Pourquoi a-t-il quitté Canal+ ? C'est la question qui était posée à Rodolphe Belmer ce jeudi 8 février 2024 par les députés. Le PDG de TF1 était auditionné sous serment dans le cadre de la commission d'enquête sur l'attribution des fréquences de la télévision numérique terrestre (TNT). Le renouvellement des autorisations de 15 fréquences doit être acté pour 2025. Parmi celles-ci : celles de Canal+, C8 et CNews, toutes faisant partie du groupe de Vincent Bolloré. En 2015, le patron de la Une avait quitté le groupe Canal+, dont il était le directeur général. "Le principal élément de désaccord à l'époque concernait ce que je considérais être du micromanagement de M. Bolloré" a-t-il répondu au député LFI Aurélien Saintoul, rapporteur de cette commission.
"Si je ne peux pas endosser ma responsabilité sociale, économique, vis-à-vis de mes salariés, je choisis de faire autre chose", a-t-il ajouté, avant d'assurer que le milliardaire breton intervenait sur les contenus et les choix éditoriaux des chaînes du groupe. "La personne qui est responsable des contenus dans un groupe audiovisuel, selon la loi, et qui est responsable socialement, c'est le directeur de la publication. Donc si je fais ce métier-là, c'est moi qui choisis les contenus. Si je considère que quelqu'un veut le faire à ma place, ce n'est plus moi qui suis responsable de la publication et je vais faire autre chose", a-t-il expliqué. "Tant que j'ai été en charge, globalement j'assume tous les programmes diffusés" a-t-il ajouté.
Même discours du côté de du DGA contenus de TF1, Ara Aprikian, ancien directeur général adjoint du groupe Canal+, également interrogé par par les députés sur son départ, acté la même année : "Un mois après le départ de Rodolphe Belmer, j'ai fait valoir les mêmes réticences. Les mêmes choses entraînant les mêmes effets, j'ai quitté le groupe Canal+" a-t-il simplement confié. À l'époque, il était patron de l'offre en clair du groupe, appelées alors D8, D17 et iTélé. Si D8 se portait bien, iTélé, depuis transformée en CNews, n'arrivait pas à rattraper les audiences de son rival, BFMTV.
En 2014, Vincent Bolloré avait pris la tête du conseil de surveillance de Vivendi, dont il est l'actionnaire principal, Vivendi détenant les fréquences de Canal+. Le départ de Rodolphe Belmer, considéré à l'époque comme un licenciement, avait marqué un tournant pour la chaîne, considérée sous le contrôle de l'homme d'affaires, dont les positionnements conservateurs et très à droite sont largement controversés. C'est l'adjoint de Rodolphe Belmer, Maxime Saada, qui l'a remplacé au pied levé. Vu comme "l'homme de main" du milliardaire breton, ce dernier a été nommé vice-président de Lagardère après le rachat de ce dernier par Vivendi.
Outre Rodolphe Belmer et Ara Aprikian, Thierry Thuillier, DGA information TF1, Fabien Namias, DGA de LCI, et Bastien Morassi, directeur de la rédaction de LCI, étaient également interrogés par la commission parlementaire. Trois chaînes du groupe TF1 sont parmi celles dont les autorisations arrivent à échéance : TMC, TFX et LCI. L'Arcom lancera un appel à candidatures à la fin du mois de février, et selon Rodolphe Belmer, le groupe TF1 va postuler pour le renouvellement de ses trois fréquences.
Présidée par un député de la majorité présidentielle, Quentin Bataillon (Renaissance), cette commission d'enquête, porte également sur "le respect des engagements pris par ces services de télévision", avait déjà reçu plusieurs des acteurs institutionnels et des chercheurs avant les directeurs des chaînes. Le milliardaire Xavier Niel , dont le projet de reprise de la fréquence de M6 avait été refusé par l'Arcom en février 2023, devrait également être auditionné. Même chose pour l'animateur de "TPMP" Cyril Hanouna, a assuré le député LFI Aurélien Saintoul fin janvier. Les auditions devraient s'achever fin mars, tandis que la commission d'enquête doit publier son rapport le 8 mai prochain.