Petite révolution dans le PAF aujourd'hui. Après avoir proposé des séries achetées sur catalogues, des série étrangères originales, puis des séries françaises originales, Netflix passe aujourd'hui un nouveau cap en France. La plateforme américaine va ainsi proposer dès aujourd'hui six épisodes de "C'est du gâteau !", un nouveau programme comique animé par Artus et traduit en huit langues. Ce concours du pire de la pâtisserie est ainsi le premier jeu produit en France diffusé par le géant américain. A la production, on retrouve Fremantle - société cousine de M6 via RTL Group - bien connue des téléspectateurs pour produire des émissions à succès comme "La France a un incroyable talent" ou "L'Amour est dans le pré". puremedias.com a rencontré son patron en France, Bruno Fallot.
Propos recueillis par Benjamin Meffre.
puremedias.com : Vous êtes la première société de production à fabriquer une émission de flux pour Netflix en France. C'est un motif de fierté ?
Bruno Fallot : Oui. C'est une vraie fierté. Nous avons remporté un appel d'offres lancé par Netflix pour produire, non seulement la version française de "Nailed It" (le format américain à l'origine de "C'est du gâteau !", ndlr), mais aussi la version espagnole et allemande. Les équipes de Netflix sont visiblement très satisfaites du résultat. C'est donc un vrai motif de satisfaction.
Le fait que vous puissiez produire l'émission dans plusieurs pays a été décisif pour Netflix ?
Cela a fortement joué, oui. L'enjeu était d'arriver à faire un hub où nous tournions les versions du programme pour les trois pays, tout en gardant les spécificités locales de chacun d'eux. En l'occurence, ce hub était installé dans un studio à la Plaine Saint-Denis.
Cette technique de production vous a permis d'être moins cher que la concurrence ?
D'autres groupes en France faisait la même chose. Je pense que nous sommes à peu près tous partis à égalité dans ce domaine. En réalité, je pense que c'est plutôt le côté créatif qui a fait la différence. Nous, chez Fremantle, on est parfaitement habitué à travailler entre équipes de différents pays. On se connaît par coeur. Je pense que Netflix a senti cela.
"C'est du gâteau !" est-il un jeu ou un divertissement ?
C'est un jeu dans le sens où il y a un gagnant à la fin. Mais en réalité, c'est davantage un divertissement, une série humoristique autour d'un concours de pâtisserie qui récompense le "meilleur du pire". C'est complètement décalé et déconstruit. C'est un vrai divertissement foutraque.
Artus comme animateur, c'est votre choix ou celui de Netflix ?
C'est un choix commun. Nous sommes arrivés avec plusieurs propositions. Artus a déclenché un "oui" immédiat. On l'a donc rencontré. Il adorait déjà l'émission américaine et a simplement demandé à pouvoir faire ce qu'il veut. Cette liberté était très importante pour lui. Et on lui a évidemment dit "oui".
L'idée est de toucher une cible jeune avec lui ?
La cible du programme est plutôt jeune oui, tout comme le public de Netflix de manière générale.
Netflix se comporte-t-il différemment de vos clients traditionnels de la télévision ?
Il y a des différences d'organisation car il s'agit d'une entreprise internationale. Tout ce fait par exemple en anglais. Ca peut paraître idiot mais ça change les choses malgré tout. Ils ont aussi des méthodes de travail très encadrées. Le travail en amont est très précis. Mais une fois qu'on rentre dans leurs chaussons, qu'on apprend à travailler selon leurs méthodes, c'est plutôt simple.
Est-ce que produire pour Netflix vous empêche de produire pour Amazon ? Exige-t-il une exclusivité ?
Non.
N'avez-vous pas l'impression avec cette production de faire entrer le loup dans la bergerie, le flux étant peut-être la dernière chasse gardée des chaînes de télé en France ?
C'est une question qu'il faut poser aux diffuseurs. Moi, je suis producteur de contenus. Mon métier est de faire des émissions. Je fais mon boulot, que ce soit pour TF1, France Télévisions, M6 ou Netflix.
Avez-vous d'autres projets avec Netflix ?
On réfléchit à des choses avec eux. On se parle beaucoup. Mais pour l'instant rien n'est signé et je ne peux donc pas en parler davantage.
"'L'Amour vu du pré' est un énorme carton !"
puremedias.com a annoncé l'arrivée d'une version de "La France a un incroyable talent" avec d'anciens candidats. Pouvez-vous nous en dire plus ?
No comment, désolé (sourire).
La saison qui vient de démarrer sur M6 est marqué par la stabilité. Pourquoi ?
L'année dernière était celle des gros changements et on a cartonné. Ce n'était pas opportun selon nous de changer de nouveau les fondamentaux si vite. On ne change pas une équipe qui gagne au bout d'une seule année. Les très bons scores du lancement de cette 14e saison ont l'air de montrer que nous n'avions pas totalement tort. Il faut par ailleurs comprendre que même sans changement majeur, il y a un travail permanent autour du programme, pour raconter les histoires de manière différente, mettre en valeur les numéros de manière nouvelle, surprendre encore les téléspectateurs mais aussi le jury qui, après des heures de tournage, peut avoir un coup de mou. Je rappelle aussi que nous avons changé l'animateur de la deuxième partie de soirée, avec l'arrivée de Donel Jack'sman, ce qui n'est pas rien quand même.
La saison en cours de "L'Amour est dans le pré" est beaucoup plus calme que la précédente. C'est une volonté de votre part ?
Oui, c'est vrai que c'est peut-être plus calme que l'année dernière. Mais cela ne dépend pas de nous. Ce sont les participants qui décident. "L'Amour est dans le pré", ce n'est que de l'humain, de l'authentique. C'est par définition quelque chose qu'on ne contrôle pas en tant que producteur. Mais on a quand même des agriculteurs géniaux cette saison.
Etes-vous satisfait du comportement de "L'Amour vu du pré", le programme dérivé de "L'Amour est dans le pré" lancé cette saison en deuxième partie de soirée ?
C'est un énorme carton ! Je crois que c'est une des meilleures deuxièmes parties de soirée de M6 du côté des audiences. L'idée est partie des anciens participants de "L'Amour est dans le pré" eux-mêmes. Nous sommes toujours en lien avec eux. Nous sommes invités aux mariages, aux baptêmes etc. Lors de nos rencontres, ils nous ont dit qu'ils se revoyaient entre eux et qu'ils regardaient en groupe les nouvelles saisons de "L'Amour est dans le pré". Voilà tout simplement comment est né le programme.
"'Nouvelle Star' peut revenir"
"Mon admirateur secret" reviendra-t-il ?
Oui, on vient de terminer le tournage de plusieurs numéros. Ils sont au montage. Julia Vignali sera toujours à la présentation et la mécanique restera inchangée.
Est-ce que "Cette maison est pour vous" va revenir ?
Probablement. Avec Stéphane Plaza, on a très, très envie que cela revienne. Nous planchons sur une saison 2 pour que ce soit encore plus efficace. Je rappelle que la diffusion du premier numéro était intervenue dans un contexte très particulier, le soir de l'incendie à Notre-Dame.
"Les W9 d'or" reviendra-t-il ?
Cela reviendra, oui. On ne sait pas encore quand cela sera diffusé. On est en écriture pour l'instant, avec un tournage à la mi-décembre.
Avec Issa Doumbia à la présentation ?
Tout est ouvert.
"Nouvelle Star", l'une de vos marques les plus emblématiques, a été ressuscitée deux fois. Pourquoi pas trois ?
Tout est envisageable. "Nouvelle star" est sans doute la marque la plus mythique des télé-crochets français de chant. Evidemment que cela peut revenir. Je pense même qu'elle reviendra un jour. Après, est-ce que je souhaite qu'elle revienne dans l'immédiat ? Pas forcément. C'est encore un peu tôt et il faut selon moi encore laisser reposer la marque. Et si on le refait, il faudra tirer les enseignements du passé et revenir aux fondamentaux du programme.
Vous co-produisiez "Le Bigdil" dans les années 1990-2000. Un retour du programme, souhaité par Lagaf', est-il prévu ?
De notre côté, ce n'est pas d'actualité.
"Nous venons de signer pour une nouvelle quotidienne sur M6"
Beaucoup des marques du catalogue de Fremantle sont anciennes. Leur renouvellement est-il votre mission n°1 ?
C'est une de mes deux missions principales. La première est de pérenniser les marques actuelles, ce que l'on parvient pour l'instant à bien faire - et je touche du bois ! La deuxième, c'est en effet de créer de nouvelles marques. C'est ce qu'on fait avec "L'Amour vu du pré", "Mon admirateur secret", "Cette maison pour vous", qui est une création pure. C'est ce qu'on fait avec "Dîner avec mon ex", qui est un succès phénoménal sur 6Play et dont la saison 2 va sortir en novembre. Une déclinaison en linéaire n'est d'ailleurs pas impossible. C'est enfin ce qu'on fait avec "C'est du gâteau !" pour Netflix. En tout, nous avons lancé cinq nouveaux programmes cette année. Nous venons aussi de signer une nouvelle quotidienne pour M6 pour l'année prochaine. Il s'agira d'un programme de factual programmé en access, sans incarnation. Je ne peux pas en dire plus pour l'instant.
M6, chaîne cousine de votre société via RTL Group, est aussi votre principal client en France. N'avez-vous pas pour objectif de diversifier votre portefeuille de clients ?
Nos relations avec M6 sont excellentes et marquées par une grande confiance et de très beaux succès. Maintenant comme toute société, il est en effet important et sain de diversifier ses clients, tant pour des raisons économiques que créatives. Nous sommes en train de le faire en produisant pour Netflix mais aussi pour le groupe TF1, avec lequel nous venons de signer pour l'adaptation de "21 Again" sur TFX. J'ajoute que via notre agence de presse, TV Presse, Fremantle travaille avec toutes les chaînes du PAF, d'Arte à RMC Découverte, pour lesquelles nous produisons des documentaires et des reportages.
A quand un grand prime de divertissement produit par Fremantle sur la chaîne TF1 ? N'est-ce pas la marche à franchir pour vous ?
Nous n'y sommes évidemment pas opposés, et eux non plus d'ailleurs ! Aujourd'hui, les acteurs du PAF sont pragmatiques. S'il y a une bonne émission, bien produite, tout le monde va la vouloir.
"'Questions pour un champion' est une pépite"
Voulez-vous produire davantage de fictions ?
On en produit déjà via deux sociétés. Kwaï, qui produit notamment "Baron noir" pour Canal+ dont la saison 3 arrivera bientôt, ou "La dernière vague", une fiction diffusée actuellement sur France 2. Nous possédons aussi la boîte de prod Fontaram, qui sera notamment derrière "Maddy Etcheban", un unitaire de 90 minutes avec Lorie Pester et Gary Guénaire attendu sur France 3 prochainement.
La fiction n'est-elle pas un créneau trop embouteillé actuellement ?
C'est le genre qui croît le plus depuis quatre à cinq ans. Il faut y aller, c'est une évidence.
"Questions pour un champion" a survécu à la volonté de France Télévisions, la saison dernière, de supprimer un jeu de ses antennes. Etes-vous satisfait des performances de l'émission ?
Plus que ça ! Nous avons fait un été record depuis 2016 (année d'arrivée de la nouvelle formule du jeu et de Samuel Etienne, ndlr). Nous grimpons d'année en année. "Questions pour un champion" est un jeu patrimonial, avec une grande exigence dans le niveau des questions et des candidats. Mettre autant en avant la culture générale et la connaissance à la télévision est rare. Ce jeu est une pépite ! Il est d'utilité publique et en plein accord avec l'ADN du service public. En plus, ça marche et ce n'est pas cher pour le diffuseur. Il coche donc toutes les cases.