Après avoir déclaré la guerre aux selfies, Thierry Frémaux, le délégué général du festival de Cannes, se désole de la virulence des critiques qu'il a pu lire cette année sur plusieurs des films de la compétition, et notamment sur celui de Gus Van Sant. Il s'agace plus particulièrement des avis tranchés que les festivaliers publient sur Twitter en sortant des projections.
"C'était le premier vrai festival Twitter où chacun décide de dire ce qui lui passe par la tête. Cela crée une course contre la montre permanente entre les journalistes et ces néocritiques amateurs. Faire de la critique, c'est exercer et poser une pensée, ça ne se résume pas à 140 signes écrits à la fin du générique", regrette le sélectionneur en chef, dans une interview accordée au Film Français au cours de laquelle il fait le bilan d'une édition 2015 marquée par le sacre du cinéma français. Sévère, il estime qu'à Cannes, il n'est "pas sûr que les réseaux sociaux fassent du bien à l'esprit général".
Thierry Frémaux semble en colère contre les critiques de cinéma. "L'attitude de certains journaux autrefois supporters du festival est étonnante. Pierre Lescure, qui vient du journalisme, était sidéré. Le degré de fantasme que Cannes suscite n'autorise pas à écrire n'importe quoi. Sur internet, un article est jugé sur son nombre de clics, la civilisation progresse ! (...) Cette surexcitation permanente crée des dommages. Et les écarts de jugements entre la presse française et la presse étrangère sont parfois hallucinants", ajoute-il.
Enfin, le patron du festival déplore "qu'on ne parle pas assez de cinéma" et trop des coulisses de la manifestation ou de ses sponsors. "Ce qu'écrivent certains journaux sur le festival n'arrange pas son image. (...) Le bling-bling, c'est une certaine presse qui le crée. Nous, on n'a rien changé, on s'occupe de cinéma, on accueille des artistes et on a bien assez à faire comme ça. Je n'ai pas vu 'Le Parisien' ni aucun journal nous soutenir contre les selfies sur les marches qui pourtant contribuent à polluer l'image du Festival. Là‑dessus, plutôt que d'enquêter sur ce phénomène planétaire qu'est l'enlaidissement égocentrique numérisé, 'Le Monde' et 'Le Journal du Dimanche', truffés de publicités, préfèrent attaquer l'institution sur une supposée domination des marques, alors que les numéros spéciaux gorgés de pub, les 'Grazia' et les 'Gala Croisette', se multiplient sous nos yeux", ajoute Thierry Frémaux.