C’est un article qui fait grand bruit. À l’occasion des 80 ans du journal, "Le Monde" a organisé ce mercredi 18 décembre une journée spéciale sur son site, avec un chat pour permettre aux lecteurs de poser leurs questions aux journalistes, sur les coulisses de la rédaction, les choix éditoriaux, et les complexités du traitement de l’information. À cette occasion, un "lecteur assidu mais déçu" en a profité pour questionner le journal sur "un récent article du ‘Figaro’ sur la gestion du conflit Israélo-Palestinien".
"À travers nos journalistes ou la mise en scène fallacieuse de ces pseudo-parti pris, c’est en fait cette ligne éditoriale qui est attaquée"Jérôme Fenoglio
Car du côté du "Figaro", on ne célèbre pas de la même manière la longévité du quotidien concurrent et confrère. Dans une enquête publiée la veille sur le site du journal et uniquement accessible aux abonnés, la ligne éditoriale du "Monde" et la gestion de la rédaction sont remises en cause dans le cadre des conflits armés au Proche-Orient. Un papier signé Eugénie Bastié, éditorialiste et polémiste conservatrice, intervenant également sur Europe 1 et CNews.
Dans l’article, elle déplore ce qu’elle appelle "un malaise grandissant sur le traitement d’Israël" au sein du quotidien et reproche à la rédaction de "prendre ouvertement le parti des Palestiniens". "Les gens ont peur, c’est l’omerta", témoignerait un journaliste anonymement. Qualifiant l’article d’"édifiant", le lecteur s’interroge : "Des éléments comme la présence de ce ‘Mur de Gaza’ interrogent sur votre objectivité. Des mesures vont-elles être prises ?".
"Ce qui est décrit comme un ‘mur de Gaza’ dans cet article, laissant entendre qu’il s’agit d’une œuvre collective de journalistes, est en fait un espace personnel près du bureau d’une personne qui n’est pas journaliste", répond le directeur du journal Jérôme Fenoglio. "Je l’avais précisé à l’autrice de l’article, qui a délibérément choisi de ne pas me citer sur ce point, parmi les nombreuses malhonnêtetés qui ont été publiées. En aucun cas cet engagement individuel n’est celui du service Société, où se trouvent ces images, ou celui de la rédaction", poursuit le journaliste.
Sur la ligne éditoriale du journal, il ajoute : "Nos articles publiés sur ce conflit restent fidèles à notre pratique d’un journalisme indépendant, qui vérifie et qualifie les faits, subis et commis par chaque camp, en essayant le plus possible de pratiquer des enquêtes sur le terrain. C’est particulièrement compliqué à Gaza, où l’accès est interdit aux journalistes par l’armée israélienne, mais nous nous efforçons néanmoins de rester fidèles à cette mission" , explique-t-il. Le directeur conclut ensuite avec une pique contre la polémiste : "À travers nos journalistes ou la mise en scène fallacieuse de ces pseudo-parti pris, c’est en fait cette ligne éditoriale qui est attaquée. Nous la maintiendrons en dépit de ces procès d’intention."
"Je ne laisse rien entendre, je présente des faits"Eugénié Bastié, journaliste au "Figaro"
Eugénie Bastié s’est alors empressée de répondre, sur le réseau social X : "J’ai cité à trois reprises Jérôme Fenoglio dans mon papier notamment sur le fameux mur dont je n’ai jamais écrit qu’il avait été fabriqué par des journalistes mais qu’il trônait au milieu de la rédaction sans que les journalistes y trouvent à redire", assure-t-elle. "Je ne laisse rien entendre, je présente des faits. Quant aux ‘nombreuses malhonnêtetés’ j’attends plus de précisions car pour le moment : nada.", conclut-elle.
À l'occasion de ses 80 ans, "Le Monde" a publié de nombreux articles au fil de l’année pour revenir sur sa ligne éditoriale. Dans un long dossier interactif mis en ligne en mai dernier, le journal explique "Comment ‘Le Monde’ a couvert le conflit israélo-palestinien depuis 1945". "Depuis la création du ‘Monde’, fin 1944, la couverture et les prises de position du journal n’ont cessé de nourrir les suspicions des lecteurs. Pro-israélien ? Pro-palestinien ? Le moindre article est décortiqué, analysé, commenté. Aucune autre question internationale ne suscite la même passion", peut-on lire. "Un double procès, intenté simultanément par deux parties en apparence irréconciliables, même si les défenseurs d’Israël se montrent, et de très loin, les plus virulents et les plus opiniâtres. Tout ce qui est publié à propos de ce conflit dans ces colonnes est implacablement scruté, décortiqué et analysé."