Marine Le Pen semble détendue quelques minutes avant d'entrer sur ce nouveau ring cathodique. Premier sujet, la laïcité. Elle s'insurge, toujours, contre les prières de rue, déroule ses arguments déjà distillés sur les plateaux concurrents. Peine de mort ensuite. "Ce débat, on doit le mettre entre les mains des Français" pense la présidente du Front. Zemmour écoute, acquiesce souvent, intervient peu. Le public applaudit. "Un jour je suis pour, un jour je suis contre le rétablissement de la peine de mort" confesse-t-il. Marine Le Pen marque un premier point : rares sont les journalistes à estimer ce débat utile. Les affaires politiques, ensuite. La dernière en date, la présumée enquête de police sur Valérier Trierweiler, compagne de François Hollande : "Je commence à en avoir soupé de l'hypocrisie qui consiste à nous laisser croire que depuis l'arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy, tout ça est terminé, qu'il n'y a plus aucune enquête. Evidemment il y a encore des enquêtes qui sont faites aujourd'hui". Marine Le Pen retrouve l'aplomb de ses envolées accusatoires qui meublent son fond de commerce. Rien n'a été prouvé dans cette affaire, qu'importe, elle s'insurge, s'élève contre "le système". "Et sur vous, il y a des enquêtes aussi ?" l'interroge Naulleau. "Bien sûr, sauf que moi, je suis tellement transparente !" rétorque-t-elle. Mais pas au point de les expliciter ici et maintenant. Naulleau pouffe de rire. "J'ai grandi sous les caméras de la télévision" se justifie-t-elle. Marine Le Pen blanche comme neige, l'argument est léger mais pas relevé.
Autre sujet, la dédiabolisation du Front National. "C'est pas gagné" juge Zemmour. Marine Le Pen pense l'inverse, assure qu'elle progresse chez les classes moyennes. Mais pas chez les élites. "Et ce sont les élites qui tiennent le système" pense-t-elle. Le système, encore lui. Voilà LE nouvel élément de langage de Marine Le Pen : les journalistes ne pensent pas comme elle donc participent à la restriction de sa dédiabolisation. "Il y a 20% de Français qui s'apprêtent à voter Marine Le Pen, il devrait y avoir 20% de journalistes ! Si demain un journaliste, quel que soit la rédaction, un, dit 'moi je trouve que le programme de Marine Le Pen il est bien', je voudrais moi savoir combien de temps il va rester en poste" lance-t-elle. "Il n'y a pas de représentation démographique chez les journalistes" lui oppose Zemmour. "La diabolisation, c'est une digue pour nous empêcher d'arriver au pouvoir" pense la présidente du FN. Ah, si seulement il y avait un Zemmour dans chaque rédaction française...
Il faudra attendre les cinq dernières minutes pour voir le ton monter. "Il y a une forme d'impunité et d'irresponsabilité de votre part. Vous pouvez lancer toutes les idées que vous voulez mais comme elles ne seront jamais traduites dans la réalité (...) Vous pouvez dire très tranquillement, il faut sortir de l'euro, vous ne serez jamais au pouvoir" attaque Naulleau. "C'est vous qui dites ça ! Alors pourquoi faire des élections ? Parce que monsieur Naulleau a décidé que de toute façon, je ne serai jamais élue, dans ce cas je rentre à la maison !" répond-elle. Zemmour soutient son compagnon de plateau mais concède "partager une partie de (son) diagnostic sur l'euro". On s'affronte, enfin. Sur ses idées, son programme, sa stratégie. Pas sur ses idéaux. Pas de clash, pas de diabolisation, elle monte au front sans embûches. Ici, on ne parle pas de Jean-Marie mais de Marine, comme un poisson dans l'eau sur le plateau de N&Z. Une candidate "normale". "On a tellement aimé qu'on reviendra" lâche l'attaché de presse en quittant les studios. Avec un duo plus mordant ? On l'espère.