"Je prends au sérieux la mise au vote d'une motion de défiance". Telle est l'une des phrases marquantes d'une longue lettre de trois pages envoyée hier soir par Delphine Ernotte à ses salariés. Alors que les salariés de France Télévisions sont appelés aujourd'hui à voter ou non la défiance à l'encontre de leur présidente, cette dernière a tenté de renouer le dialogue avec eux, quelques jours seulement après une charge au bazooka d'Emmanuel Macron contre l'audiovisuel public.
Delphine Ernotte a ainsi commencé sa missive par une longue évocation laudative du travail des équipes de France Télévisions. Elle a tour à tour salué leur "énergie", leur "exigence" et leur capacité à "aller vers la modernité". Dressant un tableau idyllique des performances du groupe depuis deux ans, Delphine Ernotte a salué des audiences redressées, des "programmes remarqués qualitativement", une information réalisant "l'une de ses plus belles rentrées", une chaîne info "dynamique" mais aussi une "plateforme numérique battant des records".
Alors que la direction de l'information est justement l'épicentre de la grogne contre elle, Delphine Ernotte a ciblé plus particulièrement ses équipes. "Vous le savez, l'indépendance de notre offre d'information est l'une de nos plus grandes richesses et je m'en porterai garante", a notamment affirmé la boss de France Télé. Cette dernière a ensuite rappelé la nécessaire contribution de ce service aux économies imposées par le gouvernement. "Si l'information reste l'une des priorités du groupe, elle ne peut être exonérée des efforts d'économies que nous devons tous faire. Je prends au sérieux la mise au vote d'une motion de défiance. Elle témoigne d'une inquiétude réelle et d'une demande d'équité dans la répartition des efforts. Nous y serons vigilants et attentifs", a voulu convaincre Delphine Ernotte.
Si elle a donné des gages aux salariés, elle en a aussi donné à sa tutelle. Delphine Ernotte a ainsi profité de cette lettre pour envoyer plusieurs signaux à Emmanuel Macron, lui qui avait mené une charge publique d'une violence inédite contre l'audiovisuel public, qualifié de "honte pour nos concitoyens". Devant des députés de sa majorité, Emmanuel Macron avait notamment fustigé l'incapacité de celui-ci à séduire les jeunes et à les éduquer à la consommation des médias, tout en critiquant sa faiblesse sur le numérique, ce "continent sur lequel nos gamins sont en train de s'éduquer".
Message reçu cinq sur cinq par Delphine Ernotte. Malgré l'humiliation et plutôt qu'engager un bras de fer avec le président de la République, la patronne de France Télévisions a préféré jouer l'apaisement. "Nous devons entendre les critiques d'où qu'elles viennent. Nous devons être attentifs à la demande pressante qui nous est faite de bouger", a-t-elle estimé ainsi dans sa missive.
Rappelant malgré tout "l'attachement profond de nos concitoyens" à France Télévisions, Delphine Ernotte a ensuite semblé valider point par point l'analyse d'Emmanuel Macron, qu'il s'agisse du jeune public ou du numérique notamment. "L'appel à nous tourner vers la jeunesse est une nécessité. On ne peut pas pleinement se satisfaire d'une audience record, lorsque nous perdons des publics de moins de cinquante ans. Aucun d'entre nous ne souhaite que notre ambition éditoriale soit réservée aux plus âgés", a-t-elle estimé.
"Se tourner vers la jeunesse, c'est donner toute sa place à l'éducation. Alors que les écrans sont désormais partout, il est de notre responsabilité d'y rendre accessibles des contenus de qualité, ambitieux et exigeants. L'éducation aux médias est un champ entier dont nous nous sommes saisis mais qui doit prendre une toute autre ampleur", a estimé Delphine Ernotte. Et la présidente d'appeler de ses voeux une "transformation de la culture et du mode de fonctionnement de l'entreprise" impliquée par la "révolution numérique".
Cet exercice d'équilibriste de Delphine Ernotte parviendra-t-il à apaiser tout le monde comme cette lettre en a visiblement l'ambition ? Le résultat de la mise au vote de la motion de défiance cet après-midi constituera un premier élément de réponse.