Le climat se tend à iTELE, chaîne d'info du groupe Canal+. Après l'annonce d'un plan d'économies qui ne dit pas son nom et la nomination d'un nouveau patron, la SDJ s'apprête à soumettre à la rédaction une motion de défiance contre la direction. Tous ne la voteront pas, comme Audrey Pulvar, qui a expliqué son choix dans un courriel dont puremedias.com a eu copie.
"Même si je suis, comme vous, inquiète de notre situation actuelle, je persiste à penser qu'iTELE ne 'finira' pas "comme Direct Matin", écrit-elle. "Direct Matin", quotidien gratuit, est très souvent utilisé par le groupe Bolloré pour promouvoir ses propres activités. "iTELE restera iTELE, parce que produire de l'info, que dis-je, produire 20h d'info en direct par jour, ce n'est pas une activité comme une autre, poursuit-elle. Ce n'est pas être bonimenteur au coin de la rue. Nos 'clients' ne viennent pas acheter des casseroles. Nous avons un métier : le journalisme. Nous avons un outil industriel : notre média, son histoire, son ancrage. Nous avons une parole et une force collectives. Nous avons des lois sur les médias et un CSA particulièrement vigilant, pour nous protéger".
Audrey Pulvar estime qu'iTELE n'est pas en danger, assurant que "des procédures", comme "le droit d'alerte, déjà activé", peuvent être utilisées. "Nous avons la possibilité, par exemple, de signer massivement et nommément un texte commun, qui dirait à quel point nous serons vigilants et attachés à défendre notre métier et notre média, sans pour autant dégainer une motion de défiance aux allures de référendum". Pourtant, la SDJ tente de mettre en place une charte de déontologie avec la direction depuis plusieurs mois, sans succès.
La suite du courriel d'Audrey Pulvar est plus... philosophique. "La vie des entreprises, comme la vie des êtres, est faites de vicissitudes, de moments d'euphorie comme de moments de fortes tensions ou de drames. Et comme dans la vie des êtres, devant l'adversité, on a toujours plus de forces qu'on ne l'imagine. Dans le vif de la tension, on se croit vulnérable, on se voit fini. Et pourtant, une fois passé l'orage, même s'il a duré longtemps, on se rend compte qu'on est encore en vie. Certes blessé mais vivant et plus solide encore".
l LIRE AUSSI Pour réduire les coûts, iTELE fusionne ses matinales
L'animatrice de "On ne va pas se mentir" chaque soir sur iTELE pense que la chaîne info de Canal "ne va pas sombrer, ne va pas fermer", malgré des rumeurs insistantes de vente depuis plusieurs semaines. "Nous allons vivre deux voire trois années difficiles de plus. Deux ou trois années d'austérité, où nous ne pourrons pas plus qu'aujourd'hui couvrir l'actualité avec les moyens humains et matériels que nous voudrions, ou nous enragerons de voir notre (nos) principal (principaux) concurrent (s) déployer sa (leur) force de frappe mais... Sec fluctuat nec mergitur !".
La journaliste, ex-chroniqueuse du "Grand 8" sur D8 estime par ailleurs que les actionnaires de Canal (Vivendi) "ne sont pas idiots, ils peuvent nous serrer la vis, ils ne pourront pas casser l'outil". "Entamer un bras de fer aussi violent et aussi vite avec la nouvelle direction générale ne fera, selon moi, que les exposer un peu plus. Quelle est l'étape suivante ? La grève ? Les plus précaires, les salaires les moins élevés même détenteurs de CDI sont-ils en mesure de renoncer à plusieurs jours de paye ?", s'interroge-t-elle.
Audrey Pulvar pense que la motion de défiance à l'encontre de la direction est "un levier trop puissant, trop vite, (...) une arme à sous-munitions". La journaliste rappelle que lorsqu'elle était journaliste à France 3, elle s'est publiquement battue contre l'arrêt de la publicité après 20 Heures notamment. "Nous avons à faire à un encadrement qui ne pense pas comme nous, qui -sans doute - ne nous aime pas beaucoup, mais on n'est pas obligé d'aimer les gens avec lesquels ou pour lesquels on travaille (...) Jugeons à l'épreuve des faits, et non seulement d'incantations".