Une table, deux chaises et beaucoup d'attention. Comme tous ses prédécesseurs, le débat d'entre-deux-tours organisé demain soir par TF1 et France 2 focalise depuis quelques jours les passions médiatico-politiques.
"'La fièvre monte à El Pao !'", confirme avec amusement Michel Field, en référence à un film des années 1950. Le directeur de l'information de France Télévisions était cet après-midi en visite sur le plateau de la Plaine-Saint-Denis qui accueillera le septième débat d'entre-deux-tours. En attendant les petites phrases qui entreront dans la mémoire collective, l'heure était aux derniers réglages et aux dernières tractations avec les représentants des deux candidats. "Nous sommes les gardiens de la rigueur du cadre, pour que le contenu puisse s'exprimer en dehors de nous", résume Michel Field à propos du travail en cours. Car de la rigueur, il en est bien question dans cet exercice très convenu.
Le décor tout d'abord, rappellera à beaucoup celui du débat de 2012 entre François Hollande et Nicolas Sarkozy. En fond, les téléspectateurs pourront ainsi voir des images du palais de l'Élysée tandis que quelques cases noires permettront de dissimuler certaines des 14 caméras de la soirée. Une lumière couleur "champagne" éclairera l'ensemble, rappelant le débat à cinq organisé par TF1 en mars dernier.
Un îlot central surélevé accueillera les deux journalistes animant le débat, Nathalie Saint-Cricq pour France 2 et Christophe Jakubyszyn pour TF1, ainsi que les deux finalistes de l'élection présidentielle. Après tirage au sort, il a été décidé que Marine Le Pen serait placée à gauche de l'écran et Emmanuel Macron à droite. Les deux duellistes seront séparés par une table de deux mètres cinquante. La leader du Front national a été tirée au sort pour intervenir la première dans l'émission tandis que le patron d'"En marche !" la conclura. Rien que du très classique.
Les équipes de TF1 et France 2 ont bien tenté d'américaniser un peu cette messe politico-cathodique en proposant que les deux jouteurs soient placés debout et derrière des pupitres comme lors des précédents débats. En vain. Les équipes des deux candidats ont trouvé ce dispositif trop inconfortable. "C'est un choix compréhensible compte tenu du stress que génère ce genre de moments de télé. Ils ont sans doute besoin d'être dans une position qui les rassure et leur permette de se concentrer au mieux", décrypte Tristan Carné, le réalisateur de la soirée. Agréé par les deux candidats, cet habitué du genre sera épaulé en régie par deux "réalisateurs conseil" choisis par chacun des deux camps, qui auront pour mission de veiller au respect de l'égalité de traitement des candidats.
Le déroulé de la soirée ne laissera lui non plus pas grande place à la fantaisie. Emmanuel Macron et Marine Le Pen seront filmés à leur arrivée au studio, mais apparaîtront ensuite directement positionnés à leur place respective. Aucune image de leur installation en plateau ni d'une éventuelle poignée de main ne filtrera. Les deux candidats seront ensuite interrogés pendant près de 2h20 sur une dizaine de thèmes classiques, allant de l'économie à l'international.
"Les équipes des candidats n'ont pas fait part d'exigences particulières", résume Michel Field. "Leur seule exigence a été de sanctuariser le plateau afin qu'il n'y ait pas d'équipes de journalistes autour". Exit donc les équipes de BFMTV et CNews, réléguées à l'extérieur, mais dont les chaînes auront le droit de diffuser le débat, tout comme LCI et franceinfo.
L'une des seules vraies nouveautés que pourrait compter ce cru 2017 est encore incertaine pour l'heure. Il s'agit des fameux plans de coupe, ou "plans d'écoute" comme préfère les appeler Tristan Carné. Très utile aux réalisateurs pour dynamiser visuellement un débat, ces images montrant les réactions d'un candidat au discours de son adversaire ont été testées lors des débats organisés avant le premier tour. Elles ont en revanche été systématiquement bannies depuis 1981 des joutes d'entre-deux-tours par peur de leurs potentiels effets dévastateurs.
"Les deux candidats ont été un peu refroidis suite au 'débat à 11' sur BFMTV et CNews", explique Michel Field au sujet des plans de coupe. "Ils ont jugé qu'il y en avait eu un usage un peu intempestif. Les plans de coupe, ça fait toujours peur", ajoute le patron de l'information de France Télévisions. Ce soir, ces fameux "plans de coupe" font ainsi toujours l'objet d'un vif débat avec les représentants des candidats, et particulièrement du côté de Marine Le Pen.
Finalement, la plus grande novation de ce débat d'entre-deux-tours sera sans doute les visages de ses animateurs. Après les évictions de Gilles Bouleau et David Pujadas, c'est finalement un duo inédit qui a été choisi. A la plus grande surprise des principaux intéressés d'ailleurs ! "Bien sûr qu'on est étonné d'être là. Il y a une semaine, nous n'étions même pas au courant", relate un Christophe Jakubyszyn déjà concentré. "On ne l'imaginait même pas en rêve. Ca ne m'a pas traversé l'esprit une seule seconde", confirme Nathalie Saint-Cricq.
Planchant avec ardeur sur l'émission depuis vendredi, les deux chefs de service politique apprennent aussi à se connaître. "Nous vivons ensemble depuis quelques jours", s'amuse Christophe Jakubyszyn à propos de sa consoeur qu'il n'avait fait que croiser auparavant. Les deux habitués des interviews politiques abordent en tout cas ce "Graal journalistique" avec humilité. "Ce sont eux les gens importants. Nous ne sommes que des facilitateurs", résume Nathalie Saint-Cricq.