Le feuilleton de la fiscalité de la presse en ligne continue. Rappelez-vous, à l'hiver dernier, le débat sur cette question avait été relancé avec force par "Médiapart". Edwy Plenel avait ainsi protesté en décembre dernier contre un redressement fiscal lancé par les services fiscaux qui reprochaient à son journal de ne pas s'être acquitté du bon taux de TVA depuis plusieurs années.
Le journal d'investigation avait en fait délibérément et publiquement choisi de payer de lui-même le taux de TVA super-réduit dont bénéficie la presse papier soit 2,1% alors qu'en tant qu'éditeurs en ligne, il devait en théorie s'acquitter d'une TVA à 19,6%. Mais ce taux légal était jugé discriminatoire par "Médiapart" tout comme d'autres pure players. Après avoir plaidé sa cause auprès des parlementaires, Edwy Plenel avait finalement obtenu en février l'alignement du taux de TVA des pure players sur celui de la presse papier via une proposition de loi du groupe socialiste adoptée à l'issue d'une procédure accélérée. Les députés s'étaient dits alors soucieux de mettre fin à "une inégalité de traitement" entre les supports papier et web et d'accompagner une "révolution" médiatique.
Certains députés avaient cependant souligné à juste titre à l'époque le risque que la France se retrouve exposée à un contentieux européen pour non-respect des règles sur la TVA. Avec cette nouvelle réglementation, la France se mettait en effet ouvertement en contradiction avec les règles européennes, la presse en ligne ne figurant pas sur la liste des taux réduits de TVA autorisés par l'UE.
Comme on pouvait donc s'y attendre, les institutions européennes ont réagi. Les Echos ont ainsi révélé hier que la Commission européenne avait formellement envoyé à la France jeudi une lettre de mise en demeure pour contester le taux de TVA super-réduit accordé à la presse en ligne. Le quotidien économique a au passage rappelé que "cette procédure d'infraction peut théoriquement mener le gouvernement hexagonal devant la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE), avec à la clé une forte amende". Le gouvernement français a désormais jusqu'à septembre pour répondre à la Commission, qui sera ensuite libre de poursuivre ou non la bataille juridique.
Pour inscrire la presse en ligne sur la liste des taux réduits de TVA autorisés par l'UE, la France devra en tout cas présenter une demande en ce sens, qui devra ensuite être transformée en proposition par la Commission. Les 28 Etats membres devront ensuite l'adopter à l'unanimité. Un processus qui risque de prendre plusieurs années à l'image du temps pris pour l'abaissement de la TVA sur la restauration par le passé.