Certaines vérités doivent-elles rester cachées sous le tapis rouge qui mène au Palais des festivals ? Alors que s'ouvre aujourd'hui la 75e édition du festival de Cannes, cette réflexion a été lancée par le site américain "Deadline", qui a joué la carte de la transparence auprès de ses lecteurs en relatant son amère expérience avec le directeur général du festival, Thierry Frémaux.
"Non seulement, le festival exige de relire les articles pour accorder des interviews avec Frémaux - quelque chose qu'aucun autre festival ou aucune autre organisation n'a encore demandé à 'Deadline' - mais après avoir promis de ne faire aucune modification, des réponses sensibles de Frémaux sur la diversité et sur les réalisateurs controversés ont été enlevés", déplore le titre américain.
Pourtant, à en croire Andreas Wiseman, qui signe cet article, l'entretien avec Thierry Frémaux, qui a eu lieu le mois dernier, s'est bien déroulé. Ce n'est qu'après cette rencontre que le service presse du festival de Cannes a formulé un certain nombre d'exigences, à commencer par la relecture, sous prétexte de vérifier que les propos avaient été correctement retranscrits. "Mais ce prétexte s'est avéré faux", déplore Andreas Wiseman, qui cite parmi les passages censurés par le service presse, une question portant sur le controversé Roman Polanski.
"Frémaux a estimé que notre question était très intéressante et a donné une réponse nuancée, approfondie mais aussi potentiellement problématique, dans laquelle il a souligné que les lois en France n'ont pas changé depuis que Polanski a remporté la Palme d'Or, sous-entendant qu'il n'y aurait pas de problème éthique à accueillir le metteur en scène", résume "Deadline", qui souligne qu'une réponse portant sur le manque de femmes réalisatrices a elle aussi été passée à la trappe par le service de presse.
Le site américain a donc décidé de ne pas publier l'interview. Entre autres griefs, le service presse du festival de Cannes lui a reproché de vouloir faire du "piège à clics" et du journalisme trash. "Deadline" déplore de son côté que ce genre de censure préventive ne provoque pas plus d'émoi au sein de la profession. "Mais dans une compétition féroce pour obtenir des accès, des priorités peuvent passer au second plan", grince le journaliste de "Deadline".
Et de citer non sans malice des propos tenus sept ans plus tôt par Thierry Frémaux, à propos du Festival international du film de Busan qui avait été censuré par les autorités locales en Corée : "Un grand festival est un festival libre". "Deadline" rappelle qu'il avait même ajouté que "la liberté d'expression" est primordiale pour en garantir la grandeur. "Le même principe est valable pour la presse", conclut le site.