats dans leur pression, ils voulaient tous assurer leur place en finale et ça se comprend. Nous on avait déjà enregistré la veille, donc on n'était pas impliqué. Mais plus je passais de temps à leurs côtés, plus - et c'est bizarre - j'avais envie d'être à leur place. Je voulais monter sur cette scène, ressentir l'énergie du public, ne pas être détaché du concours. Il y a quelque chose de très plaisant et presque addictif à ça. Eux auront la chance - je parle de ceux qui ont été qualifiés pour la finale - de vivre ça à deux reprises. Moi ça ne sera qu'une seule fois. Donc c'est un avantage mais aussi un inconvénient d'être automatiquement qualifié pour la finale.
Les premières répétitions ont été compliquées, et publiées sur YouTube. Elles ont généré des commentaires négatifs, les bookmakers ont réagi... Comment on vit ça de l'intérieur ?
Si on parle de l'angle bookmakers, si je n'avais pas laissé ces données pénétrer mon esprit quand j'étais en haut, quand le classement a changé, ça n'a pas eu d'impact sur moi. Après, on parle de passer de la deuxième à la troisième place, donc tout va bien.
Et les critiques ?
Avant ou après, j'essayais de me bloquer de tout ça. Il ne faut pas oublier qu'on parle d'une première répétition, d'une première rencontre avec le tableau, avec la scène... Donc quoi qu'il arrive, c'était un pari. Il fallait espérer que notre pari était gagnant et finalement, quand on est arrivé, on a découvert qu'il y avait beaucoup de choses à changer. C'est pas grave ! Ce n'était qu'une première répétition parmi beaucoup d'autres. Le but était de m'améliorer. Je considère que dans cet Eurovision, j'ai appris énormément de choses. J'ai fait évoluer ma prestation dans les concerts previews de l'Eurovision, qui sont aussi très relayés. En passant d'Amsterdam à Londres puis à Tel Aviv, j'ai appris des choses et j'ai réussi à améliorer ma prestation. Pareil pour ma relation avec les médias : au départ, j'avais du mal en interview, mais j'ai pris mes marques et j'ai appris à le faire. Et je pense que sans voir une évolution positive, je ne me sentirais pas bien. Donc partir d'une première répétition où on prend nos marques, passer à une deuxième répétition largement meilleure et une troisième où on est dans un autre monde, c'est exactement ça que j'ai envie de voir.
C'est presque mieux, finalement, d'avoir eu des difficultés au début ?
Si on part d'un truc parfait au début, on n'a plus nulle part où viser ! On est déjà là-haut et on perd peut-être notre motivation. Tandis que là, ayant lu des critiques qui me poussaient à m'améliorer, je n'en étais que plus motivé à prouver au monde qu'ils ont assisté à une première répétition brouillon. Peut-être que, si ça ne tenait qu'à moi, cette répétition-là serait à huis clos, mais ce n'est pas moi qui fais les règles. Donc on chante devant les gens, on se laisse critiquer, mais tout va bien. Le but est d'avoir la meilleure de toutes les prestations samedi soir. Je pense qu'on en est capable.