C'est l'un des visages historiques du groupe Canal+. Depuis 2009, Daphné Roulier anime "L'effet Papillon" sur la chaîne crytée avec une saison d'interruption en 2012-2013 pour cause de présentation du JT du soir de D8. Programmée chaque samedi à 13h45, cette émission qui décrypte l'actualité internationale rassemble en moyenne depuis septembre 426.000 téléspectateurs pour 3,3% de l'ensemble du public.
Pour sa première diffusion en 2015, "L'Effet papillon" revient ce samedi 2 janvier avec une émission spéciale montrant les reportages les plus forts de l'année 2014. L'occasion pour puremedias.com de poser quelques questions sur ce programme atypique à Daphné Roulier, mais aussi sur les envies de la journaliste au sein du groupe Canal+.
Propos recueillis par Benjamin Meffre
puremedias.com : Les audiences de votre émission progressent légèrement (+0,2 point par rapport à la même période l'année dernière) depuis le début de la saison. Mettez-vous ça sur le compte de l'actualité internationale particulièrement riche et dramatique de ces derniers mois entre l'Ukraine, l'expansion de DAESH ou encore les violences au Mexique ?
Daphné Roulier : Franchement, les audiences sont extrêmement volatiles sur cette émission. Il y a des années où elles sont excellentes et d'autres où elles baissent un peu. Je n'ai pas d'explications particulières si ce n'est un appétit du téléspectateur pour le pédagogique et l'ouverture sur l'extérieur. C'est ce que propose "L'Effet papillon".
Pourtant, on entend souvent dire que les Français ont tendance à se refermer sur eux-mêmes ces derniers temps...
C'est vrai. Ils se referment incontestablement en ces temps de crise. Mais je crois qu'ils sont aussi à la recherche de clés de compréhension. L'intérêt de l'émission, c'est l'effet boomerang. C'est voir que les faits ont des effets ailleurs dans le monde. Nous, on essaye de ne pas reprendre une dépêche AFP mais de l'anticiper. Je me rappelle par exemple d'un reportage sur le taser aux Etats-Unis qu'on avait fait avant que cette arme n'arrive en France et ne crée un certain nombre de polémiques. En toute humilité, on essaye d'être un peu des éclaireurs sur les sentiers de l'info.
On dit souvent que l'actualité internationale est pénalisante en matière d'audience. Comment la rendre "sexy" pour le téléspectateur ?
En partant d'histoires simples qui éclairent la grande mais aussi au travers de reportages sur des sujets qui sont peu traités à la télévision où la place de l'actualité internationale est réduite à la portion congrue depuis quelques années. Nous, on lui laisse toute la place avec un traitement qui se veut à la fois impertinent et pédagogique.
Quelle histoire de l'actualité internationale vous a le plus marquée cette année ?
Il y en a tellement qu'honnêtement je ne sais pas trop quoi vous répondre. Peut-être le Mexique et la disparition des 43 étudiants venus manifester dans l'Etat de Guerrero. C'est une histoire invraisemblable. On découvre avec horreur que les élites du pays sont largement aussi corrompues et pourries que les narcotraficants eux-mêmes. C'est une affaire emblématique que j'ai trouvée absolument bouleversante.
Ça fait maintenant 8 ans que l'émission existe. Avez-vous relevé des évolutions notables dans l'actu internationale ?
La montée de l'islamisme et du nombre de jeunes qui partent faire le djihad. C'est un phénomène inquiétant qu'on a suivi de très près au travers de plusieurs portraits d'individus étant partis faire le djihad comme par exemple celui d'un rappeur allemand devenu islamiste. C'est peut-être l'évolution la plus marquante qui me vienne à l'esprit spontanément.
Pensez-vous que l'actualité internationale est encore plus violente qu'avant ?
Je ne sais pas. On dit que le monde n'a jamais été autant pacifié. Je pense que la violence est juste démultipliée par les réseaux sociaux, les médias et la caméra dont tout le monde dispose désormais avec son téléphone portable. Il y a toujours eu de l'extrême violence. L'humain n'a hélas pas beaucoup évolué de ce point de vue-là. Je n'ai pas le sentiment qu'on vive dans un monde plus violent qu'avant.
Sans transition, vous êtes allée sur D8 en 2012 pour présenter le JT du soir ? Pourquoi en être partie au bout de seulement une saison ?
On m'a confié la mission de lancer un nouveau JT sur D8. Au départ, il était question de créer un JT de 22 minutes. Mais au bout d'un an, je me suis rendu compte que le JT avait une place moins importante que celle qui lui avait été dévolue au départ pour des questions de grille. Ça n'avait donc plus vraiment de sens de rester.
Et puis, je tenais d'ailleurs à rectifier une chose à ce sujet. J'ai lu dans un vénérable journal qu'Antoine de Caunes se serait plaint, au moment où il a pris les commandes du "Grand Journal", des horaires tardifs de sa femme à cette époque-là. Ce qui expliquerait mon départ du JT de D8. Ca m'a fait beaucoup rire mais c'est très mal le connaître. Bien évidemment, je ne suis pas revenue à Canal sur les recommandations ou les complaintes de mon mari. A l'époque, Maxime Saada (le directeur général adjoint de Canal+) s'était étonné de mon départ de Canal et m'avait proposé dans un premier temps d'être joker du "Grand Journal". Mais quand Antoine a finalement pris les commandes de l'émission, il m'a paru compliqué de remplacer mon propre mari. Cela aurait sans doute été diversement perçu... Donc quand Victor Robert (le présentateur de "L'Effet papillon" lors de la saison 2012-2013 mais aussi de 2006, date de création de l'émission, à 2009, ndlr) a été appelé à d'autres fonctions chez Canal, on m'a demandé de reprendre "L'effet papillon", une émission que je connaissais déjà bien pour l'avoir animée par le passé. C'est une émission que j'adore, donc ça s'est fait naturellement et simplement.
Seriez-vous tentée malgré tout de refaire de l'info, sur iTELE par exemple ?
Non. Je fais déjà de l'info avec "L'effet papillon". Et puis j'ai plus de 10 ans de JT au compteur. C'est un exercice que je connais bien et que je n'ai pas forcément envie de refaire. On n'a pas nécessairement envie de remonter sur le même vélo pour pédaler dans la même direction. Et puis "L'effet papillon" est vraiment une très belle émission qui ne roule pas des mécaniques même si les reportages sont de très grande qualité. J'y suis extrêmement attachée. Ce n'est pas une émission simple à faire puisque nos journalistes vont souvent dans des zones dangereuses. "L'effet Papillon", c'est presque un combat d'arrière-garde. C'est presque une émission militante d'une certaine manière. C'est un très bel objet avec lequel on sort du cadre pur de l'info, de la petite phrase, de la politique...
Est-ce que votre nouvelle émission sur France Inter ("La vie est un Je") ne vous donne pas envie d'avoir une émission plus "incarnée" sur Canal+ ?
Sur Canal, la grille en clair est réduite et les émissions sont déjà attribuées. Dans ma carrière, je fonctionne de manière éthique et je ne joue pas des coudes. J'ai toujours pris la place d'une incarnation qui partait pour de nouvelles aventures. Donc tant qu'il n'y a pas de jeu de chaises musicales, je reste là où je suis. Evidemment, l'interview est ce que j'aime faire. Canal le sait. Mais je n'ai aucune frustration car j'ai trouvé un équilibre parfait avec cette émission sur France Inter. Après, si Canal venait à me proposer une émission incarnée avec une interview, bien évidemment je ne dirais pas non car je pense que c'est ce pour quoi je suis faite.
Vous regardez ce que fait votre mari au "Grand journal" ? Vous lui donnez des conseils ?
Je ne pense pas qu'il en ait besoin. "Le Grand Journal" est à la fois un paquebot et une mécanique de haute précision. Je trouve qu'il fait ça d'une main de maître. Pour être très honnête, il est assez bluffant dans l'exercice. Je sais qu'on parle beaucoup des audiences. Moi, je vois ce qu'il fait à l'antenne. C'est l'un des rares animateurs sur la place de Paris capable de faire de l'interview tout en ayant ce sens de la dérision et de l'auto-dérision. C'est un animateur qui n'a pas d'égo. Il ne craint pas le ridicule et cherche même à s'y confronter. C'est le seul qui peut présenter les César, réaliser des films, présenter une émission mais aussi se mettre en slip ou à poil et rire de lui-même sans compter qu'il a de la bouteille : "Chorus", "Les Enfants du rock", "Rapido", "Eurotrash", "NPA" et ses docs autour du monde. Très peu de gens ont une palette aussi large et, pour être très honnête avec vous, je lui tire mon chapeau.
Est-il affecté par les critiques qui touchent actuellement l'émission notamment concernant les audiences ?
Il faut lui poser la question. Je ne peux pas répondre à sa place. Ce que je peux vous dire, c'est que c'est quelqu'un de placide... Et puis ce n'est pas un minot. Il a 60 ans, il en a vu d'autres.
En tant qu'ancienne animatrice d'émissions médias ("+ Clair") , que pensez-vous du travail de Daphné Burki dans "Le Tube" ?
Je la trouve très bien. C'est une émission plaisante à regarder. C'est très différent de ce qu'on faisait à l'époque dans "+Clair" qui était une émission médias plus institutionnelle. "Le Tube" est une émission plus légère dans le ton et Daphné Burki se débrouille très bien dans cet exercice. Elle est fraîche, pétillante, intelligente, fine. Et elle mérite de porter ce prénom (rires).