Ambiance électrique dans les couloirs du "Figaro". Mercredi 1er juillet 2024 comme l'a rapporté "Le Monde", au lendemain du premier tour des élections législatives dont le Rassemblement National et ses alliés sont arrivés en tête devant le Nouveau Front Populaire et la majorité présidentielle, certains journalistes du quotidien ont découvert "avec étonnement et inquiétude" l'éditorial d'Alexis Brézet, le directeur des rédactions du média.
"Entre Bardella et Mélenchon, qui, en conscience, voudra mettre un signe d'égalité ? Le programme du RN est certes à bien des égards inquiétant, mais en face : antisémitisme, islamo-gauchisme, haine de classe, hystérie fiscale, écrivait-t-il avant d'ajouter. Placé, quoi qu'il en dise, sous la domination de La France insoumise [LFI], le Nouveau Front populaire est, de fait, le vecteur d'une idéologie qui consommerait le déshonneur et la ruine du pays".
Il y a quinze jours, sur les ondes d'Europe 1, l'éditorialiste politique avait déjà semé la zizanie en interne en appelant à une union des partis de droite incluant notamment le Rassemblement national. De quoi interpeller grand nombre de ses collaborateurs. En ce début de semaine, plusieurs journalistes ont alors voulu se faire entendre par la direction au travers de leur plume. "Le Figaro se définit-il encore comme un journal libéral, conservateur, pro-européen et opposé à l'extrême droite ?" ont écrit "90 personnes protestataires" dans un texte transmis dans la foulée à l'AFP.
"Je n'ai jamais vu une telle mobilisation en quinze ans de maison", a reconnu un journaliste sous couvert d'anonymat au "Monde", comme d'autres de ses pairs qui ont accepté de témoigner. A leurs yeux, le billet d'Alexis Brézet ressemble à "un soutien au RN sans précédent dans l'histoire du journal et contraire à l'engagement pris, il y a deux semaines, par Alexis Brézet, devant la société des journalistes [SDJ]"
En pleine période électorale, le principal concerné avait assuré que le "Figaro" ne donnerait aucune consigne de vote à leurs lecteurs. "Nous voudrions savoir si cet appel au vote témoigne d'un changement de ligne éditoriale", martèle le collectif, prenant le relais d'une SDJ morcelée et divisée quant à la conduite à tenir.
"Tout le monde ne pense pas pareil à la rédaction", glisse un autre journaliste. En pleine tourmente, Eugénie Bastié, la rédactrice en chef adjointe a souligné dans un courriel qu'elle n'avait été aucunement "choquée" par le papier de M. Brézet, dans lequel elle n'a constaté "aucune consigne de vote".
"Depuis trois semaines, le duo Brézet-Trémolet (directeur adjoint, Vincent Trémolet de Villers ndlr) est devenu complètement myope dans l'intégralité de ses chroniques et éditos, s'est agacé l'un des journalistes interrogés. Il tape sans nuance sur le Nouveau Front populaire, tout en passant sous silence l'absurdité économique du programme du RN et la dangerosité de celui-ci pour la cohésion du pays".
Attaqués de toutes parts, Alexis Brézet continue de défendre son billet assurant qu'"il ne s'était pas engagé tant que ça", a rapporté un témoin, et que par définition, les éditoriaux étaient des espaces de parti pris. "Il a réaffirmé que le journal ne deviendrait pas un journal d'extrême droite", ajoute-il sans ciller.