Le FN premier parti de France aux élections européennes. L'information ne manque pas de susciter débats et polémiques depuis hier soir. Parmi les mis en cause réguliers de cette forte poussée du Front national, la classe politique bien sûr, mais aussi les médias. Comme au lendemain du 21 avril 2002, ces derniers sont depuis hier la cible de nombreuses critiques pour leur traitement ou absence de traitement de cette élection mais aussi de l'actualité en général.
Invités ce matin de Jean-Pierre Elkabbach sur Europe 1, l'UMP Henri Guaino et le Premier secrétaire du parti socialiste Jean-Christophe Cambadélis ont clairement pointé du doigt le rôle des médias dans le résultat d'hier soir. Interrogé sur l'éventuelle trop faible mobilisation des autres partis politiques pour ces élections européennes, Jean-Christophe Cambadélis a préféré renvoyer la balle du côté de la presse. "J'adore ce débat. Quand est-ce que les médias se sont tournés vers ces élections européennes ? Après le résultat des municipales, après le débat sur la question des plans d'économies de Manuel Valls, après une journée invraisemblable sur Kerviel. Bref, on s'est tourné vers l'élections européennes que 10 jours, 8 jours avant... Voilà".
Une mise en cause relayée immédiatement par Henri Guaino. "Tout le monde a sa responsabilité. La classe politique en a une écrasante mais la classe médiatique aussi" a-t-il lancé à Jean-Pierre Elkabbach. "Où sont les espaces pour débattre, pour mettre des idées sur la table, pour discuter des idées nouvelles, des idées neuves, pour transgresser un peu la pensée unique et les orthodoxies ?" a ensuite interrogé l'ancien conseiller de Nicolas Sarkozy. "En réalité nulle part. Et qui passe son temps à nourrir le 'Tous pourris' ? Alors il y a des partis protestataires qui en font leur fonds de commerce mais il y a les médias. Tout le monde joue avec le feu et tout le monde va finir par se brûler !" a-t-il lâché à un Jean-Pierre Elkabbach qui a estimé que cette mise en cause des médias était "facile".
Mais les responsables politiques ne sont pas les seuls à les prendre pour cibles. Certains journalistes eux-mêmes le font à l'image de Jean Quatremer, spécialiste des questions européennes pour "Libération". Dans son viseur, France Télévisions et David Pujadas, accusés d'avoir "servi la soupe" au Front national. Dès hier soir, il a ainsi publié ce tweet accusateur :
Il va falloir s'intéresser à la responsabilité de France Télévision qui a servi la soupe au FN. Merci @davidpujadas #PE2014
- Jean Quatremer (@quatremer) 25 Mai 2014
Rappelons que ce journaliste avait déjà vivement critiqué le groupe audiovisuel public lorsque ce dernier avait accepté pour un "Des paroles et des actes" spécial Marine Le Pen de ne pas recevoir Martin Schulz à la demande de la leader frontiste.
Invité ce matin de la matinale de France Culture, Jean Quatremer a réitéré sa critique contre France Télévisions, seul groupe audiovisuel historique pourtant à avoir consacré plusieurs prime time aux élections européennes. Il a cependant élargi ses attaques à l'ensemble des médias, les accusant d'avoir donné la parole au FN. "On est le seul pays en Europe où l'on n'a pas entouré notre parti d'extrême droite par un cordon sanitaire. Les médias, dès 1983, ont traité le Front national comme étant un parti du champ démocratique. On a invité Marine Le Pen dans tous les médias audiovisuels comme si c'était normal. Jean-Marie Le Pen la même chose" a-t-il reproché. Avant d'attaquer de nouveau "Des paroles et des actes" sur France 2 : "Là, on fait la comptabilité de 'Des paroles et des actes' sur France 2. Vous savez combien de fois Marine Le Pen a été invitée sur l'émission de David Pujadas ? Elle a été invitée sept fois. François Hollande, six fois. Jean-Luc Mélenchon, six fois. Je pense que ça pose un vrai problème démocratique" .
"Vous n'allez pas nous faire le coup du 'C'est la faute des medias' en étant journaliste vous-même !" lui a alors lancé Marc Voinchet, l'animateur de la station. "Si, justement. Je pense qu'un peu d'autocritique non seulement de la classe politique mais aussi des médias nous ferait le plus grand bien. Est-ce que nous n'avons pas nous-mêmes véhiculé le discours de la peur, légitimé un discours du Front national. C'est une question que l'on doit se poser ! Moi je veux bien m'en prendre aux politiques. C'est très facile. Mais arrêtons comme ça de nous repasser la patate chaude !" a-t-il conclu.
puremedias.com vous propose de revoir les déclarations de Henri Guaino et de Jean-Christophe Cambadélis sur Europe 1 ce matin à partir de 11'44 et de réécouter les propos de Jean-Quatremer ci-dessous à partir de 46 secondes.