Le grand chelem pour Christophe Hondelatte. Dans le cadre des Radio Notes 2019, l'émission "Hondelatte raconte" sur Europe 1 a été désignée pour la troisième année consécutive par les internautes de puremedias.com et de "20 Minutes" comme l'"émission de récit(s) et d'histoire(s) de l'année". Sur les réseaux sociaux, "Hondelatte raconte" jouit d'une belle popularité. Depuis la rentrée, les aficionados peuvent même écouter en podcast en avant-première l'émission du jour dès 6h du matin avant sa diffusion à l'antenne entre 14h et 15h. puremedias.com a pu interroger Christophe Hondelatte sur le succès de son émission, qui pourrait rebondir à la télévision...
Propos recueillis par Christophe GazzanoVous êtes donc présent dans ce palmarès des Radio Notes pour la troisième fois d'affilée...
Je suis très content, pour plusieurs raisons. D'abord, c'est le fruit de tellement de travail que c'est donc agréable qu'il soit récompensé. La deuxième raison, c'est que je cherche par mille bouts les opportunités de faire connaître le podcast et l'émission "Hondelatte raconte" et que j'ai du mal. La situation d'Europe 1 aujourd'hui est telle qu'on a du mal à faire connaître nos programmes.
Avez-vous pu observer un impact depuis que votre podcast est proposé dès 6h du matin ?
Ca n'a pas fait baisser l'audience en linéaire, mais avec un minimum d'expertise, on s'y attendait un petit peu car le public des podcasts est un public qui n'écoute pas la radio pour la plupart. C'est un public plus jeune, plus actif et ce sont donc des auditeurs de gagnés. Ça a donc considérablement élargi l'audience même si on a un mal fou à savoir aujourd'hui de combien. On devrait avoir dans le courant de l'année 2020 des outils plus performants d'audience des podcasts.
"C'est devenu une des émissions identitaires d'Europe 1"
Malgré sa jeunesse - 4e saison à l'antenne - "Hondelatte raconte" est aujourd'hui la plus ancienne émission de la grille d'Europe 1. Qu'est-ce-que cela vous inspire ?
On me dit que c'est devenu une des émissions identitaires d'Europe 1. J'en suis très content. Pour l'auditeur, il est évident qu'elle se situe dans l'héritage de Pierre Bellemare sur son principe narratif et donc que ça réveille quelque chose de très marqué dans l'identité de la station. Je dis ça avec d'autant plus d'honnêteté que je n'étais pas moi-même un auditeur d'Europe 1 à l'époque où Pierre Bellemare faisait son émission. Là où j'habitais, on ne recevait pas Europe 1. Je ne me suis pas construit dans la continuité de Pierre Bellemare. C'est donc une filiation non voulue, mais qui existe.
A son lancement, "Hondelatte raconte" était uniquement consacrée aux affaires criminelles. Vous avez ensuite élargi l'éventail des sujets traités. Pour quelles raisons ?
La première saison ne traitait que d'affaires criminelles. Ce que j'ai constaté à la fin de l'année, c'est que le vivier des affaires criminelles intéressantes était assez étroit et qu'on aurait du mal à se renouveler, sauf à revenir toujours sur les mêmes, ce que font les gens qui ont des quotidiennes d'affaires criminelles et qui tournent toujours dans le même vivier. Ils reprennent les mêmes histoires à deux-trois ans d'intervalle et les réillustrent, etc. De plus, de par mon expérience du fait divers à la télévision, j'ai l'absolue conviction que ce n'est pas fédérateur. Ça attire un public fidèle mais ça ne peut pas attirer un public large.
"Je fais trois fois plus d'histoires non criminelles que d'histoires criminelles"
Les faits divers sont un repoussoir ?
Oui, pour beaucoup de gens qui ne supportent pas la matière. Et comme j'ai toujours eu des visées populaires - j'ai toujours voulu intéresser tout le monde -, j'ai eu cette idée de garder le mode narratif des affaires criminelles et de l'appliquer à toutes sortes d'histoires qui ne sont pas criminelles. Aujourd'hui, je fais trois fois plus d'histoires non criminelles que d'histoires criminelles. Je propose une affaire criminelle inédite et une rediffusion par semaine et trois histoires autres qui sont des aventures de vie. Des histoires toutes extraordinaires avec des rebondissements, avec ce qui fait le sel d'une bonne histoire. Et c'est depuis ce jour-là que l'émission a décollé en audience. Au début, les gens ont dit "On veut du crime" et puis beaucoup disent aujourd'hui sur les réseaux sociaux, "Finalement, c'est vous qui m'avez amené à écouter autre chose que des affaires criminelles, donc merci". Une bonne histoire, c'est partir d'un point A et être surpris par le déroulement. Il n'y a pas que le crime qui vient percuter les vies pour les transformer. A titre personnel, je me suis toujours refusé à être focalisé sur le crime. Le crime est vraiment une matière intéressante mais limiter son champ à cela, c'est réduire son champ.
"L'avenir de ce programme est dans le podcast"
Au début de la saison 2017, votre émission était en direct. Etait-ce un plus pour vous ou une contrainte ?
On est obligés pour sécuriser la diffusion du programme d'avoir de l'avance. Si on n'a pas d'avance, on risque de se retrouver avec des jours où on ne peut pas produire d'émission. Et c'est arrivé beaucoup par le passé. Le direct est toujours mieux mais, aujourd'hui, je ne pense pas émission, je pense podcast. Je sais que l'avenir de ce programme est dans le podcast. Je fabrique donc un podcast que je reformate ensuite pour sa diffusion à la radio. Peut-être même qu'un jour, je mettrai en ligne dès le début de la semaine les quatre épisodes. On n'a pas d'intérêt majeur à thésauriser nos émissions, on a à les mettre à disposition de nos auditeurs, qui les écoutent quand ils le veulent. Et on est gagnants sur ce terrain-là. Le direct, c'est une bonne logique de radio, mais dans la logique du podcast, enregistrons. C'est ce qu'il y a de mieux.
A l'heure où l'on parle, combien avez-vous d'épisodes d'avance ?
Je finis l'année 2019 avec malheureusement uniquement une semaine d'avance. J'ai débuté la saison avec deux semaines d'avance et j'ai perdu dans le fil des quatre premiers mois quatre émissions d'avance, que je n'ai pas été en mesure de fabriquer parce que des gens de mon équipe m'avaient dit "Là, il y a une histoire" et que moi je ne l'ai pas trouvée. Je n'ai pas trouvée qu'elle était bien. J'en ai abandonné pas mal en cours mais j'ai aussi compensé en travaillant le week-end pour rattraper mon retard. Je n'ai donc qu'une semaine d'avance et même si nous ferons notre rentrée le 6 janvier, je serai de retour au bureau dès le 2 janvier pour essayer d'enregistrer trois émissions supplémentaires dans le but de repartir avec quelque chose qui ressemblera à deux semaines d'avance pour tenir jusqu'à Pâques en espérant conserver un peu d'avance. Il faut quand même réaliser que j'écris 20.000 signes tous les jours et que ce n'est pas de la tarte.
"Aller à la rencontre de nos auditeurs"
"Hondelatte raconte" s'est pour la première fois délocalisé en région le mois dernier, pour une émission consacrée au massacre d'Oradour-sur-Glane. Une première appelée à se renouveler ?
Oui, on en fera d'autres. On a dans l'idée de faire quelque chose sur le débarquement en Normandie, en allant à Sainte-Mère L'Eglise ou ailleurs. On s'est délocalisés pour un des programmes de la rentrée puisqu'on va raconter le procès de Bobigny, qui est le grand procès de l'avortement en 1972. Nous sommes allés l'enregistrer chez Gisèle Halimi, qui est âgée aujourd'hui et qui ne voulait pas se déplacer. C'est une délocalisation à Paris, mais on est allés chez elle. C'était aussi le sens de notre déplacement à Oradour-sur-Glane puisque Robert Hébras, le dernier témoin vivant, a 94 ans et qu'il ne pouvait pas non plus se déplacer à Paris. On a deux-trois projets comme ça. En 2020, on essaiera de profiter de ces enregistrements pour aller à la rencontre de nos auditeurs.
Vous avez fêté au mois de juin la 500e de "Hondelatte raconte". Sur quelle durée vous projetez-vous à Europe 1 ? Avez-vous déjà la 1000e chronique en ligne de mire ?
Ecoutez, j'ai fêté mardi mes 57 balais, donc je pense que c'est un exercice que je pratiquerai jusqu'à la fin de ma carrière. Je n'ai plus envie de revenir aux news, je l'ai eu jusqu'à très récemment mais aujourd'hui cette envie m'a passée. Je me projette donc sur le long terme dans ce programme, je n'ai pas l'impression qu'Europe 1 veut se séparer de moi. Peut-être qu'à moyen terme, je ne ferai plus que du podcast à la place du linéaire, mais peu importe.
"Je n'irai pas au conflit, ni avec RMC Story, ni avec 17 Juin Média"
Concernant la télévision, on a appris il y a quelques semaines le transfert prochain de "Faites entrer l'accusé" de France 2 à RMC Story. Un changement que vous avez publiquement critiqué avec votre consoeur Frédérique Lantieri et contre lequel vous avez dit déclaré vouloir utiliser votre droit de veto. Qu'en est-il aujourd'hui ?
Pour vous dire la vérité, je n'ai même pas essayé. J'ai consulté, j'avais deux belles cartes dans mon jeu qui auraient sans doute compromis la diffusion du programme et j'ai décidé de ne pas donner suite, dans un esprit d'apaisement. On vit dans une époque très conflictuelle à tous les niveaux et je n'ai intimement pas envie de conflit. "Faites entrer l'accusé" est produite par une société de production (17 Juin Média, ndlr) avec laquelle j'ai travaillé pendant près de 15 ans. Je n'ai pas envie de rentrer en conflit avec eux. Je n'ai pas reçu, je vous le jure, un fifrelin pour rembobiner ma colère. J'ai décidé moi-même de ne pas me mettre en colère sur ce sujet, de laisser faire ça avec indifférence. Je n'ai pas non plus l'intention de faire la promotion de "Faites entrer l'accusé" sur RMC Story, mais je n'irai pas au conflit, ni avec RMC Story, ni avec 17 Juin Média, qui est une société amie avec laquelle je n'ai finalement pas envie d'avoir d'embrouilles.
Si on est raisonnable à 57 balais, on pense plus à l'avenir qu'au passé. Le passé, c'est le passé. Je me dis aussi que les gens ne comprendraient pas que j'aille me mettre inutilement en colère. J'ai trouvé une certaine forme de sagesse sur ce sujet. D'une certaine manière, c'est une consécration que cette émission qui a débuté en 2000 retrouve un diffuseur 20 ans après. Ça n'existe quasiment pas, des émissions toujours à l'antenne 20 ans après, dont les programmes sont rediffusés sans fin, jusqu'à la lie.
"Un pilote pour France Télévisions"
Votre dernier projet télé remonte à l'année 2018 pour TMC avec le prime "L'incroyable affaire du tueur à la moto". Avez-vous d'autres projets avec cette chaîne ou même avec d'autres diffuseurs ?
Je ne travaille sur aucun projet particulier pour TMC même si, honnêtement, c'est une chaîne sur laquelle j'aimerais bien travailler un jour parce que c'est une chaîne qui a une tenue. Mais j'ai d'autres projets, sur France Télévisions pour ne rien cacher. C'est là que je me vois le mieux à la télévision et il est donc possible que dans les mois qui viennent, je tourne le pilote d'un nouveau format pour France Télévisions, même si le temps que me prend "Hondelatte raconte" sur Europe 1 me laisse assez peu de temps pour m'occuper de télévision. C'est un projet qui pourrait donner lieu au tournage d'un pilote au printemps.
Ce serait un projet autour des affaires criminelles ?
Je ne crois pas que France Télévisions ait envie d'affaires criminelles car si France Télévisions avait eu envie d'affaires criminelles, ils auraient gardé "Faites entrer l'accusé" qui est une marque forte, reconnue, appréciée et qui avait fait des cartons d'audience. Je serais donc dans la position d'un conteur, mais d'un conteur d'histoires qui ne seraient pas forcément criminelles...
Il s'agirait donc de la déclinaison télé de "Hondelatte raconte" ?
Ce serait une déclinaison télé d'"Hondelatte raconte", évidemment. On va tourner un petit bout de pilote pour leur montrer que la mécanique que j'ai dans la tête tient.
Pour conclure sur une note d'humour, vous aviez poussé en 2014 un coup de gueule contre l'élection de Miss France et aviez prédit la disparition du concours sous trois ans maximum. Nous sommes en 2019 et Miss France 2020, Clémence Botino, a été élue samedi dernier devant près de 7 millions de téléspectateurs...
C'est une émission en total décalage avec les évolutions de la société française. A titre personnel, je m'en fiche totalement et je n'ai jamais regardé mais je ne crois pas que, de manière durable, on continuera de juger des femmes sur leur physique à la télévision. Je pense que c'est une incongruité qui perdure par habitude mais l'incongruité va sauter aux yeux des diffuseurs de télévision assez rapidement. Je suis sûr que c'est mort. On trouvera toujours des raisons de le regretter, mais c'est assez logique en réalité.
Rendez-vous dans trois ans donc ?
Voilà ! Et rendez-vous dans trois Radio Notes...