Dans la morosité ambiante à France Télévisions, France 3 va mieux. Beaucoup mieux même. Portée par Thierry Langlois, directeur des programmes et de l'antenne, la chaîne publique s'est forgé une identité. Les choix faits il y a plusieurs mois payent aujourd'hui, avec 9,5% de part de marché en octobre, soit la meilleure progression des historiques. Entretien avec son patron.
Propos recueillis par Julien Bellver.
puremedias.com : France 3 enregistrait en octobre la meilleure progression des chaînes historiques. La tendance se confirme en novembre ?
Thierry Langlois : Oui, cela semble se confirmer puisque nous sommes ces 4 dernières semaines à 9,7% de parts d'audience. La semaine dernière, nous étions exactement au même niveau que M6, cela faisait très longtemps que cela n'était pas arrivé. Mon objectif était de finir l'année à 9,5%, on y est et on y sera ! Ce qui m'intéresse, c'est d'avoir le résultat le plus constant possible, sans variations énormes d'une semaine à l'autre. On travaille pour cela "l'équilibre des semaines". Quand on programme un documentaire en prime, "La France en face" le lundi, on sait qu'il va être difficile en termes de résultats. Mais on doit le faire car ça répond à notre mission de service public. Dans la même semaine, on doit donc avoir "L'escalier de fer" pour rééquilibrer et permettre à France 3 d'être à un niveau satisfaisant.
Quels sont vos motifs de satisfaction en cette rentrée ?
Globalement, on est dans une bonne spirale. Le premier motif de satisfaction, c'est le renforcement du fond de grille auquel nous nous étions attelés la saison dernière et qui porte ses fruits, avec le repositionnement de "Midi en France" ou "Météo à la carte", parti de 2,2% et à 6% la semaine dernière. C'est une tranche historiquement difficile pour nous, on a réalisé une pointe à 1 million, on sent qu'il se passe quelque chose. Sur la fiction aussi, le bilan est très bon. On prépare de nouvelles séries, dont l'une sur les généalogistes, nom de code "Origine", une sur la botanique ou encore une adaptation de la collection des Mary Higgins Clark.
Sur "Météo à la carte", les conditions climatiques inhabituelles ces dernières semaines permettent-elles à elles seules d'expliquer la progression de l'audience ?
Non, ce serait compliqué dans ce cadre d'envisager ce type de magazine à l'année. Mais pour lui permettre de passer des paliers, les variations de la météo sont importantes, à ces occasions les téléspectateurs viennent plus nombreux. C'est à nous d'être bons pour qu'ils reviennent.
Personne n'y croyait, à ce magazine...
Nous étions assez convaincus qu'on pouvait proposer une émission quasi-quotidienne de 45 minutes sur ce sujet. On est bien sûr sur la problématique de la météo mais aussi ses conséquences sur le quotidien des gens, c'est pratique et concernant pour les téléspectateurs. On travaille pour avoir une qualification régionale de nos programmes nationaux, c'est notre mission. Le recentrage France de "Thalassa" est aussi payant par exemple. Sur "Midi en France" aussi, les résultats se sont inversés la saison dernière sur le premier semestre et se confirment en cette rentrée.
Le fond de grille, avec le bloc jeux, progresse bien aussi.
Oui, la semaine dernière, "Harry" et "Slam" ont battu leurs records, avec 1 million de téléspectateurs (11,2% de PDA) pour Sébastien Folin et 1,8 million de téléspectateurs (15,4%) pour Cyril Féraud. On a aussi un effet d'entraînement sur "Questions pour un champion", qui progresse à 14,8%. Sur les jeux, on a énormément travaillé, notamment sur les mécaniques. Sur l'ensemble de la tranche, du bloc jeux à "Plus belle la vie", France 3 est en deuxième position des chaînes.
Comment se comportent le 12/13 et le 19/20 dans un contexte hyper-concurrentiel ?
Dans les études qualitatives, le bloc 12/13 avec "Midi en France" est perçu comme une offre cohérente. Sur le 19/20, les performances sont aussi bonnes, avec 1 point de plus sur l'édition régionale (19%) par rapport à l'année dernière, et une quasi-stabilité à 17% sur l'édition nationale. Sur "Le Grand Soir 3", on a une marge de progression, on travaille la formule chaque jour. L'audience est très variable, elle dépend de la puissance du programme qui précède mais aussi du carrefour des sorties de prime de la concurrence.
Ce soir, c'est le deuxième prime des "Carnets de Julie", le premier avait réuni 2,3 millions de téléspectateurs soit 8,8%. Vous vous attendiez à mieux en raison du succès le samedi ?
On s'attend toujours à mieux mais on pense que c'est un programme qui en a encore sous le pied ! Je suis très confiant, le magazine n'a cessé de progresser le samedi. Sur la même case, avec le prime sur Roissy, on commence à avoir des résultats. C'est une case en reconstruction, notre prime le plus compliqué. Chaque semaine, on remet notre titre en jeu avec des programmes différents. On essaye de travailler une cohérence de case autour de thématiques sociétales. La fourchette visée le lundi est entre 2 et 2,5 millions.
Le chantier est bientôt fini ?
Cette cohérence de case, il ne suffit pas de la décréter, il faut la construire. Et elle est encore en construction. On fera le bilan à la fin de la saison !
L'offre musique du dimanche, avec "Les Chansons d'abord", ne fait pas beaucoup mieux que "Chabada" et l'émission est en deçà de la clause d'audience fixée en décembre dernier à Daniela Lumbroso (9%).
C'était décevant ce dimanche, on a fait 7,6%. Mais nous sommes à 8,5% en moyenne depuis la rentrée et "Chabada" était à 8,4%. L'émission correspond à notre cahier des charges, avec une dimension patrimoniale et intergénérationelle. Natasha St-Pier doit se libérer du prompteur, apporter sa personnalité, sa fraîcheur et sa connaissance des artistes.
Bruno Patino, numéro deux de France Télévisions, parle de vous comme de l'un des meilleurs programmateurs de la télévision, un espèce d'horloger du PAF, cela vous convient comme description ?
C'est gentil, ça me va bien. Je dois avoir la double casquette, l'antenne et les programmes. Nous avons une équipe qui fonctionne bien, on travaille ensemble, le positionnement de la chaîne est clair. Tout ça nous aide.
En face, la grande soeur France 2 ne connaît pas la même stabilité. Quand une chaîne du groupe sort la tête de l'eau, les autres replongent, c'est le destin cruel de France Télévisions... ?
Les résultats ces dernières semaines de la Deux sont plutôt mieux. Ce n'est pas une bonne nouvelle quand une chaîne du groupe traverse quelques difficultés, ce n'est pas bon pour le groupe en général, victime d'un certain bashing ces derniers mois. Je ne me sens pas épargné. Thierry Thuillier a toutes les qualités pour relever le défi à France 2, je l'aiderai et on l'aidera s'il le souhaite.
France 3 a-t-elle enfin retrouvé son identité ?
Il faut revenir au début. Que veut-on faire de cette chaîne ? De ce point de vue, on a un discours clair : une chaîne nationale à vocation régionale de service public. Pourquoi nous avions baissé ? On avait perdu le coeur de cible, les plus de 50 ans ! Or, dès mon arrivée, on a essayé d'inverser la tendance et d'endiguer cette baisse. Moi, je n'ai aucun problème avec la cible des plus de 50 ans, qui est majoritaire quelle que soit la tranche horaire de la télévision. Il faut être pragmatique ! La difficulté, quand on se lance dans une politique de rajeunissement, c'est de perdre le coeur de cible sans nécessairement toucher la cible visée. Le rajeunissement se traduit souvent par un grand coup de barre dans un sens ou dans l'autre avec une perte des fidèles.