"Ceci est notre dernier tweet, pour le moment". C’est ce qu’a publié "Ouest-France" sur le réseau social X (ex-Twitter) ce mardi 19 novembre. "En accord avec nos valeurs, nous avons décidé de suspendre les publications sur l’ensemble de nos comptes X", ajoute le quotidien régional le plus diffusé en France. Dans un communiqué publié sur le site du journal, la direction explique sa volonté de quitter le réseau social, "pour la défense des valeurs de notre média, attaché à la démocratie, à l’apaisement du débat et au respect de chacun".
Une décision motivée par des raisons éthiques et éditoriales, dans un contexte où la plateforme dirigée par Elon Musk, fait l’objet de vives critiques pour son manque de régulation, considérée tantôt comme une "plateforme de désinformation", et une "caisse de résonance des idées d’extrême-droite", propageant des discours de haine et des théories conspirationnistes. L’homme le plus riche du monde a racheté Twitter en 2022 pour 44 milliards de dollars (41,5 milliards d’euros) avant de le rebaptiser X. Défenseur d’une vision radicale de la liberté d’expression et opposé à toute forme de censure, il a fait évoluer la plateforme de manière controversée. Depuis ce rachat, X est ainsi accusé par de nombreux médias et utilisateurs de favoriser la propagation de fausses informations et de manquer de moyens pour assurer une modération efficace des contenus échangés.
Dans une déclaration à l’AFP, François-Xavier Lefranc, président du directoire de "Ouest-France", a précisé qu’il s’agissait d’une décision "définitive" et "assez unanime en interne". "Nous ne pouvons plus accepter qu’un espace conversationnel démolisse les gens à ce point, que des utilisateurs soient insultés, harcelés ou menacés de mort par des comptes anonymes dont on ne peut lever l’identité", a-t-il expliqué. "Nous ne reviendrons pas sur X, sauf si cela devient un espace régulé et respectueux des personnes", affirme le dirigeant. Le quotidien, qui compte 688.000 abonnés sur X, avait déjà considérablement réduit ses publications sur le réseau social depuis octobre 2023, dénonçant "le manque de modération et de régulation" sur la plateforme. Cependant, le constat reste inchangé : "En un an, force est de constater que rien ne s’est arrangé", souligne le communiqué, qui évoque des "règles du jeu désormais biaisées".
Parmi les facteurs justifiant la décision du journal, on retrouve également la récente nomination d’Elon Musk au sein de l’administration Donald Trump. Le milliardaire a été désigné à la tête d’une future commission chargée de réduire les dépenses publiques aux États-Unis par le président élu. Selon "Ouest-France", cette nomination "ne risque pas de simplifier l’équation" sur une plateforme déjà accusée de contribuer "à l’empoisonnement du débat public, pourtant vital à la démocratie". Le quotidien critique également les modifications apportées par le patron de Tesla, notamment concernant les pastilles bleues, qui garantissaient l’authenticité des comptes avant son rachat. Ces changements, combinés à l’assouplissement des règles de blocage, nuisent selon le journal à "la sécurité des utilisateurs et offrant une brèche de taille face au cyberharcèlement."
"Ouest-France" n’est pas seul dans cette démarche. Avant lui, des médias prestigieux comme "The Guardian" (Royaume-Uni), "La Vanguardia" (Espagne) et "Dagens Nyheter" (Suède) ont annoncé leur retrait de X. Ces décisions font suite à des préoccupations similaires, liées à l’absence de modération et à l’utilisation problématique de la plateforme. Dès 2023, des médias comme NPR et PBS (États-Unis) ou Sveriges Radio (Suède) avaient également cessé leurs publications. En France, "La Revue dessinée", publication trimestrielle d'information en bande dessinée, a également annoncé quitter le réseau social ce jeudi 14 novembre. "Depuis deux ans et son rachat par Elon Musk, Twitter est devenu X et une parodie d’espace de liberté d’expression", écrit la revue dans un communiqué. Plus tôt encore, le 21 décembre 2023, l’émission "Quotidien" de Yann Barthès a également quitté X. L’animateur avait annoncé cette décision à l’antenne, faisant de "Quotidien" la première émission à faire ses adieux à la plateforme.
De son côté, Reporters sans frontières (RSF) a annoncé le 13 novembre porter plainte contre le réseau social. L'ONG accuse X d'avoir permis la diffusion de messages de propagande prorusse usurpant son identité, malgré de multiples signalements. Pour Vincent Berthier, responsable du département technologies de l’organisation, les départs des médias du réseau social sont "le symptôme d'un mal beaucoup plus profond, celui de l'incapacité des pouvoirs publics à faire des plateformes des endroits viables, respectueux de l'information journalistique, où l'information puisse circuler librement", a-t-il estimé auprès de l'AFP.