Après le choc, place à la com'... de crise. Dès hier soir et le résultat de l'appel d'offres des droits TV de la Ligue 1 connu, Canal+ a tenté de minimiser le tournant historique que représente sa sortie de la compétition de football. Dans un mail envoyé aux équipes de Canal hier soir, puis sur Europe 1 ce matin, Maxime Saada, le président du directoire de Canal+, a déclaré étudier toutes les "options" sur la table après cette décision. Quelles sont-elles ?
C'est la principale solution avancée par Canal+. "Pour la période postérieure à l'été 2020, le Groupe examinera les possibilités de sous-licence qui sont prévues et autorisées par le règlement de l'appel d'offres", a expliqué la filiale de Vivendi dès hier soir. Dans son message aux équipes, Maxime Saada réaffirme la "possibilité pour Canal+ de récupérer indirectement" une partie des droits de la Ligue 1.
Canal+ se fonde ici sur le droit de "sous-licence" créé par la Ligue de football professionnel (LFP) à l'occasion de ce nouvel appel d'offres. Ce marché secondaire des droits, s'il se crée, ne devrait cependant concerner que MediaPro, qui a acquis 75% des matchs de Ligue 1. On voit en effet mal beIN Sports, qui n'a réussi à s'adjuger qu'un seul lot, le revendre et ainsi acter sa sortie de la Ligue 1.
Canal+ veut croire que le prix exorbitant mis sur la table par MediaPro - estimé entre 800 et 850 millions d'euros - poussera l'Espagnol à se décharger d'une partie de ses matchs. Canal fonde aussi ses espoirs sur la nature des activités de MediaPro, présenté par Maxime Saada comme "un courtier" en droits plutôt qu'un véritable diffuseur. Reste que l'agence espagnole a annoncé à la LFP sa volonté d'être diffuseur de la Ligue 1 en France, via la création d'une chaîne dédiée.
Cette option d'un rachat par Canal d'une partie des droits de la Ligue 1 à MediaPro présente par ailleurs un grand inconvénient pour la chaîne cryptée : celui de ne pas avoir la main. Dans cette affaire, c'est MediaPro qui sera le seul décisionnaire des droits qu'elle remettra ou non à la vente. Et Canal ne sera peut-être pas le seul acteur intéressé...
Pour limiter la casse, Canal+ peut aussi espérer, comme elle le fait déjà avec beIn Sports, distribuer la future chaîne de télé de MediaPro. L'opérateur espagnol pourrait cependant être tenté de s'associer plutôt avec beIN, qui continuera à diffuser la Ligue 1 à partir de 2020, et dont il est déjà partenaire en Espagne pour la diffusion de la Liga.
Canal mise aussi ouvertement sur une explosion en vol de MediaPro. "Moi je pose la question de la survie de MediaPro", a ainsi déclaré tout de go Maxime Saada ce matin sur Europe 1. Le président du directoire a ainsi martelé que le prix payé hier par l'opérateur détenu par des Chinois était selon lui "déraisonnable". "J'ai vu TPS mourir de ça", a-t-il ajouté, rappelant un peu plus tard les millions d'euros investis en pure perte dans la Ligue 1 par Orange et beIN Sports.
Canal+ est d'autant plus renforcée dans cette conviction que MediaPro a récemment essuyé une sérieuse déconvenue en Italie, où l'attribution des droits à l'Espagnol a été suspendue, faute de garantie bancaire suffisante. "On verra dans deux ans. Il peut se passer tellement choses en deux ans", veut ainsi croire Maxime Saada.
C'est l'option la plus radicale à la disposition de Canal+ : "se réinventer" comme l'a expliqué Maxime Saada. Après avoir historiquement marché sur deux jambes - le sport et le cinéma - la chaîne cryptée pourrait être tentée de se concentrer uniquement sur le 7e art et les séries originales. Maxime Saada expliquait d'ailleurs à la mi-mai qu'en cas de perte de la Ligue 1, sa chaîne aurait deux ans et 550 millions d'euros, soit ce qu'elle paye chaque année pour la Ligue 1 actuellement, pour se transformer en "HBO à la française". Cette option est risquée à plus d'un titre. Canal+ ferait en effet une croix définitive sur le sport, son levier principal depuis sa naissance pour générer de l'abonnement. Par ailleurs, Canal dépendrait intégralement d'un marché de la fiction de plus en plus concurrentiel et déjà dominé par des géants américains aux moyens bien supérieurs aux siens comme Netflix.
C'est l'une des options qui reste aussi à Canal+. La filiale de Vivendi va étudier dans les jours qui viennent la validité de la procédure complexe imaginée par la Ligue de football professionnel pour attribuer les droits de la Ligue 1. "C'est possible. On va regarder comment les choses se sont faites", a d'ailleurs confirmé Maxime Saada. Reste que la Ligue s'est assuré les services du renommé cabinet d'avocats d'affaires international, Clifford Chance, pour border juridiquement l'appel d'offres organisé hier.