Pression politique de Giorgia Meloni. Carlo Fuortes, l'équivalent de Delphine Ernotte en France, a annoncé, ce lundi 8 mai 2023, sa démission de la Rai. Dans un courrier adressé au ministère de l'Économie et des Finances dont il dépend, l'administrateur délégué de la radio-télévision d'État italienne a fait état des pressions exercées sur lui par ses autorités de tutelle.
"Depuis le début de l'année 2023, il y a un conflit politique qui concerne mon poste et ma personne et qui affaiblit la Rai", a-t-il déploré par écrit. Dans le même registre, il a dit avoir refusé les changements de ligne éditoriale et de programmation dictés par l'exécutif le plus à droite qu'ait connu l'Italie depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Des consignes qui, selon lui, ne sont pas "dans l'intérêt de la Rai".
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Nommé par le précédent gouvernement de Mario Draghi, Carlo Fuortes était dans le viseur de Fratelli d'Italia (FDI) depuis septembre 2022, lorsque le parti d'extrême droite de Giorgia Meloni a saisi l'équivalent de l'Arcom pour dénoncer la présence à l'antenne du philosophe français Bernard-Henri Lévy. Celui-ci avait critiqué avec virulence la droite italienne mais sans débat contradictoire, alors que la campagne électorale devait s'achever quelques jours plus tard.
"Le gouvernement n'a même pas la patience d'attendre les échéances normales des mandats", déplore Roberto Zaccaria, ex-président de la Rai, professeur de droit constitutionnel et ex-député de gauche, interrogé par l'AFP. "Il faut avoir le respect des institutions et ne pas les manipuler pour satisfaire ses propres exigences politiques et personnelles", préconise-t-il.
Ancien directeur du Théâtre de l'Opéra de Rome, Carlo Fuortes serait pressenti par la direction de l'Opéra de Naples. Il ne devrait toutefois pas briguer le poste, selon "La Repubblica". Stéphane Lissner, actuel directeur français de l'Opéra de Naples, est en tout état de cause sur la sellette depuis l'instauration concomitante par le pouvoir d'une limite d'âge fixée à 70 ans pour les occupants des postes de direction d'établissements culturels. Selon ce même décret, le Français Dominique Meyer, à la tête de la Scala de Milan, serait aussi frappé par la limite d'âge en 2025.
Outre l'assaut lancé par le gouvernement de Giorgia Meloni sur le service public de la culture, faut-il voir dans cette séquence un nouveau signe de la dégradation des relations bilatérales entre la France et l'Italie ? Le 4 mai dernier dans "Les grandes gueules" de RMC, Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur, avait jugé Giorgia Meloni "incapable de régler les problèmes migratoires". En réaction, le ministre italien des Affaires étrangères, Antonio Tajani, avait annulé un déplacement prévu le même jour à Paris et exigé "des excuses" du ministre français.