Ce soir à la TV... Les dix ans du mariage pour tous. Julien Bellver livre surTMC un nouveau prime de son émission ponctuelle "21h médias". Après #MeToo, DSK ou le 11 septembre, il dédie son documentaire à une loi qui avait divisé la société française. Un long-métrage militant, où ceux qui se sont battus sur le devant de la scène ou en coulisses livrent leur sentiment sur la séquence qui a déjà dix ans. Dans une interview à Puremedias.com, Julien Bellver fait le point sur ce prime, mais aussi sur son "quotidien" au sens large.
Propos recueillis par Tom KerkourPuremedias.com : Quelle est la promesse de ce "21H médias" ?
Julien Bellver : Nous avons voulu revenir sur une loi importante, peut-être l'une des plus importantes de ces 20 dernières années. D'abord, on a scanné quels étaient les événements marquants, en termes de dates d'anniversaires, en 2023. Parmi eux, il y avait le mariage pour tous. Quand je l'ai vu, je me suis dit que c'était génial. J'avais un souvenir assez net de ce qu'il s'était passé il y a dix ans. Je me suis dit : oui, c'est vraiment un événement génial pour le "21h médias", revenir sur une loi qui a fracturé la société et qui dix ans plus tard passe totalement inaperçue. On a oublié qu'il y avait des dizaines de milliers de personnes dans les rues pour manifester contre le mariage pour tous. Une loi qui a changé la vie de pas mal de gens sans changer la société française comme certains détracteurs l'avaient imaginé.
Est-ce vraiment un sujet "médias" ?
C'est un sujet qui est plutôt sociétal, on ne va pas se mentir. Mais la promesse du "21h médias" a toujours été de revenir sur un sujet important (DSK, le 11 septembre, le tsunami) qui a été surtraité par les médias. On va ensuite le décortiquer grâce aux archives avec 10-15-20 ans de recul. Après, il est vrai que sur ce numéro là, on voulait un peu s'éloigner de l'imagerie trop chaîne d'info. S'éloigner de cet aspect un peu zapping qu'on a pu avoir sur les premiers numéros, pour avoir un truc un peu plus documentaire en termes d'images. L'aspect "média" est un peu au second plan dans ce documentaire là.
Au visionnage, on peut sentir un aspect militant. C'est assumé ?
C'est militant. Il y a un parti-pris pro mariage pour tous évident dans ce doc, il n'y a aucun mystère dessus. D'ailleurs je suis en couple avec un homme et j'ai un projet de mariage. J'ai évidemment toujours été pro mariage pour tous, Bangumi a toujours été engagé aussi, les archives du "Petit journal" le prouvent. Ils recevaient des personnes en plateau qui se roulaient des grosses pelles...
Il n'était pas question de redonner la parole à ceux qui ont manifesté contre la loi. Au contraire, on donne la donne à ceux qui ont porté ce projet, que ce soit évidemment l'ancien président François Hollande, que ce soit Franck Riester, un des deux seuls députés UMP à s'engager ou que ce soit Caroline Fourest qui a été une militante hyper engagée et qui a payé de sa personne dans les manif il y a dix ans. Donc c'est carrément un documentaire militant, les gens qui dix ans après sont encore hostiles à cette loi, je leur conseille de ne pas être sur TMC ce mardi à 21h, ça risque de les agacer un peu.
"La télévision a de plus en plus de mémoire"
Est-ce qu'une séquence vous a particulièrement marquée ?
Il y en a une, oui. Elle est arrivée via le récit de Caroline Fourrest, quand elle nous raconte ses deux agressions, à la fois dans le train et lorsqu'elle a rejoint une manifestation et qu'elle a été attendue par les groupuscules d'extrême droite. J'avais complètement zappé ces images là. En les revoyant, je me suis dit que c'était quand même une histoire assez dingue et qu'il fallait les montrer.
J'avais un peu un souvenir diffus des manifestations et des discours hyper réactionnaires des uns et des autres, même certaines archives comme "c'est contre nature-anh", la fameuse archive du petit journal qu'on a tous en tête. Mais en fait elle a dit beaucoup plus d'horreur que ça ! Et le fait de diffuser la vidéo en intégralité est assez fort et traduit l'ambiance de l'époque.
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Dans les nombreuses séquences, on voit notamment des politiques encore en poste aujourd'hui...
Il est très important de voir qui à l'époque a voté contre cette loi, qui a voté contre et quels ont été les discours tenus. Je pense que beaucoup de gens ont oublié que Bruno Le Maire était hostile, que Gérald Darmanin était hostile, que Rachida Dati était hostile, que Laurent Wauquiez a défilé contre le mariage pour tous avec Jean-François Copé. Il y a quelques acteurs du paysage politique qui ont des casseroles sur ce sujet, c'était important de rappeler ce qu'ils avaient fait et dit il y a dix ans.
Est-ce que les archives, notamment celles de l'INA, ne deviennent pas la bête noire de la classe politique ?
La télévision a de la mémoire et en a de plus en plus. Forcément avec l'évolution des moyens techniques, plus on avance et plus on peut retrouver très facilement des archives sur tout un tas de sujets. C'est un peu la matière première de "Quotidien", le placard à archives de Yann dans l'émission. On a un super service documentation, et sur tous ces sujets-là, on est hyper vigilants, on enregistre tout. Évidemment, il y a l'INA, où c'est assez facile de retrouver les archives des uns et des autres, mais nous avons aussi des archives "personnelles" où on stock des images qu'on peut ressortir sur tout un tas de sujets. Et pour certains, ça peut coûter cher. Valérie Pécresse pendant la campagne présidentielle, on lui a vachement ressorti des photos d'elle manifestant contre le mariage pour tous. C'est utile et important.
"On ne parle pas tant que ça de CNews"
En tant que passionné d'audiences, que pensez-vous de celles de "Quotidien" ?
Je suis passé par puremedias.com, donc je suis un peu un geek des audiences que je regarde chaque jour. Tous les matins après 9h j'ai cette petite excitation des chiffres de la veille. Je note d'ailleurs un petit truc assez ridicule depuis deux trois ans. On saucissonne les émissions pour mettre en avant la meilleure partie. Je trouve ça ridicule mais on n'a pas le choix, il faut user d'astuces pour comparer ce qui est comparable.
Globalement, l'audience de "Quotidien" ne cesse de progresser, c'est ça le plus important. Qu'elle progresse et qu'elle reste assez jeune par rapport à d'autres émissions, en access notamment. Comme l'a montré un article du "Parisien", "Quotidien" est l'émission qui a le plus de jeunes en access. C'est plutôt une bonne nouvelle !
Comment expliquer la jeunesse de votre public ?
Je pense que ça passe par les incarnations en plateau. Je fais partie des vieux maintenant, mais il y a quand même une équipe qui est super jeune, que ce soit Ambre (Chalumeau) ou les reporters sur le terrain. Porter une émission d'actu tous les jours par la nouvelle génération, forcément, ça fait que les jeunes nous regardent plus. Ensuite, c'est par la diversité des sujets qu'on traite. On va chercher les jeunes qui regardent de moins en moins la TV, qui sont plus sur TikTok que devant leur poste de télévision. C'est un peu le défi des prochaines années, de faire revenir ou de garder ces jeunes là. On fait pour ça un gros travail sur le web.
Comment "C à vous", "Quotidien" et "Touche pas à mon poste" peuvent-ils être si puissants sans se gêner ?
Parce que ces émissions n'ont pas le même public. On nous compare tous, tous les jours, tous les trois, mais on est vraiment différents, ne serait-ce que sur la moyenne d'âge. Je crois qu'il y a 20-25 ans d'écart entre "C à vous" et "Quotidien". En termes de contenus, "C à vous" est une super émission d'accueil, un talk avec quasiment que des invités pendant 1h30. "Touche pas à mon poste" c'est un talk avec des sujets un peu plus clivants. Et nous, on est une émission avec énormément d'images, "Quotidien" c'est 60% d'images. Chacun dans son couloir marche plutôt pas mal car il y a assez peu de vases communicants, contrairement à ce qu'on croit.
Comment voudriez vous voir évoluer votre place chez "Quotidien" ? En faire plus ?
Je trouve que j'en fais déjà pas mal, ça me va très bien aujourd'hui. Les gens pensent qu'on commence le boulot à 15h et qu'on a fini après l'émission, mais en fait les journées sont bien chargées. On arrive à 9h, on finit à 21h, sans pause déjeuner. Donc les journées sont complètes, ça plus le prime, ça me va comme ça. Après le 19h30 va peut-être évoluer la saison prochaine. Tous les mois cette émission évolue par petite touche, il n'y a pas forcément de révolution à chaque rentrée mais cela bouge.
Est-ce que vous n'en faites pas un peu trop sur CNews ?
Non. On observe CNews comme on observe BFMTV dont on parle régulièrement aussi. Les chaînes d'info aujourd'hui ont beaucoup de poids et d'importance dans la consommation de médias des Français. Donc on les observe, toute la journée. C'est un peu notre job n°1, au moins en ce qui me concerne. Donc en effet, si on les observe tant et qu'on en parle tant c'est qu'ils sont importants. Pour le coup, c'est le jeu.
Par contre, je ne suis pas sûr qu'on parle plus de CNews que de BFMTV si on compile en termes d'images, d'angles, etc. Il doit y avoir un miroir déformant, puisque dès qu'on en parle, Pascal Praud nous répond et ça fait toujours plein d'histoires. Mais au final, on n'en parle pas tant que ça.