Début d'année compliqué à BFMTV. Si elle a enregistré des audiences record en décembre grâce au mouvement des Gilets jaunes, la chaîne info du canal 15 traverse une période compliquée en interne. Après plus de six semaines de couverture intense et quasi-continue du mouvement social, la coupe est pleine pour de nombreux journalistes de BFMTV. Les premiers symptômes du malaise sont apparus ce week-end avec l'envoi d'un communiqué signé de la SDJ de la chaîne. Très discrète historiquement, cette dernière a condamné les nouvelles agressions dont ont été victimes des journalistes de BFMTV en marge de la mobilisation pour l'acte VIII des Gilets jaunes.
Dans la foulée, un boycott symbolique a été décidé lundi. Ce jour-là, "en signe de protestation" suite aux agressions du week-end, la rédaction de la chaîne a décidé de ne couvrir aucune mobilisation des Gilets jaunes. Officiellement, la direction de la chaîne s'est rangée à ce choix. Dans nos colonnes, Hervé Beroud, patron de BFMTV, avait dit "comprendre le besoin exprimé par la rédaction de se mobiliser en signe de protestation". La rédaction avait, elle, assuré que des échanges approfondis auraient lieux sur le sujet à l'initiative de la SDJ de la chaîne.
Selon nos informations, une longue réunion de débriefing des évènements du week-end s'est déroulée lundi en présence de la direction de la chaîne, des représentants de la SDJ et de quelques journalistes de la rédaction. Au cours de cet échange en petit comité, les représentants de la rédaction ont fait part de la lassitude et de la fatigue ressenties par les équipes sur le terrain. Ils ont demandé à la direction de réfléchir à un ajustement de la couverture du mouvement des Gilets jaunes. En clair, la rédaction réclame que l'antenne ne soit plus monopolisée par cette actualité, ce qui va quelque peu à l'encontre du positionnement de BFMTV qui se revendique comme la "chaîne de l'événement".
La direction de la chaîne est d'ailleurs un brin gênée par ces revendications de la rédaction. Si elle est prête à quelques concessions, en limitant par exemple les directs depuis les rond-points, elle n'envisage pas pour autant de réduire franchement la voilure. "Si on arrête de traiter cette actualité, nous nous exposerons à un problème professionnel et éditorial. Et ce serait aussi un problème industriel pour BFMTV car les autres chaînes n'arrêteront pas de le traiter", a ainsi prévenu Hervé Beroud au cours de cet échange privé, selon un compte-rendu écrit et détaillé de la réunion, dont puremedias.com a eu copie. "Quand on suit mal l'actualité, les gens vont ailleurs. Car les gens veulent voir !", a surenchéri Alain Weill, le PDG d'Altice, qui a incité ses équipes à "ne pas se laisser influencer par les commentateurs".
Si certains journalistes reprochent à la direction d'être "obsédée par l'audience", celle-ci peut difficilement ignorer ce facteur. Depuis fin décembre, la montée en puissance de LCI s'est accentuée de manière notable. La chaîne du canal 26 mord ainsi les mollets de BFMTV, avec laquelle elle affiche un écart qui n'a jamais été aussi mince (0,9 point de part d'audience pour la journée d'hier). Or, la chaîne info du groupe TF1 a accentué sa couverture du mouvement à l'antenne. À l'inverse, franceinfo, qui suit le mouvement de manière bien plus occasionnelle, enregistre des audiences nettement plus basses que ses concurrentes.
Dans ce contexte, l'ambiance est effectivement tendue dans les couloirs du siège de la chaîne info leader, entre la fatigue des équipes et les impératifs de la direction, soucieuse de préserver son audience. Une frange de la rédaction apparaît très remontée contre une direction jugée "trop verticale" et peu encline à se remettre en cause. Certains évoquent ainsi une motion de défiance, mais l'idée est loin de faire consensus au sein d'une rédaction ne passant pas pour être particulièrement rebelle. Le dialogue n'est d'ailleurs pas rompu avec la direction. Cet après-midi, à leur initiative, Hervé Beroud et Alain Weill s'exprimeront cette fois devant l'ensemble de la rédaction.