J-1 pour Bruce Toussaint et son équipe. Ce lundi 8 janvier 2024, dès 7h, tous les étages de la tour TF1 auront les yeux rivés sur le lancement de leur nouvelle matinale intitulée "Bonjour !", mot qui devrait résonner à de multiples reprises dans la bouche des 16 journalistes qui se relaieront sur le plateau situé au premier étage du bâtiment. Pour faire de la place à son nouveau programme, la chaîne du groupe Bouygues n'a d'ailleurs pas hésité à bousculer "TFou", déplacé sur TFX et à réduire la durée de "Téléshopping". En cause : un important manque à gagner sur la tranche horaire qui accueillera le programme ce lundi. Alors au-delà de l'audience, c'est une présence que cherche la Une sur cette case occupée depuis plusieurs décennies par France Télévisions avec "Télématin".
"Il n'y a pas d'objectif d'audience parce qu'il faut se rendre compte qu'il n'y a rien qui précède une matinale. Il n'y a pas d'access, pas d'environnement de chaîne, on ouvre la chaîne", a d'emblée souligné Thierry Thuillier, directeur de l'information du groupe TF1 lors de la conférence de presse du programme fin 2023. D'autant que cela fait plus de 30 ans qu'aucun programme en direct n'avait été proposé le matin aux téléspectateurs de la chaîne. Le dernier programme d'information de TF1 sur ce créneau horaire remonte aux années 1980 avec l'émission "Bonjour la France". "Le public s'est totalement déshabitué d'avoir un rendez-vous en live. Donc il va falloir qu'on recrée cette habitude. C'est pour ça qu'en termes d'audiences on est très modestes".
Modestes, peut-être mais pas dénués d'ambition pour autant. "La chaîne est leader donc quand TF1 lance un programme, ce n'est pas pour jouer le troisième ou le quatrième rôle. C'est pour pouvoir, à terme, concurrencer les meilleurs", a confié Bruce Toussait à puremedias.com. L'animateur se dit "humble et prudent" car donner l'envie et surtout l'habitude au public de zapper sur la Une dès le réveil sera fastidieux. "On arrive avec une proposition pour essayer d'exister au milieu de ce champ de bataille". Dans son ordre de bataille, la Une a laissé tomber la programmation le week-end, terrain qu'elle laissera dans un premier temps à "Télématin".
Pour exister, "Bonjour !" va devoir grappiller des téléspectateurs chez la concurrence. Car en termes d'audiences, la tranche part de loin et s'installe sur un terrain quasi-vierge. Entre 7h et 9h30, TF1 rassemble en moyenne 130.000 téléspectateurs, soit 4% du public âgé de quatre ans et plus devant "TFou" puis "Téléshopping" au 1er janvier 2024. "Sur l'équivalent de la tranche de la matinale, c'est à peu près 5% de part de marché pour TF1. Donc si on arrive à faire mieux on est très contents. C'est une première étape", a appelé de ses voeux Thierry Thuillier. En face, "Télématin" affiche une moyenne de 741.000 fidèles (27% de PdA 4+) sur la même période et la même tranche horaire. Mais il faudra aussi faire face aux chaînes d'information, BFMTV et CNews en tête. Sur la case qui de la matinale de TF1, elles condensent respectivement une moyenne de 406.000 (16% de PdA 4+) et 192.000 (8% de PdA 4+) téléspectateurs.
L'enjeu est plus large que la première chaîne et s'étend au groupe TF1, dont les audiences de 2023 on progressé de 0,3 point et atteint à 26,9% de part de marché face à un service public toujours plus dominant à 29,3% (+ 0,6 point sur un an). Avec la matinale, mais aussi l'arrivée de "Plus belle la vie" après le "13 Heures" de Marie-Sophie Lacarrau, l'objectif est de ne pas laisser la concurrence creuser l'écart.
Le groupe espère que l'arrivée de son programme matinal ne déstabilisera pas LCI, d'où plusieurs de ses visages sont issus. Pour cela, le rendez-vous animé par Jean-Baptiste Boursier a subi quelques ajustements depuis le 2 janvier 2024. Les sujets internationaux, au coeur de l'expertise de la chaîne info depuis le début de la guerre en Ukraine, seront contournés autant que possible dans "Bonjour !" qui compte miser sur les régions.
Pour sa matinale, Bruce Toussaint a été missionné de fixer le cap de la nouvelle émission sous forme d'un "joyeux bordel", selon ses mots. La chaîne a laissé les clés de son ouverture de grille à sa nouvelle recrue, lui offrant plusieurs de ses journalistes stars, produits d'appel indéniables. Ainsi, le plateau accueillera à la fois Karima Charni ("Star Academy"), Hélène Mannarino ("C Canteloup et bientôt "Dream team"), Laurent Mariotte ("Petit plats en équilibre"), Garance Pardigon (Le "20 Heures") ou encore Christophe Beaugrand ("Secret Story", "Ninja warrior" et jusqu'à il y a peu la matinale week-end de LCI).
Des visages extérieurs ont aussi renforcé les effectifs et ont rejoint la chaîne ces dernières semaines. Ainsi, "Télématin" fera sa rentrée sans Maud Descamps et Vincent Valinducq, "La maison des maternelles" sans Benjamin Muller et RTL sans Monique Younès. Tous les quatre font désormais partie de l'écurie TF1. "J'aimerais bien que l'humeur s'impose très vite et qu'on sente qu'il y a une alchimie, une envie de s'amuser, de partager. Et que les chroniqueurs entre eux, commencent (...) à se chamailler, mais toujours au service de l'info", n'a eu de cesse de répéter Bruce Toussaint. "Il va falloir qu'ils nous fassent un show aussi, c'est ça qu'on va attendre".
Si le budget engagé dans l'opération est confidentiel, Thierry Thuillier a évoqué un "investissement conséquent pour la chaîne et pour l'info" du groupe. "Je crois que ça le mérite compte-tenu de l'enjeu, 2h30 de direct toute l'année, toute la semaine". Outre les visages du plateau, une cinquantaine de personnes supplémentaires ont été embauchées pour relever ce défi, dont une large partie en région. "On a reçu des centaines de candidatures et on en reçoit toujours", s'est réjouit Antoine Guélaud, producteur de l'émission et ancien directeur des éditions spéciales de la chaîne.
Quand la chaîne fera-t-elle son bilan d'étape ? "Il y aura bien entendu une première étape vers le mois de juin", a indiqué le directeur de l'information du groupe. Mais TF1 laissera le temps à sa matinale de convaincre et la suite se comptera en années. "Peut-être sur deux ans, trois ans parce qu'on sait qu'il va falloir beaucoup d'énergie, d'habitude, de rendez-vous pour que finalement le public change ses habitudes". Autant dire que l'audience sera scrutée à toutes les étapes. En attendant, reste à savoir si le plan de bataille initial portera ses fruits.