Nouvelle aventure pour Robert Pirès. Dans le documentaire "Face à face : Une histoire de champions", diffusé ce dimanche 19 mars à 21h10 sur Canal+, le champion du monde 1998 est parti en immersion aux Saisies, une station française, avec Martin Fourcade. Pendant une semaine, le footballeur qui n'avait jamais mis les pieds au ski de sa vie a découvert le biathlon, s'est entraîné à skier et a tiré à la carabine. Objectif : battre le sportif le plus titré aux Jeux Olympiques sur sa propre discipline. Mais aussi partager une aventure humaine hors du commun. Pour puremedias.com, Robert Pirès revient sur cette aventure unique.
Propos recueillis par Benjamin Rabier
puremedias.com : Qu'est-ce qui vous a poussé à accepter de participer à ce documentaire ?
Robert Pirès : Le format et le défi. Je suis un compétiteur, je veux toujours gagner. J'ai accepté parce que ça me permettait de faire autre chose et de me frotter à une autre discipline qui est le ski de fond. Je voulais savoir si en partant de zéro, j'étais capable de surmonter cette épreuve et de provoquer, entre guillemets, Martin Fourcade dans sa discipline. Et chez lui. C'était hyper excitant et motivant pour moi.
Vos abonnés sur les réseaux sociaux le savent, vous êtes plus plage que séjour au ski : comment avez-vous vécu ce tournage ?
(il éclate de rire). C'est sûr que si je dois choisir entre la plage et la montagne, je n'hésite pas une seconde. La montagne n'est pas mon univers. Le ski alpin et de fond encore moins. Je n'avais jamais fait de ski de ma vie. J'avais un peu peur au début.
Quel était votre niveau de ski avant ce tournage ?
Zéro. Quand j'étais joueur professionnel, contractuellement, je n'avais pas le droit de faire du ski, de la moto ou du parachute par exemple. Quand la production m'a appelé, je l'ai immédiatement prévenue... d'où ma crainte parce que je ne savais pas où je mettais les pieds. J'avais déjà regardé à la télévision des épreuves de biathlon notamment grâce à Martin mais ce n'est pas la même chose sur le terrain.
"On a beaucoup travaillé, enfin surtout moi. J'espère que Martin ne s'est pas trop fait chier"
Comment vous êtes-vous préparé ?
Fin décembre, deux jours avant le tournage, je suis parti dans la station avec un professeur. Il m'a montré les bases et les gestes à adopter. Je ne vous le cache pas, au début, c'était délicat (il rigole). À ce moment-là, je me suis réellement demandé pourquoi j'avais accepté ce défi.
Vous avez passé 5 jours avec Martin Fourcade. Que vous a-t-il appris ?
Le positionnement. Avoir un balancier entre le côté gauche et le côté droit parce qu'on a toujours un coté plus fort que l'autre. Je n'avais pas la coordination entre les jambes et les bras. On a beaucoup travaillé, enfin surtout moi. J'espère que Martin ne s'est pas trop fait chier. Je l'ai écouté, il m'a montré ce qu'il fallait faire. J'ai essayé de mémoriser tout ce qu'il m'avait dit mais honnêtement ce n'est pas facile quand on part de zéro.
Comment avez-vous vécu cette expérience à ses côtés ?
À part le voir à la télé, je ne le connaissais pas. C'est lui qui m'a fait découvrir le biathlon. On a passé 5 jours ensemble hyper fluide, ça c'est super bien passé.
L'émission laisse la part belle à vos échanges personnels. Est-ce plus simple pour vous de vous confier à un autre sportif plutôt qu'à un journaliste ?
Je pense que nous les sportifs, quand on est face à un autre sportif, on est plus à l'aise. Bien évidemment, il y a les caméras, on sait que c'est filmé, que les gens vont analyser et critiquer ce qu'on va dire. Mais ce n'est pas grave, ça fait partie du jeu. Je pense que les gens veulent voir et apprendre des choses qu'on ne dit jamais en interview avec la presse. Et c'est ce que montre ce documentaire. Cette rencontre montre que derrière les champions, il y a du travail. Qu'avant le succès, on a galéré et on s'est battus.
Vous évoquez aussi les différences de traitement entre les footballeurs et les autres athlètes. Ça vous a surpris ?
Non, parce que je sais que le football est un monde à part. Aucun autre sport, à part chez les Américains, ne peut rivaliser avec le football. Je le savais. Par contre, lui ne savait pas comment était le milieu du football et tout l'argent qu'il pouvait y avoir. J'ai découvert des choses sur le biathlon et lui sur le football. C'était hyper intéressant.
"Les médias ont été très importants pour moi après la fin de ma carrière de footballeur"
En tant que champion du monde 98, vous avez une aura particulière en France. Est-ce que les médias vous sollicitent beaucoup ?
Pas tant que ça. La chance que j'ai, c'est qu'aujourd'hui je suis consultant pour Canal+. J'ai une certaine visibilité. Je ne suis pas parti dans les oubliettes et les gens me voient encore. Je crois que les gens sont encore nostalgiques par rapport à ce qu'on a fait en 1998 et en 2000.
Vous dites dans le documentaire que les médias vous ont aidé à mieux digérer la fin de votre carrière de sportif. En quoi ?
Ça m'a aidé parce que quand j'ai décidé d'arrêter, BeIN Sport m'a approché directement, dès le lancement de la chaîne. Ça n'a pas été facile parce que c'est un nouveau métier. Il faut être à l'aise devant la caméra, surtout quand c'est en direct et moi j'étais là pour apprendre. Depuis 2012, je suis dans les médias. J'ai encore une certaine visibilité, ça me permet de faire ce programme-là par exemple. Les médias ont été très importants pour moi après la fin de ma carrière de footballeur.
La visibilité, est-ce toujours important pour vous ?
Je ne cours pas après la visibilité. Pour moi, c'est du bonus. Aujourd'hui, je pense que je plais à Canal+ et ça me fait très plaisir. Je suis content d'être sur les plateaux pour parler de la Premier League et la Champion's League. Ma visibilité actuelle me convient.
Vous avez testé les jobs de commentateurs et de consultant sportif. Lequel préférez-vous ?
Être en plateau parce qu'on a beaucoup plus de temps pour expliquer les choses. On a des images du match, des actions et des commentaires d'après rencontre des joueurs. On a le temps de réagir et de rebondir par rapport à ce qu'on a vu. En commentateur, j'en ai fait l'expérience, par exemple avec M6, ça ne s'est pas très bien passé. C'est un autre exercice. Je n'étais peut-être pas assez préparé pour ça. Peut-être aussi parce que ça concernait l'équipe de France. Je connaissais la plupart des joueurs et Didier (Deschamps). Pour moi, ça a été compliqué de critiquer. De toute façon, je n'aime pas la critique. Je ne suis pas dans cette nature-là. J'ai l'impression que la plupart des gens n'attendent que ça et c'est pour ça que j'en ai pris plein la gueule. Mais ce n'est pas grave, quand j'étais joueur, on m'a critiqué aussi. Ça ne me dérange pas.
Y a-t-il une différence entre être consultant sur Canal+ et sur M6 ?
Certainement oui. Je remercie M6 d'être venue me chercher, ça a été une bonne expérience. Je me suis aperçu que parfois, on parlait à des gens qui ne comprenaient pas le football et qui ne regardaient le football que lorsqu'il y a de grands événements. Sur Canal+, c'est plus précis. Les téléspectateurs de Canal connaissent le football, le rugby et la formule 1. Ils sont vraiment spécialisés dans le sport.
"Aujourd'hui, 'Les Yeux dans les Bleux' ne pourrait plus exister car ce serait trop contrôlé, trop scénarisé"
Aujourd'hui, la communication entre les médias et les footballeurs est devenue compliquée. Comment l'expliquez-vous ?
Les choses évoluent, le football aussi. Ce qui est sûr, c'est que le foot d'aujourd'hui n'est plus le même qu'à mon époque. Je pense que les joueurs d'aujourd'hui préfèrent se protéger par rapport aux médias. Ça se voit. Désormais, quand vous regardez un match, vous voyez certains joueurs parler avec la main sur la bouche. Rien que ça, ça prouve que les joueurs ont peur de faire une sortie.
Un nouveau "Les Yeux dans Les Bleus", ce serait possible aujourd'hui ?
Non, je ne pense pas. A l'époque, c'était hyper naturel de notre part. Aujourd'hui ça ne pourrait plus exister car ce serait trop contrôlé et trop scénarisé. Après, moi, ça ne me dérange pas, ça fait partie de l'évolution de ce sport. C'est à nous de nous adapter à ce nouveau mode de communication des joueurs. Enfin, surtout à vous, les médias (il éclate de rire). Je ne m'en cache pas, j'ai des relations privilégiées avec les joueurs, Didier Deschamps et les anciens de 98/2000.
Depuis 1998, vous êtes associé à la phrase d'Aimée Jacquet, "Muscle ton jeu Robert". N'êtes-vous pas trop lassé qu'on vous en parle toujours 25 ans plus tard ?
Pas du tout. Pourquoi ça me dérangerait ? Quand "Les yeux dans les Bleus" sort, jamais je n'aurais pensé que les gens auraient retenu cette phrase. Encore aujourd'hui, les gens que je croise dans la rue me posent la question : "Alors Robert, est-ce que vous avez musclé votre jeu ?". Et je réponds toujours : "Non, parce que c'était dans ma nature d'être 'gentil'. Je ne voulais pas faire de faute". C'est devenu une phrase culte de l'équipe de France et encore aujourd'hui j'en rigole quand on me pose la question. C'est marrant.
Vous n'avez jamais pensé à déposer la marque ?
A l'époque si. Mais ça a été fait avant moi. Quelqu'un avait déjà déposé la marque. Ce n'est pas très grave.
Pourquoi pensez-vous que les Français sont nostalgiques de France 1998 ?
Je crois que ça a une saveur particulière quand c'est la première fois. Et en plus, c'était en France. C'était la finale rêvée face au Brésil qui était tenant du titre. Le concept de la première fois fait que les gens n'ont jamais oublié tout ce qu'il s'est passé en 1998.