Malaise, ce matin, à la rédaction de Libération. Dès hier soir, après la publication de la Une sur les rumeurs autour d'une "piste explorée par Mediapart" d'un compte en Suisse attribué à Laurent Fabius, Edwy Plenel avait accusé le quotidien de "perdre la tête" en "prétendant démentir une non-information" du site qu'il dirige. "Il s'agit là d'une faute déontologique grave", vient de dénoncer dans un communiqué la Société Civile des Personnels de Libération (SCPL) intitulé "la faute".
"La SCPL déplore que Libération ait relayé ce matin une rumeur sans fondement sur un prétendu compte en Suisse de Laurent Fabius, avec pour effet de l'accréditer. Notre travail de journaliste ne consiste pas à rendre publique une rumeur, mais à enquêter pour savoir si elle correspond à des faits. Ce travail élémentaire n'a pas été fait", dénonce le communiqué.
Pour les personnels du journal, "cet épisode dommageable à l'image de Libération, engage la responsabilité de Nicolas Demorand", il "illustre une nouvelle fois la mauvaise gouvernance du journal". La SCPL en profite pour rappeler qu'elle réclame "en urgence" l'élection d'un directeur de la rédaction de plein droit, "en vertu des statuts de l'entreprise, réclamée depuis le 19 mars par 94% de l'équipe."
"Depuis jeudi, un scénario noir circule dans tous les ministères : Mediapart aurait en sa possession les preuves que Laurent Fabius détient un ou plusieurs comptes en Suisse, écrivait Libé dans son édition du 8 avril 2013. Et comme Edwy Plenel se répand partout que son site se prépare à révéler un 'scandale républicain', la rumeur s'emballe. Info, intox ? Nul ne sait." Dans l'éventualité où cette rumeur devait se vérifier, le quotidien pronostiquait la chute de "tout le gouvernement", "immédiatement". Le journal racontait notamment comment Fabrice Arfi, journaliste à Mediapart, a rencontré Laurent Fabius dimanche pour confronter ses informations avec le ministre.
Dans un tweet publié dès hier soir, Edwy Plenel affichait sa stupéfaction : "Libération perd la tête : il transforme en information une rumeur sur Fabius en prétendant démentir une non-information de Mediapart". Ce matin, le patron de Mediapart y revenait plus longuement sur son blog : "Après ne pas avoir accordé suffisamment de crédit aux informations documentées et recoupées de Mediapart sur le compte suisse de Jérôme Cahuzac, voici que (Libération) officialise et relaye une rumeur concernant Laurent Fabius, pour les mêmes faits (...) Nous ne l'évoquerions même pas si cette mise en scène, éloignée des règles les plus élémentaires du journalisme, ne s'abritait derrière la mention de Mediapart."