Deuxième tentative de résurrection pour D8. Après avoir relancé avec un succès indéniable "Nouvelle Star", qui a séduit le public aussi bien que les observateurs, la nouvelle chaîne du groupe Canal+ tente de ce soir de renouveler l'expérience avec un autre format musical marquant des années 2000, "Popstars". Produite par Alexia Laroche-Joubert, qui fait également partie du jury aux côtés de La Fouine et de Philippe Gandilhon, directeur artistique chez Sony, la cinquième saison de "Popstars" suivra la création d'un groupe musical. A l'occasion du lancement de l'émission ce soir, Alexia Laroche-Joubert évoque pour puremedias.com le choix d'un jury moins star, le risque limité à relancer le format ou encore les négociations avec D8 et... W9.
Propos recueillis par Charles Decant.
"Popstars" a été diffusé en 2001, 2002 et 2003 sur M6, puis en 2007. Comment le programme se retrouve-t-il aujourd'hui sur D8 ?
C'est une histoire assez incroyable. Le groupe Banijay, pour lequel je travaille, a racheté la société australienne Spring Time, qui est propriétaire du format. On l'a récupéré, donc. Et là, il m'est arrivé un truc qui n'arrive jamais aux producteurs, c'est qu'on m'a téléphoné et on m'a dit "J'aimerais bien avoir Popstars". C'était D8, et on a signé avec eux avec un énorme plaisir. L'envie de D8 nous a vraiment fait du bien.
On a l'impression que les choses se sont faites un peu vite, que vous avez trouvé le jury un peu à la dernière minute. C'est le cas ?
Ca s'est fait rapidement, mais pas tant que ça. On était assez convaincus quand La Fouine nous a dit oui. On avait notre cast à ce moment-là. Il nous a dit oui trois semaines ou un mois avant le programme, je crois.
Avec La Fouine, vous avez pris un artiste un peu connu du grand public. Ce public vous connaît aussi, grâce à la "Star Academy" notamment, mais vous n'êtes pas une artiste. Et Philippe Gandhilon est un anonyme pour les téléspectateurs. Vous allez à contre-courant de la starification des jurys, qui est un phénomène qu'on retrouve un peu partout dans le monde. C'était une volonté ?
Il y a plein de choses en fait. La première, c'est que c'est vachement compliqué de créer une alchimie dans un jury et je pense que les gens vont être surpris de voir qu'on se marre beaucoup. Ce sera peut-être même un peu déconcertant par rapport à d'autres talent shows qui sont toujours un peu solennels. Il y a une vraie complicité qui est née très rapidement, par de multiples rencontres. Moi j'ai eu un coup de coeur pour Philippe, qui avait travaillé avec La Fouine, et j'ai rencontré La Fouine sur le plateau de Touche pas à mon poste. Ce triptyque a super bien marché très vite. Après, est-ce qu'on est à contre-courant... ? Je pense qu'on assume le fait que c'est un jury un peu différent de celui d'autres émissions où, une fois que l'émission est finie, ils rentrent chez eux et continuent leur carrière solo. Là, il y a une implication réelle des gens qui font partie du jury. Il est plus organique. Philippe, à un moment, il va sortir son carnet de chèques, il va les signer, les produire, moi aussi et La Fouine aussi. C'est notre histoire.
En termes complètement pragmatiques, ce n'est pas plus difficile de vendre une émission avec un jury moins connu, moins médiatique ?
Il faut savoir que La Fouine est l'un des artistes qui vendent le plus en France. Il a un million de followers, il est dans l'air du temps. Moi, il s'avère que j'ai été vue pendant cinq ans à l'antenne par en moyenne huit millions de gens. Maintenant, ce n'est pas du tout un jury de stars comme on peut l'avoir dans "The Voice". Non. Mais ce n'est pas le même programme. On ne raconte pas la même histoire. Quand on en a parlé à D8, ils voulaient un artiste et je leur ai dit "J'irai uniquement vers un artiste qui est producteur". Parce qu'à un moment, on n'est pas là pour mettre un artiste qui n'est pas impliqué dans la production. Et il s'avère qu'il y en a très peu. Donc quand La Fouine m'a dit oui, ça a été un soulagement !
On continue dans l'idée que vous allez un peu à contre-courant avec ce retour de "Popstars" : il n'y a jamais vraiment eu de culture de groupe en France. A l'exception justement des groupes formés par "Popstars", ou Sexion d'Assaut et BB Brunes, mais ce n'est pas ce qu'on imagine quand on pense à la création d'un groupe pop... C'est encore un défi ? Est-ce qu'on peut vraiment former un groupe pop aujourd'hui en France ?
Nous, on y croit. Et c'est aussi dans l'air du temps. Je pense que "Popstars" n'aurait pas pu renaître il y a deux ans. On était vraiment à fond dans les artistes très scène française, guitare-voix, etc. Là, il y a un renouveau de cet univers musical. C'est un peu facile mais il y a One Direction, The Wanted, tous ces groupes internationaux. Les Little Mix, qui démarrent en France. On est plus dans l'air du temps qu'il y a deux ans.
Mais ce sont des exemples internationaux, il y a une question qui se pose sur la culture musicale française à ce niveau. Quand on voit les candidats qui arrivent dans les premières images, avec leur guitare à la main ou un accordéon... Est-ce qu'on peut mettre de telles personnes dans un groupe ?
C'est pour ça qu'on n'a pas voulu partir avec une idée préconçue. Parce qu'en effet on serait passé à côté, je pense. Et effectivement une fille à l'accordéon à côté d'un mec qui fait du hip-hop, c'est étonnant. Mais au final, ce n'est pas dit qu'on ne trouve pas une alchimie comme ça.
La Fouine le dit dans les spots promo, vous le dites aussi, tout ne se joue pas sur la voix. Quand une émission comme "The Voice" met la voix avant tout, c'est un peu mentir sur la marchandise ? Dire qu'une voix, c'est une star ? Vous êtes plus dans la réalité d'une carrière musicale ?
On ne raconte pas la même histoire que "The Voice". Déjà parce qu'on est dans la création d'un groupe, et que c'est donc l'addition de talents et l'alchimie. Après, on est dans la musique donc on espère qu'ils savent chanter, quand même ! Mais il n'y a pas que ça qui importe dans un groupe. Alors que "The Voice", le principe est dans le titre. Après, je ne sais pas comment ils travaillent les artistes par la suite.
Maurane disait l'an dernier que les auditions à l'aveugle, c'était un peu mensonger. Plus précisément, elle disait "que chanter sur une scène, ce n'est pas seulement avoir une voix"...
Ce n'est pas mensonger, les mecs écoutent dos au candidat...
Mais on n'achète pas que sur la voix...
Non, ça c'est sûr. Je comprends ce que vous vouliez dire. Je pense qu'on n'achète pas que sur la voix. "The Voice", la voix n'est au centre que lors des premiers primes et les auditions à l'aveugle. Après ils passent dans une dialectique traditionnelle d'éliminations. On est à peu près tous raccord là-dessus. Il y a une très bonne idée marketing derrière tout ça, c'est indéniable. Mais c'est pour la télé. Il n'y a aucune maison de disques qui ferme les yeux pour choisir un artiste.
Susan Boyle est l'exception qui confirme la règle...
Voilà.
Vous avez été un peu critique par rapport à la "Star Academy" de NRJ 12...
Pas tant que ça ! Vous rigolez ? Franchement, pas tant que ça !
Est-ce que, à un moment, vous n'avez pas eu peur en ressuscitant un format comme "Popstars" de toucher à quelque chose de trop ancré dans la nostalgie et de louper l'adaptation ?
Il y a une différence déjà, c'est que "Star Academy" s'est arrêté il y a très peu de temps. Alors que "Popstars", du moins la version prime time, s'est arrêté en 2005 ou 2006. Ce qui est compliqué avec la "Star Ac", c'était un pari difficile à tenir, et je sais de quoi je parle puisque je l'ai produite. C'était tellement gros qu'automatiquement, vous risquez d'accoucher d'une souris, au niveau budgétaire où ils étaient. Nous, on n'est pas dans la même histoire. On raconte la création d'un groupe. On met des caméras qui filment des gens...
... C'est presque du documentaire.
Oui, c'est du documentaire de divertissement. C'est moins risqué que de relancer la "Star Ac".
On a entendu parler, au moment des rumeurs de résurrection de "Popstars", d'un possible retour sur W9. Pourquoi ça s'est fait sur D8 finalement ?
Ils nous ont appelés en premier, d'abord. Clairement. Et j'aimais la manière dont ils voyaient le programme. J'ai aimé la dynamique qu'ils avaient dans leurs programmes et j'ai aimé aussi le fait qu'ils aient un tel succès avec "Nouvelle Star". On a signé avec eux en janvier. Quant à W9... Ce qui est compliqué, c'est que ça n'arrive jamais d'être appelé par une chaîne qui dit "On veut votre programme". Donc c'est très déconcertant. Il s'avère que les gens de D8 ont été les premiers à nous appeler.