2018, annus horribilis pour l'exportation du cinéma tricolore ? Depuis le début de l'année, selon des chiffres rapportés par "Le Figaro", les longs-métrages français se sont exportés, en dehors du territoire, à seulement 28 millions de tickets depuis le début de l'année. L'année dernière, à cette même époque, les exportations françaises culminaient à 70,5 millions d'entrées vendues, principalement portées par le succès de "Valérian et la Cité des mille planètes". Le film de Luc Besson avait été vu, hors de nos frontières, par 30,6 millions de personnes.
En 2015, "Taken 3", autre film issu EuropaCorp, la société de production de Luc Besson, avait cumulé pas moins de 44,0 millions d'entrées à l'international - hors France -. En 2016, en l'absence de film produit par Luc Besson, le cinéma tricolore avait été plus atone à l'international. Comme le pointe "Le Figaro", cela fait des années que le rayonnement du cinéma français à l'international est dépendant de Luc Besson et des films issus du catalogue d'EuropaCorp. Problème, ce paramètre spécifique mis à part, "les chiffres (d'exportation du cinéma français) n'ont jamais été aussi bas cette année" selon Isabelle Giordano, directrice générale d'Unifrance, l'organisme chargé de la promotion et de l'exportation du cinéma français dans le monde.
"Nous terminerons probablement l'année sans pouvoir dépasser la barre des 50 millions d'entrées" pointe-t-elle, rappelant que si la France conservera probablement son rang de deuxième exportateur mondial, c'est grâce à l'absence de "gros concurrents" derrière elle. "J'entends régulièrement les acheteurs dirent que nos films sont parfois trop longs, trop bavards" explique-t-elle également alors que le cinéma français s'est montré pour le moins discret aux Oscars ces dernières années.
Isabelle Giordano s'inquiète par ailleurs du faible poids des films français sur les plateformes numériques. Hors France, à peine 3,5% des films français sont disponibles sur iTunes et Netflix en Europe. "Nous ne pouvons pas nous satisfaire de si peu (...) l'enjeu est aussi de renforcer notre présence sur les plateformes" prévient Isabelle Giordano. "Le nouveau monde, dans le cinéma, c'est le monde des plateformes. Il faut s'adapter aux usages des millenials qui ne vont plus tellement au cinéma, ou pas forcément pour y voir des films français. Nous devons travailler avec Netflix, YouTube, Amazon, Hulu, discuter avec eux de manière apaisée et être capable de leur vendre plus de films" préconise la dirigeante.
La marche est pourtant encore longue pour améliorer les relations entre les plateformes, au premier d'entre elles Netflix, et le cinéma français. Netflix fait aujourd'hui figure d'épouvantail pour de nombreux acteurs du secteur. Récemment, dans une interview à "Télérama", interrogé sur le film "Roma" d'Alfonso Cuaron, distribué par Netflix et sacré Lion d'or à Venise, François Aymé, président de l'Association française des cinéma d'art et d'essai, avait estimé que Netflix fait courir "un vrai danger à la diversité culturelle" en raison du risque de "dérégulation" qu'il fait peser sur le secteur. Pour rappel, afin de ne pas se soumettre à la chronologie des médias, qui impose encore - et jusqu'à la réforme à venir dans les prochains mois - un délai de 36 mois entre la sortie d'un film en salles et sa distribution sur les plateformes, Netflix ne distribue pas ses films dans les salles obscures. En conséquence, il avait été banni du dernier Festival de Cannes.