Clap de fin pour la saison 11 de "Top Chef". Ce soir, les téléspectateurs de M6 découvriront le duel final de l'édition 2020 du concours culinaire animé par Stéphane Rotenberg et produit par Studio 89. Adrien Cachot, de la brigade de Paul Pairet, et David Gallienne, de celle d'Hélène Darroze, vont chacun devoir préparer un dîner pour 100 convives, qui auront - avec les chefs - ensuite à désigner le gagnant. A cette occasion, puremedias.com s'est entretenu avec Florence Duhayot, directrice générale de Studio 89.
Propos recueillis par Kevin Boucher.
puremedias.com : La saison 11 de "Top Chef" s'achève avec d'excellentes audiences. J'imagine que vous êtes une productrice heureuse.
Florence Duhayot : Je suis une productrice comblée et ultra-heureuse ! Les scores de cette saison, c'est quelque chose qui n'arrive jamais en télévision. Entre la saison dernière et celle-ci, nous avons gagné 800.000 téléspectateurs. Avec la TNT, la multiplication des chaînes et les services SVOD, les audiences ont tendance à décroître malgré leur qualité. Mais le fait que celles de "Top Chef" augmentent de cette manière, cela n'arrive jamais ! C'est totalement inédit !
"La COVID-19 a perturbé la post-production"
Paradoxalement, entre la finale décalée et la COVID-19, cela n'a pas été paradoxalement la saison la plus complexe à produire ?
C'est une question d'alignement de planètes. L'an dernier, nous avions fait une saison 10 qui était la saison anniversaire où nous avions mis sur le plateau tous les plus grands chefs étoilés du monde, avec une émission autour de l'excellence. Et cette année, nous nous demandions comment nous allions pouvoir encore une fois renouveler l'émission, en faisant un pas de côté. Nous avons donc décidé de prendre des paris, comme avec Paul Pairet qui a un univers culinaire extrêmement intéressant mais un peu spécial puisque nous parlons d'essentialisme, un univers très élaboré qui aurait pu ne pas parler aux téléspectateurs... mais la magie a pris ! Il s'est également très bien entendu avec les autres membres du jury.
Puis nous avons pris deux axes sur la saison, d'abord en choisissant des chefs qui font bouger la gastronomie française, comme Gaggan Anand et David Munoz qui proposent de lécher l'assiette ou de manger dans les mains, mais également Sébastien Vauxion qui propose que chaque plat soit un dessert. Nous avons également décidé d'axer sur la sauvegarde de la planète. Mais il y a aussi des risques pris sur les candidats, notamment avec Adrien Cachot qui était seul dans son restaurant, qui ne travaille pas en brigade, et dont le talent est de cuisiner des mets oubliés comme la cervelle, le foie... C'est une sorte de génie créatifs. Et, mis bout à bout, les risques ont payé.
Et le confinement a eu un impact ?
Je pense que la cuisine est une valeur refuge. Pendant le confinement, les Français ont été un peu bouleversés et cette valeur refuge s'est amplifiée. "Top Chef" étant un programme familial, le mercredi soir est devenu un rendez-vous autour de la cuisine, ce qui n'arrive plus aujourd'hui au vu de l'importance de l'offre. Pour nous, la COVID-19 a perturbé la post-production. Nous avons dû délocaliser tous les postes de montage chez les monteurs, ce qui a complexifié l'ensemble.
"La cérémonie des couteaux a été tournée la semaine dernière"
La cérémonie des couteaux a été tourné il y a peu.
Elle a été tournée la semaine dernière. Mais sans lien avec le déconfinement. A l'issue de la finale, nous gardons les votes dans l'urne et nous ne faisons le dépouillement qu'au dernier moment pour éviter les fuites. Après, nous avons dû nous adapter avec les chefs et les proches en visio, ne gardant que les personnes qui vivaient ensemble.
Les découpages finalement imposés par la situation sanitaire, c'est quelque chose qui pourrait vous inspirer pour les prochaines saisons ?
La remise en question est une preuve d'intelligence. Donc nous avons des enseignements à tirer sur ce qui s'est passé cette année, à propos de la durée, du découpage... Après, c'était une situation particulière donc il faut faire attention à tirer les enseignements sans forcément reproduire à l'identique. Je suis en pleine réflexion à ce sujet.
"Avec des audiences pareilles, il faudrait être fou pour ne pas signer de saison 12, non ?"
La saison 12 est signée ?
Avec des audiences pareilles, il faudrait être fou pour ne pas la signer, non ? (Rires)
Et vous pourriez imaginer un "Top Chef" avec de la distanciation physique ?
Non. Comme tous les producteurs de flux et de fiction, nous avons travaillé d'arrache-pied pour rendre toutes nos émissions "COVID-compatibles". Mais je pense que nous n'aurons pas envie de nous rappeler de cette période-là, avec des gens avec des masques notamment. Nous rentrons dans une phase difficile et la télévision est là pour nous divertir, pas pour nous rappeler nos peurs anciennes. Donc je pense qu'il faut avancer pas à pas avec les mesures gouvernementales pour adapter nos émissions et que nous ayons l'impression que la situation sanitaire n'existe pas. Mais aujourd'hui, dans les restaurants, à partir du moment où les cuisiniers sont à un mètre d'intervalle, ils n'ont pas à mettre de masque.
"Top Chef" a un impact positif sur le public pour vous ?
Quand nous avons commencé "Top Chef", le métier de cuisinier n'était pas forcément glorieux. Aujourd'hui, les chefs sont des stars, on reconnaît toutes les valeurs du métier, les inscriptions en écoles de cuisine ont explosé... On a redonné les lauriers à ce métier un peu oublié. Et il suffit de voir que lorsqu'Emmanuel Macron doit prendre des décisions sur ce milieu, ce sont nos chefs de "Top Chef" qui montent au créneau !
"Chaque saison, il faut que les gens retrouvent leur doudou tout en étant étonnés"
Un mot sur le combat de ce soir : avoir deux personnalités aussi différentes l'une de l'autre en compétition, c'est le rêve ?
Pour les téléspectateurs, on a en effet deux univers culinaires totalement différents et avec un enjeu fort. Adrien est un génie créatif, avec de la folie dans les assiettes, mais il n'a jamais sorti 100 couverts. Ce qui est exactement le contraire de David qui est d'une rigueur, d'une expérience, d'une précision absolue, et qui a l'habitude des grandes maisons, avec de grands services. C'est le yin et le yang ce soir.
12 ans après, la cuisine continue-t-elle toujours d'évoluer et d'innover ?
Bien sûr ! Et ce n'est pas moi qui le dis puisqu'Emmanuel Macron a dit qu'il fallait apprendre à se renouveler. C'est mon credo sur toutes les émissions, tout le temps. Quand vous êtes producteur de télévision, à chaque fois qu'une nouvelle saison arrive, il faut que les gens retrouvent leur doudou tout en étant étonnés, comme dans un couple. C'est la stratégie de l'étonnement.