Les femmes et le sport sont à l'honneur sur puremedias.com. A l'occasion de la Coupe du monde de football féminin en France du 7 juin au 7 juillet, les femmes journalistes de l'univers du ballon rond se confient pour notre opération #FemmesDeFoot sur le tournoi international de football, mais aussi sur leurs actualités à la télévision. Ainsi, Carine Galli, journaliste sur L'Equipe et W9, a répondu à notre sollicitation.
Propos recueillis par Florian Guadalupe. Entretien réalisé le 29 mai.
Que représente le football féminin pour vous ?
Ca représente une découverte il y a quelques années avec Eurosport. J'avais pu suivre les joueuses qui faisaient la Ligue des Champions. A l'époque, il y avait Lyon et Juvisy en compétition. J'étais alors en bord de terrain. Aujourd'hui, c'est un rendez-vous qui a lieu dix fois par an avec W9. Ce sont des joueuses que j'ai connues il y a assez longtemps quand j'étais à Eurosport et qui sont encore aujourd'hui en équipe de France, comme Gaëtane Thiney. Le football féminin, ce sont aussi des souvenirs et de l'actualité. Ce sont également des accès qui sont plus simples. Parler avec une joueuse de l'équipe de France est une chose que l'on peut faire très facilement. C'est quelque chose de très agréable et très important dans le métier.
Quelle sera la surprise de cette Coupe du monde féminine ?
Je ne sais pas s'il y aura une surprise. Je sais par contre qu'Estelle Denis m'a piqué ma joueuse dans son interview qu'elle vous a accordée. (rires) C'est Delphine Cascarino. C'est une fille que j'ai découverte en équipe de France cette saison, depuis que je suis les Bleues avec W9 en septembre dernier. C'est une joueuse qui a de grandes capacités de dribble et de percussion. Elle élimine et peut mettre à mal une défense avec sa technique et sa vitesse. C'est aussi la jeunesse ! Elle est également une réalité du football. Elle joue à l'Olympique Lyonnais. On l'attend en équipe de France. Elle va jouer sa première Coupe du monde. J'ai envie de la suivre. Elle a une histoire intéressante.
"Les gens qui se sont offusqués de la non-sélection de Katoto ne suivent pas du tout le football féminin."
Quelle joueuse fera la Une des médias cet été ?
Je n'en sais rien... Je n'ai pas aimé la polémique qui est née à partir de la non-sélection de Marie-Antoinette Katoto en équipe de France. Les gens qui se sont offusqués de cette non-sélection ne suivent pas du tout le football féminin. Ca m'a fait doucement rire... Moi, je comprenais totalement le choix de Corinne. J'étais persuadée qu'elle ne la prendrait pas. Par rapport à sa logique de groupe et par rapport à ce qu'elle a créé, c'était logique et c'était cohérent avec ses choix. On parle d'une joueuse qui est très jeune, qui a quatre sélections. Il y a des génies qui nous expliquent qu'il y a un rapport avec Benzema et Deschamps. C'est bien de vouloir inventer des polémiques dans le football féminin. Ca veut dire qu'il y a un intérêt et qu'il y a du buzz. Mais c'est complètement faux ! Concernant votre question, je pense qu'une Eugénie Le Sommer sera forcément importante. Une Amandine Henry aussi. Je ne sais pas s'il y aura qu'une joueuse. Quand on regarde l'équipe de France, il y a une variété de buteuses et pleins de joueuses importantes, comme Wendy Renard, par exemple.
L'équipe de France peut-elle remporter la compétition ?
Je l'espère. Il y a ce que dit Corinne tout le temps : la finale. Elle veut la gagner. Sinon, ce sera un échec. Mais il y a aussi ce cap qui n'a jamais été franchi jusqu'à présent. Les Bleues n'ont toujours rien gagné. Un jour, ce plafond de verre sera explosé. J'espère que ce sera cet été. Ce qui est sûr, c'est qu'il y a une homogénéité dans cette équipe. Ca m'a marqué lorsque j'étais en bord de terrain pour France/Thaïlande. Amel Majri a raté une passe facile dans son couloir à gauche. Et là, tout le banc l'a encouragée, alors que c'est un match amical et qu'il y avait match nul. Je trouve qu'il y a une vraie cohésion dans cette équipe. Il y a beaucoup de signes qui me plaisent.
Quel sport féminin devrait être beaucoup plus diffusé à la télévision ?
J'en sais rien. Le sport, je ne le codifie pas par rapport à son sexe. Il y a des choses que j'ai envie de voir à la télévision, que je ne peux plus voir d'ailleurs aujourd'hui. Ca me manque parce que c'est sur des chaînes payantes ou que ce n'est plus devenu un rendez-vous. Je pense à la Formule 1. Je regardais toujours avec mon père le Grand Prix à 14h. Aujourd'hui, c'est sur Canal+. Même si j'ai la chaîne, ce n'est pas quelque chose de facile et d'évident pour moi. Puis, il y a des horaires qui sont complètement différents.
"S'il y a une élimination très décevante des Bleues, ça fera pschitt !"
Quel sera votre rôle lors de la Coupe du monde féminine sur la chaîne L'Equipe ?
Je n'aurai pas de rôle en particulier. Je vais juste suivre l'équipe de France. Je vais former un tandem avec Anne-Sophie Bernadi. L'idée est que nous soyons présentes toutes les deux lors des conférences à J-1 des rencontres des Bleues. Les jours de match, on sera également là pour faire vivre la soirée avec les supporters. C'est toujours un événement très populaire. C'est extraordinaire de vivre une Coupe du monde en France. On débriefera les matchs comme on le fait tout au long de la saison. Après, on suivra les matchs de l'équipe de France dans leurs différentes destinations. Elles n'auront pas que Clairefontaine comme camp de base. Parfois, elles seront amenées à rester plusieurs jours à Rennes ou à Nice. On suivra les Bleues au quotidien, en essayant d'offrir le maximum de visibilité à cette compétition sur la chaîne.
Traite-t-on le football féminin de la même manière que le football masculin ?
Pour moi, on doit le traiter exactement de la même manière. Après, je ne sais pas si les gens le traitent de la même façon. Un débrief de match, qu'il soit masculin ou féminin, doit être exactement la même chose. Patrice Lair, qui est consultant de la chaîne L'Equipe et ancien entraîneur de l'OL et le PSG féminins, analyse les matchs de la même façon, que ce soit un match féminin ou masculin. A mes yeux, oui, ça doit être traité de la même façon.
Avec les différents dispositifs sur les chaînes de télévision pour la Coupe du monde, est-ce que le défi ne sera pas aussi de convertir le public au football féminin ?
Pour moi, ce n'est pas un défi. Les gens adhèrent ou non. Vous regardez les audiences sur W9, elles sont exceptionnelles. Elles sont meilleures que le foot masculin avec la Ligue des nations. Depuis septembre, j'ai fait une dizaine de matchs avec l'équipe de France. Il n'y avait qu'un seul stade où il n'y avait pas énormément de monde, mais c'était à Nice où même les garçons ne remplissent pas leur stade. Sinon, on a vu des ambiances exceptionnelles, que ce soit à Orléans, au Havre, à Amiens ou à Saint-Etienne. Le public est au rendez-vous. Moi, je suis là pour convertir personne. J'essaye de faire mon travail de manière professionnelle. Par exemple, j'adore la Ligue 2. Je me fais constamment chambrer par des collègues, de façon bienveillante. Je leur dis qu'ils comprennent rien et que la Ligue 2 est géniale. Je ne peux pas les convertir. C'est à eux de la découvrir et d'adhérer.
Pensez-vous que cette Coupe du monde féminine peut être un tournant pour le sport féminin à la télévision ?
Ca peut être un tournant encore plus global. En France, on a besoin de victoires. On a besoin d'essayer d'emmener les gens avec nous pour qu'on s'intéresse à telle ou telle chose. La victoire de l'équipe de France en 2018 a amené une énorme envie de la part des petits garçons et des petites filles de se mettre au foot, parce qu'ils se sont régalés pendant cette Coupe du monde. C'est ce qu'il va se passer cet été si les Bleues font un beau parcours. Mais il faudra un sacre. S'il y a une élimination très décevante, ça fera pschitt ! Cette envie de faire du foot chez les filles est déjà présente à travers le foot masculin. Ensuite, je pense qu'il faut qu'il y ait des visages, une épopée, des matchs à rebondissements. Si Wendie Renard marque le but de la victoire de la tête à la 92e minute en demi-finale, les enfants voudront être Wendie à la rentrée !
"J'aimerais retrouver ce rôle d'animatrice."
Revenons sur votre saison au sein de W9 et de L'Equipe. Quel bilan tirez-vous de votre année ?
Il y a effectivement de belles choses avec le football féminin que je suis pour W9 depuis septembre 2018. Je suis très contente d'être avec Camille Abily et Denis Balbir sur cette discipline. Ca fait des années que je voulais inviter Camille dans des émissions. Elle ne pouvait jamais. Quand j'avais déjeuné avec mes dirigeants de W9 et M6 et qu'ils m'avaient proposé le foot féminin, je leur avais dit qu'il fallait à tout prix prendre Camille Abily comme consultante. Ils m'avaient répondu : "On l'a déjà signée". C'était le meilleur choix qu'ils pouvaient faire. J'ai aussi couvert les Bleus garçons de manière épisodique en fonction de la répartition des matchs avec TF1. Là aussi, c'est toujours des retrouvailles avec Guy Stephan et Didier Deschamps, que j'ai connus au début de ma carrière. C'est intéressant de découvrir l'après-Coupe du monde et le visage que peut afficher l'équipe de France. Ensuite, il y a des compétitions qui sont ouvertes à de plus en plus d'équipes. Donc, forcément, le niveau des matchs n'est pas le plus enthousiasmant du monde. Mais dans ces matchs, on trouve toujours des petits bonheurs.
Vous avez de nombreuses casquettes, que ce soit celle de chroniqueuse, d'intervieweuse ou d'animatrice. Quel est le rôle qui vous plaît le plus ?
Ce qui me plaît le plus est de présenter une émission. J'ai eu "100% Foot", mais il n'y en a plus spécialement. J'aimerais retrouver ce rôle d'animatrice. J'aime beaucoup être aussi sur le terrain. Le terrain, c'est la vie d'un journaliste. Le quotidien du journaliste n'est pas d'être sur un plateau. On doit être sur le terrain avec les acteurs du football. Ce sont les deux choses qui me plaisent le plus.
Sur les plateaux, vous êtes connue pour votre franc-parler. Est-ce nécessaire aujourd'hui pour s'imposer dans un débat autour du football ?
Le principe d'un débat et d'un talk est qu'on a un temps de parole réduit. On est plusieurs. Il faut qu'on essaie de ne pas répéter ce que les autres ont dit juste avant. C'est un exercice que je fais depuis des années. Je suis assez rodée. C'est le principe de toutes les émissions de débat. Ensuite, les gens jugent si on est pertinent ou pas. Le but est quand même qu'on puisse s'exprimer et avoir un avis. Cet avis est par la suite sujet à débat. Il faut qu'il soit donné assez rapidement et qu'on ne tourne pas autour du pot.
"Quand RMC a acheté les droits de la Ligue Europa, j'étais très déçue."
La saison dernière, vous aviez vécu une belle épopée en Ligue Europa avec l'Olympique de Marseille sur W9. La chaîne n'a plus les droits de cette compétition. Est-ce que ça vous a manqué ?
Oui. Ca m'a manqué. C'était un rendez-vous. J'étais à la tête des grandes soirées européennes. L'OM a été en finale, donc l'OM nous a portés. On a fait des audiences incroyables. Après, vu le fiasco global qu'il y a eu en Ligue Europa des clubs français - je sors Rennes -, W9 était moins triste, je pense. (rires) Les audiences ne sont pas les mêmes quand c'est Marseille que quand c'est Rennes. Ca m'a manqué aussi parce que c'était un rendez-vous que j'ai présenté pendant trois ans. A l'époque, W9 était venue me chercher alors que j'étais sur BFMTV. C'était la marque de confiance d'un grand groupe. J'étais très heureuse. Donc, quand RMC a acheté les droits, j'étais très déçue car je savais que c'était la fin d'une aventure.
Serez-vous toujours dans le groupe M6 et la chaîne L'Equipe à la rentrée ?
Je ne sais pas du tout. On n'a pas encore rediscuté. On est fin mai. (L'entretien a été réalisé le 29 mai 2019, ndlr) J'ai déjeuné rapidement avec mes chefs chéris de W9. Je n'ai pas discuté précisément avec la chaîne L'Equipe. Donc, c'est encore trop tôt. Le mercato n'est pas ouvert, c'est comme celui des footballeurs. En tout cas, le mien n'est pas encore ouvert. Ou il ne s'est pas fermé. On peut le voir comme on veut. Dans les deux sens, ça marche. (rires)
Aimeriez-vous être à la tête d'une émission de sport à un rythme régulier ?
Oui. Ca me plairait. Ce qui était difficile avec la Ligue Europa, c'est que c'était entre 13 à 15 fois par an. C'était des rendez-vous qu'on ne peut pas vraiment installer avec le public. Même si les gens étaient au rendez-vous parce qu'il y avait un match et le match nous porte. Mais c'est vrai quand on retrouve quelqu'un toutes les semaines, avec la même bande, c'est quand même plus simple pour créer un vrai rendez-vous. Quand c'est disséminé sur une année et pas de façon régulière, c'est plus dur.
M6 n'a pas aujourd'hui de grand rendez-vous de sport hebdomadaire. Ca entrerait dans leur stratégie de création de magazines.
J'adorerais ! Donnez-leur l'idée ! Ils ne m'écoutent pas. (rires)
Enfin, plus globalement sur votre métier, en est-il terminé de l'image machiste du journalisme sportif ?
Des gens bienveillants et des gens malveillants, il y en a partout. J'ai rencontré de très belles personnes dans ce milieu. Par exemple, Didier Roustan. On pourrait imaginer qu'il est machiste. C'est absolument tout le contraire. C'est quelqu'un extrêmement bienveillant. Il aime bien prendre les gens sous son aile, les guider et les aider. C'est ce qu'il a fait avec moi. Pourtant, Didier Roustan est plus de la génération de Thierry Roland que de la mienne. Les gens seront toujours confrontés à des beaufs, à des machistes et à des réflexions qui n'ont pas lieu d'être. C'est un manque d'éducation pour moi. Je n'ai jamais vu mon père avoir des propos sexistes envers une femme quand il regarde la télé. Je suis toujours sidérée de voir des gens qui se répandent sur les réseaux sociaux ou ailleurs et qui n'ont aucune éducation. Ca me dépasse...
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