Vous l'avez peut-être remarqué, votre télévision a de plus en plus tendance à vous ramener en enfance. En décembre et janvier dernier, M6 vous a ainsi fait jouer aux Lego avec son divertissement "Lego Masters", animé par Eric Antoine. Dès ce soir, Camille Combal vous proposera une course de billes baptisée "Marble Mania" sur TF1. Hier, c'est M6 qui a pratiqué les dominos avec Stéphane Rotenberg et Issa Doumbia. Et pour ceux qui ont toujours la nostalgie de leur prime jeunesse, C8 compte dès la fin de l'année leur offrir "Les rois de la pâte à modeler", une création française signée Tooco et H2O production, la société de Cyril Hanouna. Mais d'où vient cet engouement soudain pour les divertissements résolument régressifs ?
"Cette vague de jeux d'enfants existait déjà à l'étranger depuis quelque temps, notamment aux Etats-Unis", témoigne Bertrand Villegas de The Wit, un observatoire du marché mondial des programmes de télévision. La crise sanitaire a accéléré le mouvement sur le marché français, comme le confirme Julien Degroote, responsable des développements chez TF1. "Durant le confinement, tous les parents ont eu une connexion intense avec leurs enfants. Chacun a pu rentrer dans l'univers de l'autre et se retrouver autour de jeux transgénérationnels", commente-t-il, révélant par exemple que le succès viral de vidéos amateurs de parcours de billes pendant le premier confinement avait convaincu les cadres de la Une du potentiel d'un format comme "Marble Mania". "Ce sont des programmes de pur amusement qui font du bien après l'année que l'on vient de vivre", ajoute le cadre de la Une, pour qui la crise sanitaire a aiguisé chez les téléspectateurs un goût pour une télévision plus "bienveillante" voire "doudou".
Dans l'ère du temps, ces jeux régressifs présentent aussi de nombreux atouts pratiques pour les chaînes. "Ce sont des jeux universels que tout le monde connaît. Dans un monde où on n'a plus forcément le temps d'expliquer les concepts, c'est un avantage certain", décrypte notamment Bertrand Villegas. Ce dernier voit aussi dans leur "univers très visuel et coloré" un moyen pour les chaînes d'accrocher "l'attention du téléspectateur" à une heure d'hyperconcurrence.
Pâte à modeler, dominos et billes sont aussi l'occasion pour les chaînes de travailler ce qu'elles appellent l'écoute conjointe, autrement dit la consommation d'un même programme par les enfants et les parents au sein d'un même foyer. "Un programme comme 'Lego Masters' nous a permis de rassembler toute la famille devant la télévision et d'être fort sur toutes les cibles, notamment jeunes", se félicite ainsi Pierre-Guillaume Ledan, directeur adjoint des programmes de M6. "Les 15-30 ans sont attirés par la promesse de fun et de surprise de ces programmes", abonde Julien Degroote, son concurrent de TF1. Créant l'évènement, ces jeux régressifs sont ainsi pour les chaînes un moyen de se différencier des plateformes et d'endiguer la fuite des plus jeunes vers ces dernières, surtout le week-end.
La déferlante actuelle peut-elle pour autant s'installer durablement dans le paysage audiovisuel français ? "Cette tendance peut facilement durer pendant deux à trois ans", estime Julien Degroote de TF1. "Pour durer, ces jeux devront se réinventer à chaque saison", tempère pour sa part Pierre-Guillaume Ledan de M6. En attendant, "Lego Masters" est toujours un succès en saison 2 partout où il est diffusé. Aux Etats-Unis, ABC vient de lancer la saison 3 de "Holey Moley", son concours à succès de mini-golf. De quoi donner des idées de nouvelles adaptations aux chaînes françaises.