Les flops de plusieurs superproductions comme "John Carter" ou "Battleship", la crise économique, les coûts de production qui augmentent, l'importance de plus en plus grande accordée aux effets spéciaux... Tous ces facteurs expliquent que les studios soient de plus en plus prudents avant de donner le feu vert à la mise en production d'un long-métrage. En août 2011, Disney avait ainsi carrément annulé le tournage de "Lone Ranger" avec Johnny Depp, en raison d'un budget trop élevé. Le réalisateur Gore Verbinski et le studio avaient travaillé sur un nouveau budget, inférieur de plusieurs dizaines de millions de dollars, et Disney était revenu sur sa décision.
Du coup, une nouvelle pratique se développe, appelée le "boarding". Le Hollywood Reporter lui consacre un article cette semaine et explique comment les metteurs en scène et les équipes de tournage travaillent désormais pour permettre d'insérer des sessions de tournage resserrées pour les stars. Pour éviter de verser les 20 millions de dollars que Johnny Depp réclame pour chaque projet, Disney a ainsi eu recours au boarding pour son nouveau projet, la comédie musicale "Into the Woods", réalisée par Rob Marshall. L'acteur a passé une seule semaine à Londres pour 1 million de dollars, et le tournage a été organisé de sorte que toutes ses scènes soient mises en boîte en sept jours.
Ainsi, tout le monde est gagnant. D'une part, Disney ne fait pas exploser son budget, que le studio voulait à tout prix limiter à 40 millions de dollars en raison des risques que représente le tournage d'une comédie musicale. Et le studio dispose d'un grand nom utile pour la promotion du film aux Etats-Unis, mais aussi à l'international. De l'autre, l'acteur peut toujours réclamer 20 millions de dollars par film et cette petite semaine de travail ne fait pas baisser son salaire moyen.
Le Hollywood Reporter cite plusieurs autres acteurs qui se sont fait une spécialité de tourner quelques scènes l'espace de quelques jours pour des sommes faramineuses. A commencer par Bruce Willis, qui l'a pratiquée dans "Expendables 2" et "G.I. Joe : Conspiration". Malgré une présence limitée dans les films, l'acteur était mis en avant au même titre que les autres acteurs sur les affiches et dans les bandes-annonces. Prix estimé par un producteur contacté par le Hollywood Reporter : 1 million la journée. Mais quand on lui a offert 3 millions pour 4 jours de tournage pour "Expendables 3", et qu'il en a demandé 4, Sylvester Stallone n'a pas apprécié et l'a remplacé illico par Harrison Ford.
Le magazine américain cite également Dwayne Johnson, qui n'a tourné que quatre semaines dans "Fast & Furious 6" alors qu'il demande 15 millions pour un tournage traditionnel, ou encore John Malkovich et Gary Oldman, ravis de jouer les méchants de haut niveau pour quelques jours de tournage. Meryl Streep, elle, a passé deux semaines en Afrique du Sud pour "The Giver", film de science-fiction de Phillip Noyce, réalisateur de "Salt". Ce nouveau projet étant porté par un inconnu, les studios ont souhaité ajouter un nom prestigieux au générique. Meryl Streep a tourné dix jours mais n'a pas touché son salaire habituel, et assurera la promo du film au moment de sa sortie. Même schéma pour Kate Winslet, bientôt à l'affiche de "Divergent", présenté comme le nouveau "Hunger Games", même si la grossesse de l'actrice explique également que les tournages aient été calés autour de son emploi du temps.
La pratique semble avoir de beaux jours devant elle mais alors que les acteurs et les studios y gagnent, les producteurs ont de plus en plus de mal à gérer les calendriers de tournage. "Ca peut pénaliser un projet si on est à la merci de quelqu'un qu'on doit faire arriver et repartir en dix jours", explique ainsi au magazine un producteur qui a travaillé sur "Gatsby le magnifique" et "Divergent". Un risque que les studios semblent prêts à courir.