Tempête à tous les étages à France 2. Ce mercredi, les reporters de "Complément d'enquête" et d'"Envoyé spécial" ont adressé une lettre, que s'est procurée "Quotidien", à l'adresse de Delphine Ernotte, pour faire part de leur mécontentement concernant l'un des projets de France Télévisions. En effet, le groupe audiovisuel public envisage pour début 2018 de supprimer les magazines d'information le jeudi soir en deuxième partie de soirée, et de proposer "Complément d'enquête" en prime-time. Mécaniquement, cette décision provoquerait une réduction du nombre de numéros du programme de Thomas Sotto, ainsi que de celui d'Elise Lucet.
En premier lieu, les journalistes notent "la suppression pure et simple des 33 CDD de reporters des magazines" voulue par la direction de l'information. Selon eux, cela représente la "quasi-totalité des postes de fabricants" des deux magazines du jeudi soir, ainsi que de l'émission "13h15". "Nous venons d'apprendre par accident que notre propre direction vous propose de supprimer jusqu'à 30 ETP (Equivalent Temps Plein) dans les magazines - dont les effectifs s'élèvent à moins de 100 personnes, hiérarchie et production comprises", lancent-t-ils, rappelant que leur rédaction représente "moins de 7% des effectifs de l'information."
Le projet d'un passage des deux magazines à un rythme mensuel leur "paraît à la fois dangereux au niveau éditorial" et "incohérent pour le téléspectateur". "Comment se retrouver dans une soirée du jeudi qui verrait se succéder ces deux émissions, mais aussi 'L'Angle éco', 'L'Emission politique', les portraits de Laurent Delahousse ?", interrogent-t-ils Delphine Ernotte, assurant qu'une récente étude "facturée 48.000 euros" et "commandée par la direction des magazines" préconisait "précisément l'inverse".
Par la suite, les reporters des magazines d'Elise Lucet et de Thomas Sotto souhaitent "alerter sur les conséquences directes" de vouloir "se séparer de CDD", "dont certains sont des collaborateurs exclusifs et à temps plein" du groupe depuis près de 10 ans. Ils ajoutent : "Concrètement, sans CDD, sachez qu'il ne restera plus que deux reporters à 'Complément d'enquête', et cinq à 'Envoyé Spécial'. Autant le dire franchement : cela reviendrait à faire disparaître ces émissions."
De plus, ils relèvent les nombreuses enquêtes réalisées par les deux magazines qui ont eu un impact sur la société ces dernières années : l'affaire Bygmalion, l'Erythrée, la communication d'Emmanuel Macron, l'interview d'Asia Argento, les activités de Vincent Bolloré - une enquête qui a reçu le prix Albert Londres -, l'affaire Penelope Fillon ou encore les spéciales attentats. "Est-ce vraiment tout cela que vous souhaitez supprimer ? Pour la première fois dans l'histoire de France Télévisions, vous allez, madame Ernotte, devoir valider une réduction du nombre d'heures consacrées à l'information", s'attristent les journalistes de France 2.
Pour conclure, ils concèdent que "la rédaction et les magazines doivent participer aux efforts d'économie", déclarant "avoir beaucoup d'idées allant dans ce sens" et vouloir "les faire partager". "Mais prendre comme seule boussole la diminution de nos ETP de fabricants, alors que nous sommes, au quotidien, spectateurs impuissants d'aberrations de gestion nous paraît incompréhensible", écrivent-t-ils, avant de terminer : "Avant de faire votre choix, gardez à l'esprit que derrière cette décision comptable, c'est la survie des derniers magazines produits par le service public qui est en jeu."