
Ce jeudi 13 février dans le "7/10" de France Inter, Patrick Cohen a consacré son "Édito politique" au meurtre de la jeune Louise, 11 ans, tuée alors qu'elle rentrait de son collège dans l'Essonne vendredi 7 février. Ou plutôt, à la récupération politique dont ce crime a fait l'objet. "Si la mort atroce et insensée de Louise est devenue politique, contre la volonté clairement exprimée du père de la victime, c’est à cause de la façon dont elle a été commentée, récupérée, instrumentalisée, aux seules fins de prouver un 'ensauvagement' de la France", a commencé le journaliste.
Et cette récupération n'est pas venue d'un parti politique, comme cela a souvent pu être le cas par le passé. Patrick Cohen dénonce ici l'instrumentalisation de ce fait divers par un "écosystème médiatique d'extrême-droite désormais aussi puissant que coordonné". Et il donne des exemples : "Dès le lendemain du meurtre, 'Valeurs actuelles' évoque un suspect de 'type nord-africain'. Le 'JDD', Journal du Dimanche du groupe Bolloré, embraye en citant un prénom arabe. Puis Frontières, média identitaire d’extrême-droite qui a table ouverte tous les soirs sur CNews, balance nom et prénom et dénonce -je cite- un 'francocide'".
Avant de diffuser un extrait de Pascal Praud sur CNews, qui "relaie à son tour, sans rien savoir, sans aucune information, l’idée d’un crime commis par un immigré clandestin", accuse l'éditorialiste. On entend en effet dans sa chronique les mots de l'animateur de CNews et Europe 1 qui déclare à l'antenne : "Philippine en septembre, Louise aujourd’hui, des familles détruites, et le soupçon qu’elles le soient par des individus qui n’ont rien à faire sur le sol de France existe".

On sait aujourd'hui que le principal suspect, qui a reconnu les faits, s'appelle Owen, est né en 2001 à Paris, et habite à Epinay-sur-Orge avec sa soeur et ses parents, DRH d’un grand établissement culturel parisien et haut cadre dans une banque selon "Le Parisien". Mercredi 12 février, il a été mis en examen pour "meurtre sur mineur de 15 ans" et placé en détention provisoire. On est loin du profil évoqué précédemment par les médias cités ci-dessus.
"Comme ce crime n’est pas lié à l’immigration, Pascal Praud en fait le lendemain l’emblème d’un pays à feu et à sang", poursuit Patrick Cohen, qui repasse un extrait de l'édito de son confrère diffusé mardi 11 février sur CNews, dans lequel il affirme que la France "est donc ce pays où les enfants, les adolescents sont tués à la sortie de l’école, de l’université. (...) La France est ce pays où jouer le dimanche au football fait courir un danger mortel. (...) La France est ce pays où les églises sont brûlées, ou les actes antisémites sont multipliés, où les jeunes filles sont violées, les professeurs assassinés". "La France est ce pays qui regarde Pascal Praud et qui a peur", dénonce à son tour Patrick Cohen, qui fustige le traitement réservé à ce terrible fait divers, utilisé selon lui pour alimenter les peurs et la crainte d'un "ensauvagement du pays", alors que, comme il le rappelle en début de chronique, le nombre d'homicides en France a reculé l'an dernier pour la première fois depuis 2020.
Selon les chiffres publiés par le ministère de l'Intérieur, il a baissé de 2% en 2024, tandis que les tentatives d'homicides ont poursuivi leur croissance (+7%), mais à un rythme moins élevé comparé aux deux dernières années. Concernant les homicides sur mineurs, on en compte 104 en moyenne par an sur les 9 dernières années, selon les chiffres du Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) récupérés par "Libération". Pour 2024, il est en-dessous de cette moyenne, avec 99 cas recensés. Dans leur article, nos confrères indiquent par ailleurs que "jusqu'à 13 ans, les homicides ont lieu majoritairement dans le cadre intrafamilial".