"L'Obs" monte au front. Jeudi, Aude Lancelin a décroché le prix Renaudot essai pour son ouvrage "Le monde libre". Dans celui-ci, l'ancienne numéro 2 du news magazine, dresse un portrait particulièrement sévère de l'hebdomadaire, s'appuyant sur son limogeage décidé, en mai dernier, par Matthieu Croissandeau. Une éviction qu'elle impute ouvertement à des motivations politiques.
Alors que le Renaudot remet "Le monde libre" sur le devant de la scène, la direction de l'hebdo réagit en publiant une tribune au lance-flammes de Jean Daniel, son co-fondateur historique. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que, dans cette tribune intitulée "Les folles dérives de la rancoeur", le journaliste de 96 ans n'a rien perdu de sa verve.
Qualifiant l'ouvrage de "pamphlet rageur" ou encore de "livre prétentieux, complotiste et logorrhéique", Jean Daniel se livre à un démontage en règle des accusations d'Aude Lancelin qu'il compare à une "Précieuse Ridicule". Si l'éditorialiste fait preuve d'une telle sévérité, c'est qu'il confesse qu'Aude Landelin "(lui) a fait mal", se disant tout aussi blessé par le soutien qu'elle a reçu de nombreux confrères (notamment Patrick Besson et Franz-Olivier Giesbert, membres du jury du Renaudot) qui croient "trouver du pittoresque et de l'audace à ces élucubrations".
"Dois-je rappeler à celle dont les seuls faits de plume ont finalement été quelques articles bien tournés que j'ai passé ma vie dans des combats autrement plus importants que ceux qui opposent aujourd'hui les idéologues sectaires à une gauche à l'agonie ?", s'interroge ensuite Jean Daniel, qui reconnaît néanmoins qu'il y a un "problème des rapports entre l'argent et la presse".
Le ton se fait encore plus lapidaire lorsqu'il s'agit d'évoquer les accusations de la journaliste sur les influences politiques qui pèseraient sur l'hebdomadaire. "Il faudra bien reconnaître que l'Ogre de ses fantasmes lui a tout de même permis de publier ce qui lui chantait", lance-t-il avant d'ajouter "il reste surtout que, dans la mesure où elle est une idéologue, avant d'être une journaliste, elle pouvait se sentir à l'étroit dans un milieu de liberté de pensée".
Il fait ensuite montre de s'étonner qu'Aude Lancelin soit "la première à construire un livre autour de son cas, à faire de son éviction la preuve de l'asservissement du journal", ironisant sur sa position de "victime de ces milliardaires qui ont mis la main sur ce qui restait de la presse de progrès", accusant la journaliste d'être motivée par "la malveillance et la mauvaise foi".