Edito. La rumeur courait depuis des jours. Face à une énième vague d'audiences en chute, la station préparait des changements. Denis Olivennes l'a officialisé ce matin : Elkkabach out à quelques mois de la présidentielle, Namias évincé de la direction générale mais rappelé au micro pour "relancer" la matinale, carrefour stratégique d'une station balancée depuis plusieurs saisons dans tous les sens. Un remaniement a minima, plus symbolique que profond et un nouveau patron qui, à n'en pas douter, impulsera très bientôt des changements radicaux.
Une nouvelle fois, Europe 1 règle son antenne comme on flaire l'air du temps. Elkabbach, intervieweur vieillissant face aux Salamé (Inter) et Martichoux (RTL) remplacé en cours de saison par un quadra, Hanouna super-star cathodique prié de rameuter ses fanzouzes pour rajeunir l'antenne, Bruce Toussaint, journaliste bankable "vu à la tv" recruté pour redresser la barre ou encore Roumanoff, virée en 2014 et rappelée en 2016 sans qu'on ne sache vraiment pourquoi. Mais l'erreur stratégique et industrielle d'Olivennes, président d'Europe 1 depuis 2010, aura été de laisser filer Ruquier, formidable pare-chocs à tous les errements de la station depuis dix ans. Comme les emmerdes, ça vole toujours en escadrille, Europe 1 a été contrainte de se séparer en fin de saison dernière de l'un de ses boosters d'audience, Jean-Marc Morandini, mis en examen pour corruption de mineurs. L'objectif des 10% d'audience, fixé par Olivennes à son arrivée, semble désormais inatteignable.
Tous ces changements ont eu un effet terriblement pervers. La radio est un média d'habitude, écoutée par un public fidèle mais âgé. Une émission, à force de petits ajustements d'horloger suisse, doit souvent attendre plusieurs saisons avant de s'installer. Arnaud Lagardère fait depuis plusieurs saisons le pari inverse : à chaque sondage défavorable, il demande à ses troupes de dynamiter la grille, devenue illisible. L'auditeur écoute, teste, puis s'éparpille. En 2016, ses oreilles ont été priées de faire le grand écart, en passant de Sublet à Taddeï, de Daniel Cohn-Bendit à Louise Ekland, de Jérôme Commandeur à Raphaël Enthoven ou encore de Franck Ferrand à Nikos Aliagas. RMC est le contre-exemple parfait, avec une grille limpide montée sur trois piliers : l'info, le talk et le sport.
Depuis le départ de Jérôme Bellay en 2005 après neuf ans de règne et une transformation all talk, Europe 1 bouge au gré de ses présidences, navigue entre info et pur divertissement, tâtonne entre radio populaire et élitiste, cherche sa place entre les modèles de RTL et de France Inter. La station, plongée dans une crise ininterrompue depuis le départ de l'éphémère Alexandre Bompard, a perdu de sa superbe mais pas de sa force d'attraction : elle draine toujours des talents, journalistes et animateurs, façon patchwork radiophonique.