Pas sûr que les explications de Nicolas Demorand convainquent la rédaction et les lecteurs de Libération. Ce matin, le patron du journal s'explique après l'importante polémique qui a suivi la Une du quotidien sur la rumeur d'un compte en Suisse attribué à Laurent Fabius. Demorand assume, persiste et signe malgré la "faute déontologique grave" dénoncée dès hier par la société des personnels de Libé.
"Pour reconstituer la cartographie de ce qui ressemble à un mouvement de très grande nervosité au creux d'un week-end anodin, les journalistes de Libération ont travaillé collectivement. Constat partagé : l'affaire Cahuzac continue à distiller son poison qui prend désormais la forme, au sein du gouvernement et des cabinets ministériels, d'un 'à qui le tour ?' paniqué", écrit-il. La panique dans les couloirs des ministères justifierait donc, selon lui, le relai de cette rumeur dans la journal. La rumeur érigée en fait d'actualité, sur la foi d'une prétendue enquête menée par Mediapart sur le sujet. "Cette panique, fondée sur une rumeur, est un fait politique en soi", estime Demorand.
Cette rumeur, le grand public devait la connaître, elle ne devait pas être réservée à certains initiés, explique le journaliste. Persuadé que des confrères ont fait le même travail que lui : "Il y a fort à parier que, dans de nombreuses rédactions, le travail sur le parcours de ladite rumeur ait été fait. Que le nom du ministre en question ait été connu de tous les journalistes s'intéressant de près ou de loin à ces sujets (...) Nous aurions pu trouver des périphrases, brouiller les pistes en parlant d'un 'poids lourd du gouvernement' (...) Nous aurions pu aussi renvoyer hypocritement vers Internet ceux qui voulaient en savoir plus et connaissent de toutes façons déjà le chemin". Mais aucun autre journal, qui n'a pu vérifier cette rumeur, ne l'a relayée.
Libération voulait donc "partager" avec ses lecteurs "les informations en (sa) possession", même si elles étaient non vérifiées. "Comment une rumeur a pu devenir, l'espace d'un week-end, un motif d'affolement pour l'exécutif et, à ce titre, un fait politique majeur ? C'est la seule question à laquelle Libération entendait répondre dans son édition d'hier", plaide Demorand.