Jérôme Fouqueray fait le bilan. Après une rentrée marquée par le lancement d'une nouvelle marque de télé-réalité, "Les cinquante" et une saison qui a vu s'éroder l'audience en linéaire des marques historiques de W9 comme "Les Marseillais", le directeur général de la chaîne de la TNT dresse le bilan de la saison écoulée sur puremedias.com et révèle ses ambitions pour 2023.
Propos recueillis par Benjamin Rabier.
puremedias.com : Quel bilan tirez-vous de l'année de W9 ?
Jérôme Fouqueray : W9 fait une bonne année, avec ses piliers d'audience toujours solides, boostée par une performance digitale particulièrement élevée. En linéaire, la part d'audience commerciale (FRDA-50) est presque stable à 3,6%. W9 est deuxième chaîne TNT. L'audience des soirées est puissante, autour de 750.000 téléspectateurs. Notre succès d'audience se double d'un succès d'image, puisque W9 est redevenue en juin la chaine TNT préférée des Français. C'est le signe d'une chaîne en grande forme. Le fait majeur de 2022 est la forte poussée du digital, notamment l'access qui est en plein basculement du linéaire vers le digital. Cette tendance s'est nettement accélérée et a trouvé son pic à la rentrée avec "Les cinquante".
Justement, comment analysez-vous les performances des "Cinquante" qui était votre gros programme de la rentrée ?
Sur ce type de programme très regardé par les moins de 35 ans, le poids du digital est devenu tellement important que si je suis tout à fait honnête avec vous, l'audience du lendemain, à J+1, on la regarde, mais désormais on regarde surtout le replay (J+7, J+28) et les audiences accumulées sur tous les écrans. Concernant "Les cinquante", l'audience dépasse ainsi largement le million de téléspectateurs par épisode, avec moins de 50% de cette audience réalisé sur l'écran de télévision traditionnel. Cette performance montre deux choses : W9 est très bien profilée pour les nouveaux usages et la chaîne est toujours capable de continuer à toucher massivement le public jeune.
Est-ce un axe de développement majeur pour vous ?
W9 a une formidable carte à jouer là-dessus. Elle est toujours la première chaîne de télévision française sur les écrans internet avec les programmes les plus puissants et une empreinte digitale phénoménale. En dix semaines, "Les cinquante" a cumulé plus de 200 millions de vidéos vues sur les plateformes et les réseaux sociaux. C'est de loin le programme de télévision le plus vu de la rentrée sur les écrans internet. Cette plateformisation créé un nouvel écosystème, qu'on encourage avec des dispositifs combinant le linéaire, le preview, le replay et les réseaux sociaux. Pour W9, c'est vraiment le coeur du sujet : saisir l'opportunité du digital et augmenter la disponibilité sous toutes les formes, partout, à tout moment et sur tous les supports.
"Salto fait vraiment partie intégrante du nouvel écosystème de W9"
Côté télé, "Les cinquante" n'a pas réalisé des audiences extraordinaires..
C'est une très belle émission, créée, développée et fabriquée en France avec les équipes de Banijay. Il faut s'en réjouir. On se plaint souvent qu'il n'y a pas assez de nouveautés à la télévision. Or, "Les cinquante" est une vraie création originale, dans l'air du temps et en contact avec les aspirations des jeunes. Le fait que ce nouveau format soit un succès avec des audiences linéaires solides et un carton sur le digital constitue un grand motif de satisfaction. Des records ont été battus sur notre plate-forme 6Play et Salto a semblé très satisfait du programme. L'empreinte sur les réseaux sociaux est également historique. Oui, on réfléchit à une nouvelle saison.
Justement, les épisodes des "Cinquante" étaient disponibles sur Salto 24 heures avant la diffusion sur W9. Est-ce que ça a eu un impact sur le linéaire ?
Une plate-forme type Salto fait vraiment partie intégrante du nouvel écosystème de W9. Dans le bilan de nos émissions, on intègre maintenant le fait que des milliers de personnes ont choisi de regarder les épisodes en avant-première. Cette audience a une grande valeur. Il s'agit du public le plus engagé, le plus passionné, le plus réactif et le plus fidèle.
La publicité sur le non-linéaire compense-t-elle le tassement des audiences télé ?
C'est l'objectif, puisque plus de 50% de l'audience d'une télé-réalité est maintenant réalisé hors de l'écran de télévision traditionnel. Cette répartition permet d'accompagner les annonceurs pour toucher massivement les jeunes partout où ils nous regardent, avec des dispositifs combinant puissance et affinité.
Peut-on imaginer une saison 2 de "Les cinquante" en direct ?
Cette hypothèse existe. Il faut surtout regarder si cela présente un vrai intérêt éditorial et si c'est envisageable économiquement. Cette émission étant une création, nous n'avons pas de bible à laquelle nous raccrocher. Nous développons les choses avec Banijay en étant très pragmatique. Nous allons décider dans les prochaines semaines.
Le succès de "Star academy" a-t-il fait du mal à l'image de vos émission de télé-réalité ?
On voit bien qu'il y a une demande de renouvellement pour ce types de programmes, dans l'écriture, le casting, les histoires, les lieux et les mécaniques de jeux. Il y a aussi des aspirations nouvelles en matière de valeurs. Par exemple, les notions de mérite, de bienveillance, de travail ou de progrès ont repris une grande importance. Il y a davantage d'exigence sur le sens et la sincérité, c'est plutôt une bonne nouvelle. Avec "Les apprentis aventuriers", "Les cinquante" et de nouvelles créations à venir, nous voulons être à la pointe de cette demande de nouveautés.
"Contrairement aux années précédentes, nous ne lancerons pas une nouvelle saison des 'Marseillais' après la diffusion du 'Cross'"
Ça veut dire que "Les marseillais" s'arrête ?
Contrairement aux années précédentes, nous ne lancerons pas une nouvelle saison des "Marseillais" après la diffusion du "Cross" mais une nouvelle édition des "Apprentis aventuriers", toujours présenté par Laurent Maistret. Le tournage démarre ce lundi aux Philippines. Pour la suite, nous travaillons sur d'autres grandes nouveautés, avec Banijay, Studios 89 et d'autres producteurs.
Et "Les marseillais" alors ?
"Les marseillais" ne s'arrête pas. Il s'agit d'une marque très forte et d'un actif formidable de W9, qui participe à son succès depuis dix ans ! Comme pour "Les princes de l'amour" (Studio89), on se donne la liberté de laisser reposer l'émission, pour peut-être revenir plus tard, encore plus fort.
Plusieurs candidats, comme Illan Castronovo par exemple, ont été au coeur de polémiques ces derniers mois. Quelle est la position de W9 ?
Ces affaires ne concernent pas directement les émissions que nous diffusons. Mais il est évident et très clair qu'un participant mêlé à ces faits divers graves et sérieux ne peut plus prétendre à venir dans l'une de nos émissions.
En 2019, vous avez relancé "L'île de la tentation". Verra-t-on un jour une nouvelle saison ?
Pourquoi pas. L'émission diffusée le jeudi en prime time avait été un gros succès en flirtant autour des 10% de PDA sur la cible commerciale, et un gros succès sur 6Play. C'est un format qui continue à vivre sur beaucoup de territoire, dont on sait qu'il est apprécié par le public.
"Les engagements musicaux continuent à peser lourdement sur l'économie de W9"
W9 c'est aussi de la musique...
C'est dans l'ADN de W9. Nous diffusons chaque année au total plus de 3.300 heures de musique, et en soirée entre 25 et 30 prime musicaux dont 6 dédiés à la variété. Parmi ces primes, il y a aussi des émissions dites de nostalgie. On travaille sur les marques qui sont les plus emblématiques, les plus fortes des années 80, 90 et 2000... Celles dont les français raffolent. On vient de tourner un nouveau numéro du "Hit machine", produit par Carson avec Charly et Lulu, avec une diffusion prévue début 2023. C'est vraiment un bonheur de pouvoir relancer ces marques iconiques qui sont dans le coeur des gens. On vient aussi de tourner "Dance machine", produit par Terminal 9, avec Ophélie Winter et toutes les stars de l'époque.
W9 propose régulièrement des documentaires musicaux. Quels sont les projets à venir ?
Début 2023, nous proposerons un documentaire inédit sur France Gall (CProductions). Nous diffuserons également "L'Enigme Michel Sardou" (DMLSTV), pour surfer sur le succès de la comédie musicale qui lui est actuellement consacrée. On va continuer à produire 3 à 5 documentaires musicaux inédits par an.
W9 c'est aussi de la fiction. Quels sont vos projets ?
On s'apprête à commander une cinquième saison de la fiction courte "La petite histoire de France". Cette fiction a transformé avec succès nos samedis soirs, avec de très bonnes performances sur la cible commerciale. Début 2023, on diffusera le deuxième volet de la franchise "Escape", créée par notre filiale SND. Le premier film avait été un carton d'audience avec 1,34 million de téléspectateurs et 13,4% de PDA sur la cible commerciale. En cas de succès, un troisième film est possible. Quand on réussit à installer une si belle marque, on continue !
Vous travaillez beaucoup avec Issa Doumbia. Avez-vous de nouveaux projets avec lui ?
Nous continuons notre collaboration avec Issa sur "Les 100 vidéos qui font rire le monde". Deux nouveaux numéros se tournent début décembre. Pour 2023, nous préparons plusieurs nouveaux projets avec lui.
Fin 2022, W9 sera-t-elle rentable ?
La trajectoire est vraiment encourageante, malgré les engagements musicaux qui continuent à peser lourdement sur son économie. Heureusement, les revenus digitaux se développent fortement. La plateformisation de W9 est une formidable opportunité pour l'audience et les revenus que nous allons essayer d'accélérer en 2023-2024.