
Quelques jours avant la fin, mardi 8 avril, du procès pour soupçons de financement libyen de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007, Fabrice Arfi, co-responsable du pôle "Enquêtes" de "Mediapart", a tiré, au micro de "Backseat", émission présentée par Jean Massiet sur le réseau social Twitch, le bilan de sa couverture médiatique.
"Que s'est-il passé médiatiquement ? Les journalistes qui, dans l'espace télévisuel, ont majoritairement pris la parole sur le sujet, ce sont des éditorialistes politiques qui n'ont pas foutu un orteil au tribunal, qui n'ont pas ouvert une page du dossier mais qui se sentent gonflés de je ne sais quel orgueil professionnel suffisant pour se dire : 'Tiens, je vais dire ce qu'il faut penser des réquisitions du parquet national financier et je vais même vous dire que le dossier est vide'", a-t-il dénoncé dans "Backseat" le 3 avril.

Plusieurs éditorialistes de chaînes info ont en effet pris fait et cause ces derniers mois pour Nicolas Sarkozy. Le 6 janvier, jour de l'ouverture du procès, Pascal Praud avait débuté son émission "L'heure des pros" sur CNews et Europe 1 en s'interrogeant : "Que penser d'un procès où les preuves manquent ?".
Toujours sur le plateau de CNews le 30 mars 2025, Kévin Bossuet estimait de la même façon que l'ancien chef de l'État est "victime d'une cabale judiciaire", se demandant "où sont les preuves concrètes". "On a une condamnation qui repose d'abord et avant tout sur la conviction des juges et sur un simple faisceau d'indices !". "On voit bien que la justice n'est pas parvenue à démontrer par A+B le fait qu'il y ait réellement eu un financement libyen de la campagne présidentielle de 2007 de Nicolas Sarkozy", a abondé dans le même sens Louis de Raguenel, directeur de la rédaction du "JDD".
"Les juges peuvent-ils aussi avoir des motivations politiques ?", a osé demander David Doukhan, présentateur du "18/20" de LCI le week-end à Louis Sarkozy, lui-même chroniqueur régulier sur la chaîne du groupe TF1. "Je sais avec toute la certitude du monde que mon père est innocent (…) Je n’ai jamais été aussi fier d’être son fils", avait-il estimé le 29 mars dernier. Quelques jours plus tard, sur le canal 26 également puis dans "Le Parisien", Ruth Elkrief s'était étonnée de la peine d'inéligibilité accompagnant la condamnation de Marine Le Pen, qui a fait appel, dans un dossier tout autre, celui de l'affaire des assistants du RN au Parlement européen. "La justice aurait pu, tout en appliquant la loi qui a été votée par des députés eux-mêmes, prendre en compte la situation de la société française" en faisant en sorte que la cheffe de file du RN aux trois dernières élections présidentielles puisse se présenter en 2027, avait-elle considéré.
En réponse à ces discours, Fabrice Arfi, qui avait déjà eu maille à partir sur le sujet avec Karine Le Marchand sur le plateau de "C médiatique" en mars, de conseiller aux citoyens de "lire les comptes-rendus de journalistes qui, eux, ont assisté aux audiences". "'Le Monde', 'Libé', 'Le Figaro', 'Le Canard enchaîné' et 'Médiapart' évidemment sont là tous les jours depuis l'ouverture du procès le 6 janvier dernier", a pris pour exemple le journaliste de "Mediapart". "Les gens qui suivent le procès, ils voient ce qu'ils voient. C'est un vrai problème que les espèces de jaboteurs de plateau – qui pensent que c'est bien d'avoir un avis sur tout même quand on n'a pas travaillé sur un dossier – impriment vis-à-vis de téléspectateurs de bonne foi."
"Je crois réellement qu'il y a une déconnexion énorme entre la télévision et les aspirations citoyennes sur ces questions-là", retient, en conclusion, Fabrice Arfi. "Quiconque a suivi ce procès sait que le dossier n'est pas vide. Il n'y a pas plus grand mensonge de dire cela après trois mois d'audience. Dans le journal 'Le Figaro', que l'on ne peut pas taxer d'anti-sarkozysme primaire, le chroniqueur judiciaire Stéphane Durand-Souffland écrit, au lendemain des réquisitions du parquet national financier, que ces dernières sont 'dévastatrices'. 'Les trois procureurs ont bâti une accusation redoutable'."
La décision du tribunal correctionnel de Paris, au terme du procès sur les soupçons de financement libyen de la campagne présidentielle de 2007 de Nicolas Sarkozy, sera rendue le 25 septembre 2025 à 10 heures, a fait savoir la cour au dernier jour du procès, mardi 8 avril 2025. Le 27 mars 2025, le Parquet national financier (PNF) avait requis sept ans d’emprisonnement, 300.000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité contre l’ancien président de la République.