Les femmes et le sport sont à l'honneur sur puremedias.com. A l'occasion de la Coupe du monde de football féminin en France du 7 juin au 7 juillet, les femmes journalistes de l'univers du ballon rond se confient pour notre opération #FemmesDeFoot sur le tournoi international de football, mais aussi sur leurs actualités à la télévision. Ainsi, Charlotte Namura, journaliste dans "Téléfoot" sur TF1, a répondu à notre sollicitation.
Propos recueillis par Florian Guadalupe. Entretien réalisé le 15 mai.
Que représente le football féminin pour vous ?
Je ne fais pas beaucoup de distinction entre foot féminin et foot masculin. En fait, c'est le même sport. Ce sont les mêmes règles. C'est le même jeu. C'est le même stade. Ce sont les mêmes distances. Ca représente aussi une forme d'émancipation des femmes dans le sport. Effectivement, étant une femme et travaillant dans le football, pour moi, ça représente un symbole encore plus fort pour la représentation des femmes dans le milieu sportif.
Quelle sera la surprise de cette Coupe du monde féminine ?
Je mets une pièce sur l'Angleterre. C'est une équipe extrêmement solide. J'en ai vu quelques-unes jouer à Chelsea lors de la demi-finale face à Lyon. Même si elles ont perdu, elles sont hyper costaudes. Les Anglaises étaient troisièmes lors de la dernière édition de la Coupe du monde féminine. En plus de ça, elles sont dans l'un des groupes les plus difficiles. Je pense que ce groupe-là avec les Japonaises, les Ecossaises et les Argentines, est très dur. Si elles tirent leur épingle du jeu, elles peuvent nous impressionner.
"J'y crois à fond ! Je suis sûre que l'équipe de France gagnera !"
Quelle joueuse fera la Une des médias cet été ?
Je pense une Française. C'est comme chez les garçons. On aime ceux qui marquent des buts. Donc ce sera des buteuses. Elles seront plus exposées. Le public va certainement s'attacher à Delphine Cascarino. C'est une super joueuse toute jeune. C'est son premier mondial. Elle est souriante et pétillante. On s'attachera à elle comme on s'est attaché à Kylian. En U17, elle a déjà été championne du monde. Donc, elle connaît les matchs à enjeu. Surtout, elle a des "crochet frappe" exceptionnels. Elle peut faire très, très mal !
L'équipe de France peut-elle remporter la compétition ?
Evidemment. J'ai été l'une des seules à le dire pour les garçons. Je tiens à m'en féliciter ! (rires) Je le redis cette année. Elles peuvent remporter ce Mondial. Elles sont chez elles. Elles ont leur public. Elles se connaissent très bien. Elles jouent ensemble toute l'année. Elles ont autant des piliers qui sont là depuis des années que des petites jeunes qui sont bien encadrées. Corinne Diacre a formé un groupe qui est comme celui de Didier Deschamps. Elle a mis un poing d'honneur sur l'entente de groupe. Le mois de préparation les a solidifiées encore plus ! J'y crois à fond ! J'en suis sûre !
Quel sport féminin devrait être beaucoup plus diffusé à la télévision ?
C'est dur d'en choisir un plus qu'un autre. Il y en a tellement qui mériteraient d'être diffusés. Il est vrai que pour plusieurs sports, le féminin est déjà assez exposé. Par exemple, le tennis, on ne fait pas plus attention. L'athlétisme et la natation, c'est pareil. Après, c'est vrai que les sports, qui sont très liés à l'homme, qui sont très virils, pratiqués par des femmes, mériteraient plus d'exposition. Par exemple, le rugby ou la boxe. Dès qu'il y a trop de rapprochement avec le viril et que ces filles-là sont un petit peu remises en question, ça mérite d'être un peu plus mis en avant.
"Ce sera un peu notre Tour de France avec Fredéric Calenge."
Comment allez-vous aborder la Coupe du monde féminine sur le groupe TF1 ?
Je vais l'aborder de plusieurs façons. D'abord, en gardant "Téléfoot". Je présenterai avec Frédéric Calenge des "Téléfoot" délocalisés. Je suis très contente de pouvoir partager cette émission-là avec lui. Je serai proche de Corinne Diacre et des Bleues. Je participerai aussi au "Mag" de Denis Brogniart, mais d'une autre manière. Je ne serai pas sur le plateau ! Je vais enfin pouvoir voir le ciel, le jour et le soleil. (rires) Sur les matchs des Bleues, je ferai vivre l'ambiance aux alentours des stades. Je serai au plus près des supporters et des familles. J'essayerai de donner un maximum d'images et de détails sur les coulisses de l'équipe de France.
Les délocalisations de "Téléfoot" seront donc en fonction de l'équipe de France ?
Exactement ! Elles n'ont pas de point de chute réel. Les Bleus garçons étaient dans leur campement de base en Russie. Les filles auraient pu rester à Clairefontaine. Ce n'est pas le cas. Elles vont se déplacer un peu partout. Avec "Téléfoot", nous allons les suivre et nous déplacer dans les stades. On est très content de pouvoir aller un peu partout en France. C'est le public de "Téléfoot" en fait ! On va pouvoir rencontrer les gens et se déplacer dans les villes. Ce sera un peu notre Tour de France avec Fred, mais on ne le fera pas à vélo ! (rires) Je ne tiendrai pas le rythme sinon !
Avec ce dispositif assez conséquent, est-ce que le challenge ne sera pas aussi d'essayer de convertir le public au football féminin ?
Oui. On est toujours en train de demander aux gens de s'intéresser au sport féminin. Je pense que les gens ne sont pas si bêtes que ça. Au final, les gens aiment le sport en général. Ils aiment les belles histoires, les beaux scénarios et la victoire quand ils soutiennent une équipe. Moi, je lui fais confiance à ce public. Au démarrage l'année dernière, les garçons n'étaient pas si formidable que ça. Dans les phases de groupe, l'engouement n'était pas si fort. Peut-être que les filles, ce sera pareil. Il y aura peut-être un peu plus de curiosité que les garçons au début. Mais ce public va découvrir tout seul que les filles jouent comme les garçons.
"Des petites filles demanderont à leurs parents de s'inscrire au football après la Coupe du monde."
Traite-t-on le football féminin de la manière que le football masculin ?
J'ai envie de dire oui. Après, je ne vais pas vous cacher que d'un point de vue personnel - et je crois qu'il n'y a que les femmes qui peuvent expliquer ce sentiment-là - ce sera très fort de me retrouver dans un tel dispositif pour du football. Qu'on soit journaliste sportive, entraîneure, footballeuse, dirigeante d'un club ou juste une passionnée de football, toute femme liée au foot a une histoire forte avec ça. Pour nous, travailler sur un événement de femmes qui jouent au foot, c'est un sentiment extrêmement fort ! C'est beaucoup de fierté aussi !
Est-ce que cette Coupe du monde, avec sa forte médiatisation, peut être un tournant pour le sport féminin ?
Bien sûr ! Comme à chaque fin de Coupe du monde, fille ou garçon, il y a toujours un engouement dans les clubs. Je pense à toutes ces petites filles qui seront l'effet papillon de cet événement et qui demanderont à leurs parents de s'inscrire au football. Même encore plus fort ! Avoir des petits garçons qui disent : "Papa, maman, je veux être comme Amandine Henry. Je veux être comme Delphine Cascarino. Je veux jouer au foot parce qu'elles sont mes héroïnes en France". Je peux vous dire que là, on aura gagné quelque chose. On verra plein de petits mecs porter des maillots de Henry, Le Sommer et Renard. Ce sera une vraie fierté.
"Le jour où on ne s'amusera plus, il faudra arrêter 'Téléfoot'."
Vous êtes chroniqueuse dans "Téléfoot" depuis 2015. Quel bilan tirez-vous de votre saison dans l'émission de TF1 ?
C'est une très belle saison. La première avec Grégoire Margotton. J'ai pris beaucoup de plaisir à travailler avec lui toute l'année. C'est quelqu'un qui a une bienveillance extraordinaire. On a formé une petite équipe vraiment adorable. J'ai vraiment une fierté d'avoir fait cette saison-là en préparant ce mondial féminin. On a vécu une saison de foot assez folle, avec un championnat anglais surprenant, un Lionel Messi et un Cristiano Ronaldo au plus haut et une équipe de France masculine qui fait toujours autant rêver. C'est une année complète ! Pourtant, les années impaires sont plutôt moins fortes en foot. Mais en fait, pas du tout ! Surtout qu'elle se termine par du foot féminin !
Dans "Téléfoot", vous avez connu deux présentateurs. Quelles sont les différences entre Christian Jeanpierre et Grégoire Margotton ?
Il y en a ! Ce sont deux personnes différentes ! Après, je retrouve aussi beaucoup de points communs, comme la bienveillance. J'ai une affection particulière pour Christian Jeanpierre qui m'a lancée, qui m'a portée et qui m'a fait confiance. C'est lui qui m'a fait une place sur ce plateau et dans ce milieu si difficile. Je lui serai reconnaissante toute ma vie. C'est mon tonton de la télé. Après, Grégoire, c'est un autre aspect. J'ai beaucoup de chance d'avoir travaillé avec deux présentateurs qui sont les incarnations de la bienveillance. Dans ce métier, c'est compliqué de trouver cette qualité. Je suis bénie pour l'instant. (rires)
"Téléfoot" reste un rendez-vous important pour les amateurs de football. L'émission a tout de même connu une baisse d'audience cette saison. Comment l'expliquez-vous ?
Il y a eu une baisse d'audience cette année qui a touché tous les programmes de football et de sport, dont "Téléfoot". C'est peut-être dû à un contexte post-Coupe du monde. Je pense que les gens se sont dits : "On a gagné la Coupe du monde l'année dernière. Ca y est ! On est arrivé au point final !". Peut-être que c'est ça. Pas forcément pour tout le monde. Il y a effectivement beaucoup de programmes de football, mais je pense qu'il y a de la place pour tout le monde. Je crois que tout le monde a souffert de cette audience en baisse. Ce qui nous importe est la qualité de nos sujets et de nos plateaux. A "Téléfoot", on s'amuse et on s'éclate. Le jour où on ne s'amusera plus, il faudra arrêter. Mais "Téléfoot" fait partie de nos vies depuis des années et a touché plusieurs générations.
"Chaque jour, on reçoit une phrase sexiste sur les réseaux sociaux."
Plus globalement sur votre métier, en est-il terminé de cette image machiste du journalisme sportif ?
Non ! Bien sûr que non puisqu'on me pose encore la question ! (rires) Ce n'est pas fini parce que ça existe et que c'est une réalité. On ne va pas faire semblant que ça n'a jamais existé ou que c'est une légende. Chacun doit oeuvrer et travailler là-dessus. Ca va d'un simple post sur les réseaux sociaux pour faire la promotion d'une équipe féminine à la mise en lumière d'une femme sur une chaîne sportive ou à la tête d'une rédaction. Chaque pas a son importance. Il n'y a rien à enlever dans tout ça. Ce côté macho s'en va au fur et à mesure, mais il existe encore un peu. Sur les réseaux sociaux, je n'en parle même pas. On est carrément sur un festival. Chaque jour, il y a une remise en question. Chaque jour, on reçoit une phrase sexiste. C'est chaque jour ! Donc, le compte est élevé au bout de l'année. Je pense que cette Coupe du monde va nous faire beaucoup de bien. Il y aura évidemment des messieurs qui vont dire : "Je ne vais pas regarder des nanas jouer au ballon". Ces messieurs-là, on les laissera tranquillement dans leur coin. De notre côté, on va surtout travailler pour ceux qui veulent regarder cette compétition. Ce ne sera pas qu'une affaire de femmes, on parlera aux hommes et aux femmes.
En 2016, les téléspectateurs ont découvert que vous aviez une autre casquette. Vous aviez participé à une émission de divertissement avec Arthur. Aimeriez-vous participer de nouveau à ce genre de programme ?
J'adorerais ! J'ai cette chance de travailler pour TF1 qui n'est pas une chaîne sportive. Je ne suis pas à beIN Sports, à Canal+ ou à L'Equipe. Je suis sur TF1 qui propose tant d'autres choses que du sport. Il y a de tout ! C'est un grand marché. J'ai envie de profiter de ce marché-là évidemment. Je suis là ! (rires) J'ai plein d'autres consoeurs qui le font. Isabelle Ithurburu le fait très bien sur Canal+ en ayant deux casquettes différentes. Il n'y a aucun problème à ça. Donc, j'aimerais beaucoup le faire aussi. C'est mon prochain objectif.
Donc, a priori, vous serez toujours sur TF1 à la rentrée.
Je ne sais pas. Ce n'est pas des choses sur lesquelles je réfléchis pour l'instant. On va se concentrer sur la Coupe du monde. Je n'ai pas de précisions là-dessus. Je reste concentrée sur la Coupe du monde. On partira en vacances surtout parce qu'on en a besoin. Puis, on verra ce que nous dira la rentrée !
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