Toujours soucieuse de "dédiaboliser" son parti et de le rendre plus respectable, Marine le Pen est partie en guerre contre le terme "extrême droite" qui qualifie la ligne politique du Front National. "Je m'élève contre la formulation d'extrême droite", a déclaré cette semaine la présidente du FN dans plusieurs médias, et notamment au micro de Jean-Michel Aphatie sur RTL. Elle estime que l'expression est "volontairement péjorative". "Dans le même sac, on met Breivik, Aube dorée, on secoue bien et on se dit qu'il y aura une bonne image bien crade", a-t-elle expliqué en menaçant d'attaquer en justice ceux qui utiliseront désormais ce qualificatif à son égard.
Cette bataille sémantique, et surtout les menaces claires de procès qui l'accompagnent, ont agité toute la fin de semaine le monde politique. Jean-Christophe Cambadélis, le député socialiste de Paris, a appelé les militants de son parti à répéter ce qualificatif. "Ne nous laissons pas intimider. Dites le haut et fort, oui elle est d'extrême droite !", a-t-il clamé dans une tribune publiée sur "Le Plus" du Nouvel Obs.
Le monde médiatique s'est également offusqué de voir sa liberté de parole et d'analyse menacée. Plusieurs journalistes politiques ont exprimé leur désaccord avec les menaces procédurières de la dirigeante politique. Sur France Inter, Patrick Cohen, a rappelé, archives à l'appui, hier matin que Jean-Marie Le Pen qualifiait lui-même ses idées d'extrêmes droite. "Poursuivre les journalistes pour le contenu de leurs analyses est déjà en soi un élément qui permet de qualifier un parti d'extrémiste", a perfidement analysée Thomas Legrand sur France Inter. Jean-Michel Aphatie a demandé à Marine Le Pen s'il allait être attaqué en justice mais elle a botté en touche.
Le journal Le Monde prend lui aussi part au débat. Dans son édition datée de demain, dans les kiosques depuis la mi-journée, le quotidien affirme à sa Une que : "Le Front national, parti d'extrême droite". Dans son édito, non signé comme le veut la tradition du journal, la rédaction écrit : "Par sa seule position sur l'échiquier politique français, autant que par ses idées et son projet, le Front national est, aujourd'hui comme hier, un mouvement d'extrême droite".
"Sa dénonciation du "système" et des élites, la préférence (ou priorité) nationale qu'elle veut imposer, la stigmatisation de l'immigration et de l'islam, la condamnation de l'Union européenne et du "mondialisme" font (du FN, ndlr) un parti réactionnaire", poursuit l'édito. "Un parti opposé aux principes républicains d'égalité, de fraternité et de liberté – en l'occurrence de liberté de la presse –, dès lors que Mme Le Pen prétend dicter à chacun son vocabulaire et ses analyses", conclut le billet après avoir rappelé la genèse de la création du parti par Jean-Marie Le Pen.