Les chaînes gratuites vent debout contre Disney. Dans une tribune, publiée ce mercredi dans "Le Monde", Gilles Pélisson, encore PDG de TF1 pour quelques mois, Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, et Nicolas de Tavernost, président du directoire du groupe M6, appellent les pouvoirs publics à "ne pas céder au diktat des plateformes payantes" dans le dossier de la chronologie des médias, dont le dernier accord, signé en début d'année, pourrait bientôt être renégocié.
Les chaînes gratuites reprochent à Disney - qui n'a pas signé ce nouveau calendrier de disponibilité des films sur les différents supports médias - que "dès l'entrée en vigueur de la nouvelle chronologie, le studio américain (...) l'a réinterprété à sa guise afin de supprimer l'exclusivité d'exploitation des télévisions gratuites et ainsi de conforter sa stratégie d'exclusivité pour son propre service par abonnement".
"À l'appui, dénoncent-elles, "un chantage et des menaces de retrait de ses films des salles de cinéma. Netflix, qui avait pourtant signé l'accord, a profité de ce vent de contestation américain pour faire volte-face et le remettre en cause dans une solidarité de circonstance.". Au mois de juin, Disney a, en effet, annoncé qu'elle zapperait, par exemple, la diffusion sur grand écran de "Avalonia, l'étrange voyage" ("Strange World"). Le studio américain proposera par conséquent uniquement sur sa plateforme Disney+, son film de fin d'année 2022, pour protester contre la nouvelle chronologie des médias en France, seul pays concerné par cette annonce.
Comme Amazon Prime Video, la plateforme aux grandes oreilles doit, en effet, patienter 17 mois après la sortie en salles des films qu'elle finance (contre 15 mois pour Netflix) pour pouvoir les proposer à ses abonnés. Elle doit aussi, et c'est le principal point d'accroc entre Disney+ et les chaînes gratuites, les retirer de son service en ligne temporairement lorsqu'ils passent sur des chaînes en clair comme TF1, France Télévisions et M6. Mais Disney s'oppose à cette obligation. La fenêtre d'exclusivité de Disney, expliquait en juin Hélène Etzi dans "Les Échos", "est la plus courte de toutes avec seulement 5 mois". Cette dernière souhaitait en conséquence "réformer à court terme son obligation de retirer ses films de la plateforme pendant la fenêtre des chaînes gratuites".
Les télévisions gratuites ne l'entendent pas de cette oreille, c'est le sens de leur appel aux pouvoirs publics, et "demandent à ce que l'étanchéité de leur fenêtre, c'est-à-dire la capacité pour elles d'être les seules à exploiter le film lorsque leur droit s'ouvre, soit reconnue sans condition par tous et selon les termes et l'esprit du nouvel accord". "Le principe est simple", expliquent encore les chaînes gratuites. "En contrepartie de son investissement et du respect de diverses obligations, chaque opérateur a le droit d'exploiter pendant une durée prédéfinie, en exclusivité et sans concurrence, le film qu'il a financé ou acquis".
Le respect de ce principe "est bien le moins qui pouvait être attendu et qui a été obtenu par les chaînes gratuites", selon les trois patrons de chaînes gratuites. "Les chaînes ont accepté que les plates-formes payantes puissent diffuser les films avant elles malgré l'apport supplémentaire très modeste que ces services consentent – de l'ordre de 50 millions d'euros par an, soit moins de la moitié de celui des télévisions gratuites", ajoutent-ils. À titre de comparaison, en 2021, "les chaînes gratuites ont investi 144 millions d'euros dans 126 films, qui n'auraient sinon pas pu voir le jour".