"Vie privée, vie publique". Ivanne Trippenbach, cheffe du service politique du journal "Le Monde", a annoncé, ce samedi 27 janvier 2024, son changement de prérogatives "au vu de l'émoi suscité", écrit-elle sur X, depuis la nomination de son conjoint Rayan Nezzar au poste de conseiller et chef du pôle action et comptes publics, auprès du nouveau Premier ministre Gabriel Attal. Cet homme de l'ombre travaillait déjà au service de l'ancien ministre de l'Éducation nationale rue de Grenelle. L'information avait été révélée quelques heures plus tôt par "Arrêt sur images".
Ivanne Trippenbach rejoindra ainsi le service des grands reporters, a-t-elle officialisé. "Depuis que j'exerce le métier de journaliste – chacun de mes articles en atteste – tous ceux que j'ai croisés savent que je le fais avec indépendance et liberté. À chaque étape de mon parcours, j'ai toujours informé mes employeurs de ma situation personnelle, en toute transparence", a-t-elle poursuivi.
"C'est ici, de mon point de vue, que réside l'éthique inhérente au journalisme", a-t-elle encore glissé à deux jours de la convocation en urgence du comité d'éthique du groupe Le Monde. Celui-ci n'aura finalement pas à trancher ce lundi 29 janvier 2024 un débat qui divise la rédaction du "Monde", comme l'a révélé "Arrêt sur images" le 23 janvier, et, plus largement, la profession.
"Jamais aucune femme ne devrait être réduite à son conjoint. Quelle que soit sa vie privée, on peut être une femme libre et une journaliste indépendante", a, pour sa part, plaidé Ivanne Trippenbach. Un argument similaire avancé il y a deux ans par Anna Cabana : différence de taille néanmoins, celle-ci avait organisé sur I24 News (chaîne du groupe Altice) un débat sur les vacances polémiques de Jean-Michel Blanquer à Ibiza, où elle s'était mariée avec le ministre de l'Éducation nationale de l'époque. "Qu'est-ce qu'on veut ? Que j'arrête de travailler parce que je suis en couple avec un ministre ?", regrettait-elle auprès de puremedias.com.
La mise à l'écart d'un journaliste – pour une relation pouvant être à l'origine d'un conflit d'intérêts – n'est pas une première dans l'histoire de la télévision. Elle touche, il est vrai, le plus souvent les femmes. Audrey Pulvar avait, en 2010, été contrainte de lâcher les commandes de son émission politique sur i-Télé, lorsqu'Arnaud Montebourg avait annoncé sa candidature à la primaire socialiste. Le même sort avait été réservé à Léa Salamé, au moment où Raphaël Glücksmann avait mené une liste aux élections européennes de 2019. France Inter a déjà prévenu qu'elle ne mènerait pas d'interviews politiques lors de la campagne des européennes du 9 juin 2024.
Impossible également de ne pas évoquer les suspensions de carrière d'Anne Sinclair, Christine Ockrent et Béatrice Schönberg. Celles qui étaient alors les compagnes respectives de Dominique Strauss-Kahn, Bernard Kouchner et Jean-Louis Borloo avaient été privées d'antenne lorsque leurs époux sont devenus ministres (1997 et 2007). La situation évoluera-t-elle ? Récemment, deux journalistes hommes – Thomas Sotto, alors en couple avec la conseillère en communication du Premier ministre, Jean Castex, et Franck Ballanger, journaliste de Radio France spécialisé dans les sports, et mari à la ville de la ministre alors chargée des Sports, Roxana Maracineanu – ont mis leur carrière entre parenthèses au profit de celle de leur conjointe.