"Le spectre de la bande FN". C'est le titre de la Une de "Libération", datée de mercredi, qui a fait réagir sur les réseaux sociaux. Dans un dossier de quatre pages, le quotidien revient sur la grève déclenchée à Europe 1 vendredi dernier pour protester contre la mise à pied d'un journaliste de la station du groupe Lagardère et contre le changement de ligne éditoriale qui se profile avec le rapprochement annoncé avec CNews. La Une montre d'ailleurs la bonnette du micro d'Europe 1 en partie recouverte par celle du micro de CNews.
Cette référence explicite au Rassemblement national et à l'absorption d'Europe 1 par la chaîne d'information en continu détenue par Vincent Bolloré n'a pas été du goût des salariés du canal 16, à commencer par celle de Pascal Praud qui, ce matin, dans un édito solennel, a vitupéré le traitement choisi par "Libération". "Le journal 'Libération' est à la presse française ce que le Titanic est à la navigation de plaisance", a-t-il estimé en substance, en tirant quelques cartouches contre la journaliste de France Inter Sonia Devillers, qui a consacré sa chronique de mardi au cas de Laurence Ferrari, future recrue star de la station au logo bleu.
Sur Twitter, Laurence Ferrari s'est d'ailleurs exprimé en ces termes mardi soir : "Nous sommes une rédaction qui ne mérite ni insultes, ni amalgames de bas étage. Chaque journaliste de CNews a le droit au respect pour son travail, souvent rendu difficile sur le terrain par ce type d'invectives gratuites. Stop à la caricature". Son confrère et présentateur de la matinale de la chaîne du groupe Canal+ Romain Desarbres a fustigé de son côté le "mépris" de "Libération.
Dans un article publié en début d'après-midi sur son site, "Libération" a tenu à s'expliquer sur son choix éditorial. "Il en va souvent des Unes comme des dessins de presse. C'est aux cris d'orfraie qu'elles déclenchent que l'on sait qu'on a tapé dans le mille", peut-on lire en introduction sous la plume de Benjamin Delille. Qui souligne : "Vincent Bolloré, le très droitier milliardaire, ne fait pas mystère de sa volonté de mettre la main sur la station du groupe Lagardère pour associer sa voix devenue faiblarde à celle tonitruante de sa chaîne CNews".
Le quotidien estime que sa Une a pâti de mauvaises interprétations : "Loin de nous l'idée d'assimiler chaque journaliste de la chaîne à un militant d'extrême droite, l'idée de la Une était justement de mettre en lumière la lutte d'une rédaction, Europe 1, qui refuse de devenir un média d'opinion, comme CNews. Au travers de leurs réactions mercredi, ce choix éditorial de la chaîne se voit d'ailleurs totalement assumé par ses pontes qui se mobilisent dès qu'un début de critique s'adresse à leur patron".
Quant à Pascal Praud, qui a affirmé que les journalistes de "Libération" étaient ses "meilleurs attachés de presse", le titre de gauche ne lui donne pas tort sur ce point. Mais regrette que l'homme fort de CNews ne soit resté qu'à la surface des choses. "On aurait bien aimé quand même que, avant de signer son édito, la star de 'LHeure des pros' feuillette notre gros dossier sur le fond. Il aurait pu en faire une critique un poil plus constructive".