Un mois et demi après la reprise en main par Geoffroy Lejeune du "Journal du dimanche", des dizaines de journalistes de la rédaction de l'hebdomadaire ont quitté le navire après quarante jours de grève. Une minorité de la centaine de journalistes grévistes continue de signer pour le média sous pavillon Bolloré et travaille aujourd'hui sous les ordres de l'ancien directeur de la rédaction de "Valeurs actuelles".
Ce mouvement social a été l'un des sujets sur lequel "Backseat", une émission diffusée sur Twitch et présentée, en direct de la Fête de l'Humanité, par le streameur Jean Massiet, a porté la focale. Jean-Luc Mélenchon en était l'invité. L'ancien candidat à la présidentielle a été interrogé par Sasha Beckermann, ex-journaliste du "JDD", et Maud Vergnol, co-directrice de la rédaction de "L'Humanité", sur son "absence de soutien" aux journalistes grévistes "qui sont précaires et qui parfois travaillent là parce qu'ils doivent bouffer". "On peut faire cette nuance quand même, non ?", l'a lancé Maud Vergnol.
"Non, madame !", a répondu, catégorique, l'ancien député des Bouches-du-Rhône. "Parce qu'il y a un principe dans la vie. Morale et philosophie. (Cela) s'appelle la responsabilité individuelle. Si vous acceptez de travailler pour un journal qui crache dans la gueule des travailleurs et qui insulte les Insoumis, assumez-le !", a-t-il dégoupillé après avoir affirmé qu'il n'avait pas digéré le dernier numéro du "JDD" avant le rachat, qui contenait "une Une sur Mme Le Pen, ses progrès et le reste" et "une demi-page d'insulte contre les Insoumis".
"Quand vous dites quelque chose que nous condamnons, et pas une fois mais deux fois mais trois fois mais quatre fois mais cinq fois, ne venez pas pleurer dans notre gilet surtout, pour à la fin, faire quoi ? Un journal qui va donner la Une à Mme Le Pen, ce qui se faisait avant", a résumé Jean-Luc Mélenchon. Avant d'enfoncer le clou : "'Le 'JDD' se comportait comme un journal d'extrême droite et si 'Valeurs actuelles' coule, je m'en fous".
"Moi, j'assume mes idées ! Je les défends, je m'expose. Je me laisse insulter", s'est-il pris en exemple. "Alors, vous aussi, faites-en autant ! Défendez vos idées jusqu'au bout !", a-t-il scandé, ignorant la précarité du métier de journaliste et balayant d'un revers de la main le parallèle établi par Maud Vergnol, selon lequel il reprocherait de la même façon à des ouvriers de continuer à travailler "dans une boîte qui ferait des trucs pas beaux". "Non non, ça n'a rien avoir", a protesté Jean-Luc Mélenchon. puremedias.com vous propose de visionner la séquence. L'intégralité de l'émission est accessible ici.
À l'issue de la grève et d'autant plus depuis la reprise de la publication du "JDD" le 6 août 2023, les partis politiques ont été sommés de se positionner et de déterminer si oui ou non ceux qui les composent acceptent oui ou non de se prêter à l'exercice de l'interview pour le compte du "JDD". Si Europe Écologie - Les Verts a fait le choix de les refuser systématiquement, du côté de la majorité présidentielle, c'était moins clair.
Le 10 août, Sylvain Maillard, président du groupe Renaissance à l'Assemblée, avait demandé à ses troupes de "ne pas participer à des articles' du 'JDD' tant que sa ligne éditoriale reste aussi 'inquiétante' que celle du premier numéro". Un premier numéro dans lequel était pourtant interviewée Sabrina Agresti-Roubache, la nouvelle ministre chargée de la Ville dans le gouvernement d'Élisabeth Borne.
Interrogée cette semaine par Paul Larrouturou, dans son nouveau format pour TF1 info, l'ancienne députée des Bouches-du-Rhône s'est défendue, précisant d'abord que le "JDD" "est un média autorisé". "Je considère que ce n'est pas au politique, quel que soit le politique, de dire si tel ou tel média est bien ou pas bien. Ce sont à ceux qui s'abonnent ou pas. Moi, je ne suis pas abonné au 'JDD' version Geoffroy Lejeune. Ce n'est pas ce que pense le journaliste qui m'interroge qui m'intéresse, ce qui m'intéresse, c'est la question qu'il va me poser et la réponse que je vais faire", a-t-elle déclaré. La consigne du patron du groupe Renaissance au Palais Bourbon n'avait pas empêché non plus Karl Olive, député Renaissance des Yvelines, de signer – sans qu'il y ait de conséquence pour lui – une tribune dans le "JDD" du 20 août.