La redevance télé, dans sa forme actuelle, survivra-t-elle au Grand débat ? Ce matin, Gérald Darmanin, ministre de l'Action et des Comptes publics, était l'invité exceptionnel de la matinale de Jean-Jacques Bourdin sur RMC. Exceptionnel car, de 6h à 9h, le ministre a répondu aux "30 propositions de lois citoyennes" établies par les auditeurs de RMC dans le cadre de la grande opération du même nom organisée par la radio au format info, talk et sport. Face à "l'homme libre", Gérald Darmanin a fait une confidence qui est loin d'être passée inaperçue. Le ministre s'est en effet publiquement interrogé sur la redevance audiovisuelle, "un impôt assez injuste".
"La question de la redevance télé pourrait se poser. C'est l'impôt que les gens paient le plus, notamment les personnes âgées. Tout le monde sait aujourd'hui qu'on regarde la télévision, singulièrement la télévision publique, autrement que par un écran de télévision", a déclaré le ministre. "L'assiette de cette redevance sera élargie ?", l'a questionné Jean-Jacques Bourdin. "La question de cette redevance se pose, surtout qu'on ne saura plus comment l'adresser puisque l'on supprime la taxe d'habitation. Or, la redevance était adressée avec la taxe d'habitation".
Le ministre a toutefois refusé d'affirmer que ses propos signifiaient que la taxe d'habitation serait supprimée. "Le citoyen Darmanin propose, dans le cadre du Grand débat, un certain nombre de sujets au Président de la république et au Premier ministre. Et j'ai posé la question de la redevance télé", a déclaré Gérald Darmanin. "Nous aurons l'occasion de voir ce qu'ils décident. Il faudra peut-être l'adresser autrement si on la garde", a précisé le ministre de l'Action et des Comptes publics avant d'ajouter : "Cela coûte cher d'adresser un impôt seul qui rapporte à peu près 120 euros". "On affecte cet argent à Radio France et à France Télévisions, ce qui pose la question de la réforme de Radio France et de France Télévisions. C'est donc facile à dire et difficile à faire", a finalement conclu le ministre.
Instaurée en 1933 pour financer la radio publique, la "CAP" (contribution à l'audiovisuel public, ndlr), autrement appelée redevance télé, est déclarative et obligatoire si l'on est redevable de la taxe d'habitation et si son domicile est équipé d'un "téléviseur ou dispositif assimilé". En 2019, son montant est de 139 euros en métropole et de 89 euros dans les DOM-TOM. L'argent de la CAP sert à irriguer les six entreprises de l'audiovisuel public (France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, Arte, l'INA et TV5 Monde). Selon les chiffres de la Direction générale des finances publiques, la redevance représentait une manne de près de 3,9 milliards d'euros en 2017.
Dans le cadre du Grand débat, la suppression de la redevance a fait partie des sujets évoqués, notamment dans la presse. En 2013, selon une étude IPSOS, 69% des Français la jugeaient "tout à fait" ou "plutôt injustifiée". En novembre dernier, sur LCI, Franck Riester, ministre de la Culture, en charge de l'audiovisuel public, avait déclaré qu'il fallait "réfléchir à un nouveau dispositif". Il avait aussi rappelé que l'audiovisuel public "a besoin d'un financement pérenne et important". "Ça veut dire qu'il faut réfléchir avec Bercy, avec les parlementaires, avec les acteurs de ce secteur et les Français, de la meilleure façon de financer l'audiovisuel public", avait déclaré le locataire de la rue de Valois. Un peu plus tôt dans l'année, sa prédécesseur, Françoise Nyssen s'était dite favorable à l'instauration d'une redevance universelle. Matignon avait à l'époque assuré que le sujet n'était "pas à l'étude".