Avec les Panama Papers, c'était l'une des plus grosses affaires d'évasion fiscale. En 2013, le magazine "Cash Investigation" présenté par Elise Lucet sur France 2 avait révélé, par le biais de son journaliste Edouard Perrin, les accords entre PriceWaterhouseCoopers, une société d'audit du Luxembourg, et des entreprises étrangères. Plusieurs mois plus tard, le scandale LuxLeaks est né et a permis de mettre en lumière les rescrits fiscaux avantageux du Luxembourg, une pratique par laquelle une administration garantit à un contribuable, en l'espèce une multinationale, son taux d'imposition, fragilisant le nouveau président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker.
Après cette révélation, la justice luxembourgeoise a poursuivi le journaliste, Edouard Perrin, mais aussi deux anciens salariés de l'entreprise, dont Antoine Deltour le lanceur d'alerte du journaliste, qui ont aussi été mis en examen pour vol et violation du secret des affaires. A partir du 26 avril et pendant six jours, les trois prévenus seront jugés au Luxembourg sur l'affaire LuxLeaks. Le collectif "Informer n'est pas un délit", dont les journalistes de la société Premières Lignes qui produit "Cash Investigation", a écrit une lettre ouverte, que puremedias.com s'est procurée, au président de la République française, François Hollande, pour connaître sa position réelle sur "le secret des affaires" et les lanceurs d'alerte.
M. Hollande, de quel côté êtes-vous ?
Monsieur le Président de la République, Mardi 26 avril s'ouvre le procès LuxLeaks. Deux de vos concitoyens sont poursuivis par la justice luxembourgeoise pour avoir informé le monde entier des pratiques fiscales douteuses mises en oeuvre par le Grand Duché et permettant aux entreprises d'échapper à leur impôt, notamment en France. Un sujet qui vous est cher, puisque comme vous le déclariez en 2012, votre adversaire "c'est le monde de la finance".
Antoine Deltour est lanceur d'alerte. Edouard Perrin est journaliste. Sans eux, pas d'information. Sans leur courage, les dizaines de millions de lecteurs ou téléspectateurs de 80 médias ayant relayé et poursuivi les investigations dans plus de 26 pays via le consortium international des journalistes d'investigation ICIJ, n'auraient pu être informés.
La justice luxembourgeoise leur reproche de ne pas avoir respecté le "secret des affaires". Ce fameux "secret des affaires" qu'une majorité de parlementaires européens a choisi récemment d'ériger en principe à travers le vote d'une directive qui permettra de poursuivre systématiquement et massivement désormais tous les Antoine Deltour et Edouard Perrin de l'Union européenne.
A moins que la France et d'autres pays, via le Conseil des Etats membres ne bloquent dans les semaines qui viennent cette directive dangereuse. Mais encore faut-il avoir la volonté de défendre - avec sincérité - la liberté d'informer et le droit de savoir de 500 millions d'Européens.
Il y a deux semaines, le scandale "Panama Papers" s'affichait à la une de 109 publications dans le monde. Comme vous, nous étions choqués par ce vaste système d'optimisation fiscale des plus grandes compagnies qui ne jouent pas le jeu de la solidarité devant l'impôt.
A juste titre, vous affirmiez au lendemain de ces révélations d'une ampleur sans précédent : "Je remercie les lanceurs d'alerte, je remercie la presse qui s'est mobilisée (...) c'est grâce à un lanceur d'alerte que nous avons ces informations (...) ils prennent des risques, ils doivent être protégés".
Voilà pourquoi nous souhaiterions vous entendre dire la même chose à l'endroit d'Antoine Deltour et d'Edouard Perrin. Ils risquent de lourdes condamnations, et pourtant l'ensemble de notre société leur doit beaucoup.
Ni vous, ni aucun membre de l'exécutif français ou européen n'a encore affirmé son soutien à nos courageux concitoyens. Comment rester silencieux plus longtemps? Il est temps de se prononcer.
Le Collectif "Informer n'est pas un délit"