Deuxième année sur iTELE et deuxième TV Notes pour Bruce Toussaint. Avec 32% des voix, le journaliste et sa bande de la Team Toussaint l'emportent sur l'émission de Laurence Ferrari, "Tirs croisés", et sur la matinale de BFMTV. De 7h à 10h tous les matins, la tranche info du matinalier affiche des scores en progression cette année, réunissant chaque jour près de 220.000 téléspectateurs. En marge de la remise de ce prix, puremedias.com a rencontré Bruce Toussaint pour faire le point sur la concurrence avec BFMTV mais aussi revenir sur les moments forts de cette saison, des attentats contre "Charlie Hebdo" à l'éviction d'Eric Zemmour. Rencontre.
Propos recueillis par Benjamin Meffre
puremedias.com : Deux saisons de "Team Toussaint" et deux TV Notes, la vie est belle ?
Bruce Toussaint : Ca fait très plaisir, honnêtement. Ca récompense le travail de l'équipe. C'est quelque chose qui forcément nous touche et on prend ça avec beaucoup d'enthousiasme. Pour tout dire, on est même assez fiers de ce deuxième titre, je ne pensais pas qu'on gagnerait deux fois de suite (Rires). C'est top ! Je suis très content.
Quel bilan faites-vous de cette deuxième saison sur iTELE ?
C'est un bilan positif. Pour les chiffres, on est en forte hausse d'audience. La tranche a fait +21% sur l'ensemble de la saison. C'est quand même considérable, d'autant que c'était déjà le cas l'an dernier. Sur deux ans, si on compare aux chiffres avant mon arrivée, c'est très positif. Après, il ne faut pas tomber dans l'autocongratulation, ça serait un peu ridicule. Mais quand même, je pense que ça valide le modèle, la formule qui a été retenue, c'est à dire celle d'une bande qui chaque jour raconte et commente l'actualité. C'est en cela que la deuxième saison est très positive. Quand vous lancez une émission, vous essuyez un peu les plâtres la première année. On tente des choses, on modifie le conducteur. Sur une deuxième saison, on a l'occasion de consolider. Je pense que c'est plus solide et efficace aujourd'hui.
"Je veux gagner la bataille de l'audience des chaînes d'infos et dépasser notamment BFM TV". Qui a dit ça ?
(Rires) Il est possible que ce soit moi...
C'est bien vous. Vous maintenez ?
Oui, quand vous faites une émission, vous la faites pour qu'elle soit la plus réussie mais aussi la plus regardée. Donc je maintiens bien sûr cet objectif (Rires) ! Mais vous avez vu, j'ai eu la bonne idée de ne pas fixer d'échéance dans le temps.
Ne pensez-vous pas malgré tout qu'il existe un "réflexe BFM" dur à changer, du fait de la numérotation et du statut de chaîne leader ?
Oui, peut-être, sans doute. Mais moi, je pense qu'on peut les battre...
A quelle échéance alors ?
Je ne sais pas. Attention, c'est très difficile et je le sais. Mais je me lève tous les matins avec cet objectif. J'ai beaucoup de respect pour ce que font nos concurrents mais je pense que l'écart ne reflète pas la réalité de la qualité du travail. Quand vous achetez une voiture qui coûte 15.000 euros et une autre 10.000, ce n'est pas la même bagnole. Je ne suis pas sûr qu'il y ait un tel écart entre BFMTV et iTELE.
Y-a-t-il une vraie différence entre les deux tranches ?
Sans nier le fait que l'audience est un enjeu important, surtout en tant que challenger, ce qui me fait plaisir, c'est qu'on a réussi à proposer une offre différente. Personne ne peut dire que ce qu'iTELE fait le matin est la même chose en face. Et ça, c'est déjà une victoire. Après, le public fait son choix, il n'y a pas de problème. Mais je constate aussi qu'ils ont commencé bien avant nous. Le duo sur BFMTV a quelques années d'avance. Laissez-nous un peu de temps. On arrive, on est derrière ! Coucou BFM ! (Rires)
iTELE va lancer cet été une campagne de com' dans les bars pour qu'ils diffusent iTELE. La bataille des matinales se gagne aussi au comptoir autour d'un "p'tit noir" ?
Pourquoi pas. Elle se gagne partout. Effectivement, souvent, je passe dans un café et je vois que la télé est allumée sur une chaîne d'info. C'est sûrement qu'il y a un sens. Autant que les gens qui regardent une chaîne d'info dans les cafés regardent la nôtre ! Je trouve ça très malin comme initiative. Encore une fois, c'est le boulot du challenger de faire preuve d'audace. On est face à un leader incontesté, qui trône. Très bien ! Nous, on est là pour avoir des idées.
Amandine Begot va-t-elle revenir la saison prochaine ?
Je l'espère. Je pense qu'elle reviendra après son congé maternité. Elle est brillamment remplacée par Alice Darfeuille mais Amandine est un élément essentiel de la Team et je compte beaucoup sur elle.
Jean-Michel Aphatie va-t-il vous rejoindre la saison prochaine ?
Pas du tout. Ce n'est pas prévu, cette hypothèse n'a pas été évoquée.
Des nouveautés sont-elles malgré tout prévues ?
Je crois qu'il faut qu'on continue sur le même rythme et avec la même bande. Moi, je me suis assuré que chacun reste à sa place. Je les garde tous et je suis très content. Il y aura peut-être quelques changements dans le conducteur mais je pense qu'on ne change pas une équipe qui gagne, surtout le matin.
L'année 2015 a notamment été marquée par les attentats de janvier. Pensez-vous que les médias ont une reponsabilité dans l'état actuel de la rédaction de "Charlie Hebdo" ?
Je ne pense pas. Ce qu'a vécu "Charlie" est inouï et indicible. Aujourd'hui, honnêtement, que le journal connaisse des difficultés et soit dans un traumatisme peut-être insoluble, c'est malheureusement une triste réalité. Je ne pense pas que ce soit lié à la surexposition ou la surmédiatisation. Ce qui crée ce traumatisme, c'est 12 morts, cet effroi et cette horreur. Je pense au contraire que les médias ont eu ce réflexe, que l'on peut qualifier de corporatiste si on veut, de vouloir soutenir les leurs.
Comment jugez-vous globalement l'attitude de votre chaîne pendant ces évènements et la vôtre ?
C'est un questionnement permanent depuis la fin de cette séquence terroriste.
Est-ce que cela a changé quelque chose dans votre façon de travailler ?
Oui, bien sûr. Ça a changé quelque chose parce qu'on a encore plus réalisé à quel point la véracité de l'information était essentielle. Alors bien sûr il faut aller vite sur une chaîne info mais on doit avant tout donner une info juste, vérifiée. Avant janvier, on était peut-être un peu trop obnubilé par la rapidité. Aujourd'hui, le critère numéro 1, c'est la validité de l'information loin devant la rapidité. Après, si c'est vite, tant mieux, s'il faut attendre, ce n'est pas grave. On passe notre temps aujourd'hui à se poser des questions sur les infos qu'on donne à l'antenne.
L'éviction d'Eric Zemmour a largement réduit sa présence médiatique. Pensez-vous que ce soit une bonne nouvelle ?
Moi j'étais plutôt satisfait de cette décision de la chaîne à titre personnel. A la fois en tant que journaliste d'iTELE et téléspectateur, je pense que c'était une bonne idée d'arrêter. On était un peu au bout d'une histoire, d'un système. On ne parlait plus que des polémiques d'Eric Zemmour autour de l'émission. Je pense que ça n'apportait plus rien. La politique éditoriale d'une chaîne se construit aussi autour de choix qui peuvent être très forts et très assumés. Celui-ci en était un. C'est un choix qui veut dire quelque chose et moi je le soutiens.
Le feuilleton LCI n'en finit pas de rebondir. Depuis un an, les conditions du marché ont un peu évolué, c'est votre avis sur ce dossier aussi ?
Non. J'ai beaucoup de respect pour la rédaction de LCI et quelque part ça m'inquiète aussi de voir que cette rédaction peut disparaître. Mais je continue à penser qu'il n'y a pas de place pour une troisième chaîne info en France. Pour moi, ça n'a pas de sens. Quand on voit les difficultés déjà rencontrées par BFM et iTELE, ça ne me paraît pas du tout raisonnable.
Peut-on cependant dire que BFM rencontre des difficultés quand on voit les chiffres très positifs de la chaîne ou encore le rachat récent de Numéro 23 ?
C'est le groupe NextRadioTV qui va bien. Mais je ne suis pas sûr que les recettes publicitaires de BFMTV aient explosé. Le marché publicitaire n'a pas non plus été multiplié par deux. Donc ça me paraît très périlleux d'accueillir une troisième chaîne.
Vous êtes passé par Canal+ et France 2, quand est-ce que vous allez revenir sur une grande chaîne ?
D'abord, moi j'ai le sentiment qu'il n'y a plus vraiment de grandes et petites chaînes à partir du moment où vous êtes sur une chaîne gratuite. Quand vous voyez les chiffres des chaînes historiques, tout s'est quand même un peu aplani. Alors bien sûr, on ne va pas comparer iTELE et TF1. Je pense qu'une chaîne gratuite est une grande chaîne. Je n'ai donc pas de frustration par rapport à ça. Etre sur une chaîne d'info au moment où les chaînes d'info ont pris une telle ampleur, ça suffit à mon bonheur.
En décembre dernier, vous confiiez à puremedias.com que la personnalité qui marquerait 2015 serait le futur patron de France Télévisions. Est-ce que les multiples plaintes visant la nomination de Delphine Ernotte ne sont pas la pire manière de commencer un mandat ?
(Silence). Je n'en sais rien... Je ne suis pas assez calé sur le dossier. En tout cas, ça montre visiblement qu'on n'a toujours pas trouvé la bonne formule pour faire une nomination qui soit absolument irréprochable. Il y a peut-être encore quelque chose d'autre à inventer.
Quels conseils lui donneriez-vous dans sa relation aux animateurs, vous qui avez eu une expérience malheureuse avec le service public ?
Honnêtement, ce n'est pas le boulot d'un patron de France Télé de gérer les animateurs. C'est le travail des gens qui sont en dessous. Tout ça est un peu loin en fait. C'est bien de me le rappeler parce que j'avais un peu fait un travail sur moi pour oublier tout ça (Rires). Je n'ai pas de conseils particuliers à donner, je trouve juste qu'il serait normal que l'audience ne soit pas un critère sur le service public. Ce serait déjà une grande victoire !