Ils s'appellent Pi San, Jeff Danziger, Mikhail Zlatkovsky, Slim, Nadia Khiari, Michel Kichka, Baha Boukhari, Angel Boligan, Damien Glez, Rayma Suprani, Baki Boukhalfa, Kurt Westergaard, Lassane Zohore et Plantu. Et ils exercent tous un métier dangereux : ils sont caricaturistes.
En Chine, aux Etats-Unis, en Russie, en Algérie, en Tunisie, en Israël, en Palestine, en Côte d'Ivoire, au Burkina Faso, au Venezuela, au Mexique ou en France, ces douze dessinateurs, comme des centaines de leurs confrères, tentent d'amuser leurs lecteurs en dénonçant les travers de leur pays en espérant éviter les sanctions et les menaces. C'est un portrait passionnant d'une profession sans cesse sur le grill que propose "Caricaturistes, Fantassins de la démocratie", un documentaire qui sort en salles aujourd'hui.
La réalisatrice Stéphanie Valloatto a choisi de dresser le portrait de cette douzaine de dessinateurs de presse. Et évidemment, chaque pays à ses spécificités. La proportion entre les interdits et les possibles varie selon le niveau de démocratie du pays. Dans ce sens, le film est un atlas jouissif de la liberté d'expression. Dans les démocraties occidentales, les dessinateurs peuvent aisément faire les sales gosses. En Tunisie, le départ de Ben Ali a permis à Nadia Khiari de commencer à s'exprimer à travers son chat Willis from Tunis. A contrario, en Russie, Vladimir Poutine muselle les médias. Dans l'impossibilité de publier des dessins dans son pays natal, Mikhail Zlatkovsky a dû se résigner à travailler de nuit comme chauffeur de taxi de nuit pour vivre...
Ce documentaire rythmé, qui a été projeté au dernier Festival de Cannes, fourmille d'anecdotes, aussi acides qu'une caricature de presse. Certains racontent, amusés, comment ils contournent perfidement les règlements. D'autres, plus amers, gardent le sourire en voyant leur pays sombrer dans la dictature... "Il y a des endroits de la planète où les dessinateurs sont de vrais résistants. Ce qu'on apprend à l'école sur la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale, certains dessinateurs le vivent tous les jours", se désole Plantu qui a créé Cartooning for Peace, une association internationale de caricaturistes.
"C'est un film militant à fond. Ce sont des combattants qui tous les jours avec leurs crayons vont au front. Ce film leur apporte une lumière qui va les protéger. Etre vus va les rendre désormais inattaquables", nous a expliqué Stéphanie Valloatto, qui a pris de nombreuses précautions pendant le tournage. "On a fait hyper attention. On était en contact avec les ambassades de chacun des pays concernés. On déposait les rushs le soir dans notre ambassade et les disques durs ont été envoyés en France avec la valise diplomatique !", ajoute la réalisatrice. Preuve que le film, à l'image des dessins de presse, met avec humour le doigt où ça fait mal.
> Plantu : "Aujourd'hui, la grosse pétoche s'installe"