Le scrutin est ouvert à France Bleu. Depuis hier, une motion de défiance visant la direction de l'information de la radio aux 44 stations locales a été mise au voix par le Syndicat national des journalistes (SNJ) et le SNJ-CGT. Un peu plus de 400 journalistes, parmi lesquels les rédacteurs en chef, sont invités à prendre part au scrutin électronique qui s'étale sur une semaine. Le vote d'une telle motion est "totalement inédit à France Bleu", a déclaré, vendredi, le SNJ à l'AFP. Le résultat sera révélé le lundi 26 septembre.
Dans le texte de cette motion, rendue publique le 16 septembre, les syndicats SNJ Radio France et SNJ-CGT Radio France, décrivent l'état de "mal-être" des rédactions du réseau. "Le problème est profond. C'est celui d'une réelle perte de confiance des équipes de France Bleu dans le projet qu'on leur impose. C'est celui d'une perte de sens qui nous interroge collectivement et individuellement sur notre avenir", écrivent-ils.
La "stratégie éditoriale" de la direction de l'information de France Bleu suscite, selon eux, l'incompréhension des équipes. Ils déplorent, par exemple, le manque de liberté éditoriale des stations locales obligées de se conformer aux décisions prises au niveau national. Les syndicats de citer des "journées spéciales à répétition décidées à Paris et imposées uniformément à toutes les rédactions, même quand le sujet est très éloigné des préoccupations locales du moment" ou "des chroniques imposées que la plupart des rédactions trainent comme des boulets".
Matthieu Darriet, co-secrétaire du SNJ-Radio France, précise sur ce dernier point à puremedias.com que "les petites rédactions sont en difficulté pour assurer ces rendez-vous obligatoires, tels que la chronique 'La relance éco', dont on s'interroge sur le sens. Dans certaines d'entre elles, l'équipe 'programme' a dû prendre à sa charge cette chronique qui est pourtant un contenu rédactionnel".
Le non-remplacement des effectifs est également soulevé par la motion. "Faute de remplacements, certaines stations sont ainsi contraintes de supprimer des journaux", s'insurgent les syndicats. Le responsable du SNJ de Radio France a relevé, en effet, qu'un "arrêt maladie longue durée pas totalement compensé a contraint France Bleu Hérault à suspendre provisoirement le flash de 17h et le journal de 18h. C'est une ligne rouge qui est franchie".
D'un point de vue plus général, regrette le syndicaliste, "les non-remplacements ont conduit cet été à la mutualisation des offres éditoriales entre certaines stations". Le SNJ craint que ces situations se reproduisent dans les prochaines semaines avec la prolifération des virus de l'hiver.
L'ambiance au sein du réseau France Bleu est dégradée depuis de nombreux mois. Depuis le 28 mars, les journalistes de France Bleu sont invités sur la base du volontariat à ne plus contribuer à la mise en ligne de leurs reportages sur le site internet "Ici", lancé cette année et alimenté par les rédactions de France 3 et France Bleu. Matthieu Darriet nous précise que ce mouvement de non-contribution sur le web est toujours en cours aujourd'hui. "Malgré les avertissements, la transformation de l'appli France Bleu en 'Ici' n'a fait l'objet d'aucun pilotage éditorial et à ce jour doublons et informations contradictoires se multiplient encore. Cet amateurisme sape la crédibilité du travail des rédactions", écrivent, de concert, le SNJ Radio France et le SNJ CGT-Radio France.
Mais toutes les forces syndicales ne sont pas sur la même longueur d'ondes. FO Radio France, en effet, ne partage pas du tout la démarche de ses homologues. Dans un communiqué, le syndicat qualifie cette motion de défiance de "fracture inutile". Selon le syndicat, "lancer une motion de défiance contre la direction de l'information, c'est affaiblir les journalistes", écrit-il dans un communiqué diffusé en interne.
Opposée également à cette motion, la Société des rédactrices et rédacteurs en chef de France Bleu a apporté, au contraire, "(son) soutien et (sa) confiance (à son) directeur de l'information et à toute son équipe". "Cette motion, proposée au moment où le directeur de l'information est en arrêt maladie, le vise directement et nominativement. Voilà pour la forme", s'étonne-t-elle. Et de continuer sur le fond : "Nous n'admettons pas que deux syndicats (SNJ et SNJ CGT, ndlr) s'autoproclament porte-parole des rédacteurs en chef en affirmant 'qu'une grande majorité des rédacteurs en chef du réseau veulent le départ d'Erik Kervellec'."
Une déclaration qui interpelle, puisque la phrase à laquelle la Société des rédactrices et rédacteurs en chef de France Bleu fait référence ne figure pas dans le texte de la motion de défiance... Joint par puremedias.com, Éric Ballanger, vice-président de la Société des rédacteurs et rédactrices en chef de France Bleu, indique que cette phrase aurait été "prononcée par une voix syndicale au cours d'une réunion tenue jeudi dernier avec la direction". Le rédacteur en chef de France Bleu Gascogne nous informe, par ailleurs, que les 35 membres de l'association sont contre la motion. Ils en contestent la légitimité et ne prendront de fait pas part au vote organisé cette semaine.
Contactée par puremedias.com ce mardi, la direction de l'information de France Bleu, de son côté, n'a pas souhaité faire de commentaires. Dans un mail envoyé en interne et consulté par l'AFP, vendredi dernier, elle a toutefois dit avoir pris connaissance "avec le plus grand étonnement" de l'organisation de la motion de défiance, écrit le directeur de France Bleu, Jean-Emmanuel Casalta. Avant de poursuivre : "Sur l'ensemble des sujets évoqués dans la motion, le SNJ a reconnu que ceux-ci étaient identifiés, traités ou en cours de traitement" lors d'une réunion organisée jeudi "à l'initiative de la direction", a assuré Jean-Emmanuel Casalta.
Et ce dernier de nuancer : "La direction de France Bleu est toutefois totalement consciente des efforts supplémentaires qui restent à prodiguer afin de poursuivre l'amélioration des organisations", a-t-il conclu, avant de renouveler son "entière confiance" au directeur de l'information de France Bleu et à son équipe pour "poursuivre les échanges avec les directeurs, rédacteurs en chef et journalistes des radios locales".