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Céline Pigalle : "La rédaction de BFMTV n'est soumise à aucun diktat"
Publié le 19 avril 2017 à 17:29
Par Julien Bellver
Nouvelle directrice de la rédaction de BFMTV, Céline Pigalle accorde son premier entretien à puremedias.com
Céline Pigalle, directrice de la rédaction de BFMTV. Céline Pigalle, directrice de la rédaction de BFMTV.© ABACA pour BFMTV
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Nouvelle directrice de la rédaction de BFMTV depuis décembre dernier, Céline Pigalle est passée par iTELE pendant trois ans puis par LCI quelques semaines. Pour sa première prise de parole, elle a choisi puremedias.com, à quelques jours du premier tour de l'élection présidentielle.

Propos recueillis par Julien Bellver.

puremedias.com a révélé hier que BFMTV était exclue du débat de l'entre-deux tours, qui sera réservé à TF1 et France 2. C'est un échec ou vous vous y attendiez ?
Un échec, comme vous y allez ! TF1 et France 2 ne le souhaitent pas mais cela ne va pas nous empêcher de reposer la question aux deux finalistes. Cela viendrait couronner la dynamique qui est la nôtre. Il y a eu le fameux débat Bayrou/Royal en 2007, la primaire de la gauche en 2011, cette année les primaires de la droite et de la gauche, et le seul et unique débat à 11. Ce serait la suite logique, légitime. On entend "ce n'est pas la tradition". La tradition, on peut la faire bouger ! Aucun conservatisme ne nous a résisté jusqu'ici, il n'y a pas de raison de ne pas continuer. Par ailleurs, Ruth Elkrief sur la photo, cela permettrait d'avoir une femme. Ce n'est pas complètement inutile en 2017 ! L'ultime argument, c'est qu'il ne peut pas y avoir trois journalistes sur le plateau... Cela a déjà été le cas pour les deux débats de l'entre-deux tours des primaires !

"Pour le débat, on a l'intention d'avoir accès aux mêmes coulisses que les autres"

Hervé Beroud, directeur général de la chaîne, parle d'une organisation digne de l'ORTF, Alain Weill d'une "alliance dépassée"...
Les lignes ont bougé ! BFMTV n'existait pas il y a douze ans. Le débat à 11, nous avons été les seuls capables de l'organiser. 14 millions de personnes sont venues nous voir ce soir-là. Nous sommes première chaîne de France, pas première chaîne info, première chaîne tout court ! Ce sont des faits d'armes. Cela prouve qu'il y a une autre manière de consommer de l'information. Une étude a récemment dit que BFMTV était la première marque d'info de France. Il y a une confiance, un lien, et des publics différents.

BFMTV retransmettra malgré tout le débat sur son antenne. Avec un dispositif spécial avant et après ?
Non seulement on va le diffuser, mais on a aussi l'intention d'avoir accès aux mêmes coulisses que les autres, sur le plateau, avant, après. Parce que c'est aussi notre marque de fabrique, accompagner un événement dans les heures qui précèdent et suivent.

Vous avez l'accord de TF1 et France 2 ?
Non, mais on va l'obtenir, il le faut !

A quelques jours du premier tour, quel bilan faites-vous de cette folle campagne présidentielle sur l'antenne de BFMTV ?
Un bilan extraordinaire. La promesse, c'était "la chaîne de la présidentielle", "la chaîne présidentielle" même. Elle a été tenue. Des images vont me rester, comme Alain Juppé descendant le grand escalier de la mairie de Bordeaux pour dire qu'il ne serait pas candidat. C'est aussi chez nous qu'un vendredi soir, à 23h, vous avez appris qu'Emmanuel Macron allait rencontrer Christian Estrosi. Sur l'ensemble de la palette de ce qu'on pouvait dire, voir et montrer, les choses se sont passées sur BFMTV !

Vous n'avez aucun regret ?
Franchement, non.

BFMTV a-t-elle franchi un cap à cette occasion, est-elle sortie du carcan des "petites chaînes de la TNT" ?
En ce mois d'avril, à mi-parcours, BFMTV est cinquième chaîne de France, devant C8, TMC, France 5. A plusieurs reprises, on a été première chaîne de France, de la TNT... On a gravi une marche, très nettement, à la faveur de cette élection.

"BFMTV ne fait pas les thèmes de la campagne. Ils surgissent, nous les traitons, on ne passe pas commande"

Beaucoup d'observateurs critiquent le niveau de cette campagne, notamment en raison des affaires. Mais c'était une formidable aubaine pour BFMTV, non ? Un extraordinaire feuilleton politique...
BFMTV ne fait pas les thèmes de la campagne. Ils surgissent, nous les traitons, on ne passe pas commande. Si l'actualité avait été différente, nous serions partis sur d'autres thématiques, et on aurait eu la même audience. Ce qui fait notre force, c'est de croire en la politique, penser que le débat politique intéresse. Par ailleurs, peut-être que la thématique de la transparence, de la qualité de nos représentants, de l'exigence vis-à-vis de la classe politique, est un vrai sujet d'importance pour les citoyens. On a pensé un temps que les sujets de terrorisme et de sécurité seraient les principaux thèmes de cette campagne. Mais les citoyens ont saisi une autre thématique, la transparence. Il y a une attente très forte de nos téléspectateurs de leur classe politique, attente qui n'est pas satisfaite. Mais ils ne sont pas lassés, BFMTV le démontre tous les jours ! Notre pari a été de démontrer que les Français ne se désintéressaient pas de la politique, bien au contraire !

Les médias ont-ils participé à une forme d'hystérisation de cette campagne ? Ou seuls les candidats en sont responsables ?
Je n'emploierai pas le terme d'hystérie. Il y a toujours dans les campagnes des moments de grande tension. Cette campagne a été très dure. Je n'ai pas le sentiment que les médias attisent quoi que ce soit. On rend compte, jour après jour, en essayant d'être au plus près des faits. On dirait que les choses naissent de nous, les médias. Mais ce n'est pas vrai. Et quand on se demande, sur nos plateaux, si tout ça ne va pas trop loin, on nous le reproche aussi ! On ne jette pas de l'huile sur le feu de cette campagne, bien au contraire. BFMTV connaît sa responsabilité dans le paysage.

"Si les éditorialistes ne faisaient réagir personne, c'est là qu'on aurait un problème !"

Des téléspectateurs ont reproché à certains de vos éditorialistes d'être caricaturaux, notamment lors des débriefs des grandes soirées. Vous partagez cet avis ou c'est inhérent à ce genre d'exercice ?
Si les éditorialistes ne faisaient réagir personne, c'est là qu'on aurait un problème ! Par définition, ils sont là pour prendre position. Tous les points de vues sont représentés sur les plateaux de BFMTV ! Mais souvent, on ne retient qu'une partie du discours. Sur Philippe Poutou par exemple, si on dit "il a été irrespectueux", c'est repris partout. Et quand Camille Langlade, au même moment, dit à l'inverse qu'il a exprimé une parole nécessaire, personne ne le remarque ! Nos débats sont toujours contradictoires. Certains irritent, sont mis en exergue, c'est le jeu, mais c'est souvent caricatural. N'oublions pas enfin qu'en contrepartie de cette exercice du commentaire, on a travaillé sur les programmes, on a parlé des Français, on a fait du reportage long. Tous les jours, on a entendu le terrain sur BFMTV. Notre "Grand Angle" du soir par exemple a été un vrai succès, sur la vallée des oubliés dans les Ardennes, sur le département le moins peuplé de France etc.

Depuis quelques jours, vous devez équilibrer le temps de parole entre chaque candidat. L'équité puis l'égalité, c'est une bonne règle ou vous estimez qu'elle est archaïque comme beaucoup de vos confrères ?
Il y avait cinq semaines d'égalité parfaite, on est passé à deux. Mais deux, c'est encore trop. En plus, on a "raffiné" : non seulement c'est l'égalité parfaite, mais c'est par tranche. Cela devient infernal, conduit à ce que l'on renonce à la retransmission des meetings dans la dernière ligne droite. Plus de souplesse nous permettrait d'être encore meilleurs.

"Ce décompte seconde par seconde du temps de parole est insensé..."

Quelle est la règle idéale ?
Proposer que les candidats qui ne sont pas les tout premiers aient un minimum d'accès garanti, qu'on s'entende sur un volume, accordé à chaque politique sur notre antenne. Cela éviterait ce qu'on fait à rebours : calculer chaque jour combien de temps on a donné à tel ou tel pour adapter les autres. Il n'y a aucun respect de notre ligne éditoriale avec cette manière de raisonner. On renonce en partie à être journalistes ! Ce décompte seconde par seconde est insensé...

Il y a un débat aussi autour de l'utilisation des sondages. Ils sont utiles, mais doit-on les interdire à une semaine du scrutin ?
Les sondages, qu'on les publie ou pas, ils continueront à être faits. Si le grand public n'en bénéficie plus, l'information va rester entre les mains des candidats et des médias. Ce serait une vraie rupture d'égalité. On se trompe sur leur influence : le grand public est plus mature qu'on ne le croit, c'est pour lui un élément de jugement parmi d'autres.

Il y a cinq ans, en 2012, BFMTV était la cible de toutes les critiques. Mais pour cette campagne, tous les médias ont été visés, dont France Télévisions. Vous êtes soulagée ?
On veut bien partager ! (rires) Je ne me pose pas cette question, je vis avec. Il y a une chose qui me scandalise, c'est qu'avec autant de légèreté on parle du soi disant manque d'indépendance des journalistes. Moi j'ai appartenu à une chaîne, iTELE, qui a été sabordée par son propriétaire : on entendait peu la classe politique à ce moment-là pour venir au secours des journalistes ! Ils se sont battus pour leur indépendance justement, faisant preuve d'un incroyable courage. Et là, certains nous accusent tranquillement de manquer d'indépendance... On n'en manque absolument pas. La rédaction fait ses choix, n'est soumise à aucun diktat. C'est très dommageable de s'autoriser de mordre la ligne dans ces moments de campagne, en portant des accusations injustifiées.

Les journalistes ont été particulièrement malmenés. On a craché sur l'une de vos journalistes, à Nice, lors d'un meeting de François Fillon. Comment en est-on arrivé là ?
Cela ne serait pas une mauvaise chose que chacun de ces gestes soit fermement condamné. Cela mettrait une limite, pour rappeler aux militants que c'est intolérable. Il faudrait commencer par là.

François Fillon appelle les journalistes à s'interroger sur leur responsabilité à ce sujet...
C'est dommage. La condamnation ferme, c'est la seule manière d'avoir une chance d'y mettre un terme. Je comprends qu'une campagne soit dure, avec des arguments parfois excessifs. Mais quand une jeune femme de 25 ans est dans un meeting avec sa caméra pour rendre compte, rien, absolument rien, ne justifie qu'on lui crache dessus !

"Je suis très heureuse à BFMTV, à ma place"

Vous êtes arrivée sur BFMTV le 22 décembre dernier. Après un passage éclair chez LCI et une plus longue expérience à la tête de la rédaction d'iTELE. Quel est votre bilan personnel ?
Je suis très heureuse, à ma place. Je remercie Alain Weill et Hervé Beroud de m'avoir accordé leur confiance, de m'avoir permis de monter à bord, à ce moment-là en plus. Je suis dans une chaîne qui est dans une dynamique de conquête, cela me ressemble assez. J'ai le sentiment de m'être bien insérée, à la faveur de cette actualité puissante. C'est très réjouissant.

On parle souvent des moyens colossaux de BFMTV. Vous qui avez travaillé dans les deux rédactions concurrentes, vous l'avez senti dès votre arrivée ?
Il y a deux choses très frappantes ici. Le nombre, la qualité. Mais aussi l'organisation. Main dans la main, cela fait une force de frappe exceptionnelle, qu'on va revoir dès vendredi, avec la dernière journée de campagne. Dimanche, dès 6h, plus d'une centaine de journalistes seront sur le terrain ! On va prendre le pouls de la France, ce sera "un jour en France", au plus près des candidats et électeurs qui votent, mais aussi de ceux qui ne votent pas. On sera dans les quartiers, les campagnes, les grandes villes, les villes moyennes, sur les côtes et à l'Est. Puis avec Alain Marschall et Jean-Baptiste Boursier qui animeront cette grande soirée spéciale en compagnie des éditorialistes politiques de la chaîne.

Les moyens sont illimités ?
Le luxe, c'est qu'on ne prend jamais le risque de manquer quelque chose d'important.

BFMTV est indétrônable, c'est ce que disent vos concurrents...
Ce n'est plus vraiment notre sujet. Notre sujet, c'est de bien faire entendre qu'en matière d'information, nous nous mettons dans le sillage de TF1 et France 2. Le matin, on regarde le score de la matinale de BFMTV par rapport à "Télématin" !

"Pourquoi avoir détruit tout ce travail à iTELE ? (...) C'est triste, incompréhensible. Et cela ne mène à rien..."

iTELE que vous avez connue n'existe plus. La plupart des journalistes avec lesquels vous avez travaillé sont partis. Les audiences se sont écroulées. Quel regard portez-vous sur ce qu'est devenue cette chaîne ?
Je ne suis pas malheureuse qu'elle ait changé de nom, c'est une autre histoire, elle ne m'appartient plus. Cela a été dur. Pourquoi détruire tout ce travail ? Il y avait une belle dynamique dans cette chaîne. Ici, par exemple, les gens voyaient ça, qu'on était un challenger ambitieux. C'est triste, incompréhensible. Et cela ne mène à rien...

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