C'est une séquence qui est devenue virale. Le 31 mars 2023, alors que la contestation contre la réforme des retraites embrase la France, Cyril Hanouna annonce dans "TPMP" une exclusivité : quatre policiers de la Brav-M sont invités sur le plateau pour témoigner sur leurs conditions de travail. Les quatre représentants des forces de l'ordre apparaissent masqués à l'antenne de C8 et leur identité est bien évidemment gardée secrete. En direct, le présentateur se vante alors de cette intervention exclusive : "disons que j'ai des contacts des deux côtés, chez les voyous on va dire, et chez les policiers". Problème : aucun des intervenants n'a jamais fait parti de cette unité de la police.
Les quatre personnes, trois femmes et un homme, arrivent sur le plateau, brassard de police au bras, et cagoule sur la tête. L'homme qui prend la parole à sa voix déformée, pour encore plus d'anonymat. Cet homme, on connaît désormais son nom, il s'agit de Cédric Vladimir. Pour ce numéro de "Complément d'enquête" consacré à Cyril Hanouna, il a accepté de témoigner à visage découvert.
Désormais ex-policier depuis sa révocation, et membre d'un syndicat proche de l'extrême droite, il assure, textos à l'appui, qu'il a toujours été très clair avec la production : aucun de ces quatre policiers ne faisaient partie de la brigade de répression motorisée parisienne.
Pire encore, le magazine de France 2 démontre que l'identité des policiers n'est pas restée sous secrète, alors même que les policiers sont soumis au droit de réserve et ne disposaient pas de l'accord de leur hiérarchie pour participer à l'émission. "On a trois policiers qui risquent de perdre leur travail parce qu'ils ont fait confiance et qu'on a trahi leur confiance", confie Cédric Vladimir au micro de "Complément d'enquête".
À l'époque des faits, à peine quelques heures après la diffusion de l'émission, la préfecture de police avait réagi sur Twitter : "les premiers éléments en notre possession laissent à penser que ces personnes n'appartiennent pas à la BRAV-M", annonçant au passage l'ouverture d'une enquête administrative et la saisine de la procureure de la République de Paris.
De son côté, le syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN) interpelle l'animateur sur les réseaux sociaux : "Monsieur Hanouna, d'après nos informations, ce ne sont pas/plus des policiers, et vous n'avez pas procédé aux vérifications nécessaires pour éviter de faire parler des guignols usurpateurs. Vous méritez des poursuites."
L'IGPN, la police des polices, se saisit alors de l'affaire, et son résultat est sans appel : il n'y a avait pas de policier de la Brav-M sur le plateau ce soir-là. Cédric Vladimir l'assure, il s'est fait piéger par la production. Dans un texto envoyé la veille, à Diana Kerfallah, la programmatrice de "Touche pas à mon poste", et révélé par "Complément d'enquête", il écrit : "Diana, on ne peut pas être annoncés comme policiers de la Brav-M. On peut être annoncés comme quatre policiers de terrain spécialistes du maintien de l'ordre sur Paris qui ont tous plus de dix ans de carrière, toujours sur le terrain en première ligne."
L'ex-fonctionnaire de police en profite également pour les mettre en garde : "Il sera enclenché une procédure au pénal pour usurpation de titre et de fonction", explique-t-il. "Et 'TPMP' va également être la cible de communiqués et d'attaques pour le fake. J'ai eu nos juristes et avocats, ils sont unanimes, ils m'interdisent l'intervention en plateau sous cette présentation."
puremedias.com vous propose de visionner la séquence dans la vidéo ci-dessus.
Mais, alors qu'ils étaient déjà en loges, Cyril Hanouna annonce tout de même l'arrivée de "quatre policiers de la Brav-M". Dans les auditions des trois policiers consultés par l'équipe de "Complément d'enquête", les collègues de Cédric Vladimir sont formels : "ce n'était absolument pas ce qui avait été convenu avec la production", assure Sandra D, qui raconte qu'ils avaient alors menacé de quitter le plateau.
"On a dit à Diana que nous ne pourrions pas aller en plateau si nous étions présentés ainsi" , a-t-elle expliqué. "Diana nous a rassurés, et l'émission a commencé. Tout le monde savait que personne n'était de la Brav-M, mais cela ne gênait personne. Le soir, quand je regarde internet, je comprends avoir été trompée, on me l'a fait à l'envers."
Les policiers présents ce jour-là sont tout de même sanctionnés : Sandra D. a écopé de trois jours de suspension sans salaire, et Fabien B. a reçu un blâme. Le troisième agent de police va quant à lui passer en conseil de discipline et risque la révocation.
De leur côté, Cyril Hanouna et Diana Kerfallah contestent cette version. "Ce qu'on nous a dit, c'est qu'il y avait au moins un policier de la Brav-M et des policiers qui interviennent dans le maintien de l'ordre" assure la programmatrice. "On m'a menti, dans quel but ? C'est la question qu'on se pose aujourd'hui. En tout cas, le mensonge ne vient pas de nous."
Dans les jours qui suivent la séquence polémique, l'équipe de "TPMP" promet qu'elle préservera les identités des quatre policiers, qui risquent des sanctions fortes en cas contraire. "On a l'identité de ces quatre personnes" lance Cyril Hanouna en direct à Laurent Nuñez, préfet de police de Paris. "Est-ce que vous, vous pouvez nous demander de les donner ? Parce qu'on ne les donnera pas", assure l'animateur.
Mais peu de temps plus tard, la production enverra toutes les informations personnelles de leurs invités à l'IGPN. Au téléphone avec la journaliste de "Complément d'enquête", Lionel Stan, l'un des producteurs de l'émission, évoque "une réquisition judiciaire", et n'estime pas être soumis au principe de protection des sources : "comme vous le savez, on n'est pas une agence de presse, on n'est pas journalistes", rappelle-t-il.
En juin dernier, la chaîne C8 avait écopé d'une simple mise en garde par l'Arcom, le régulateur de l'audiovisuel, pour "manque d'honnêteté dans la présentation de l'information". En treize ans d'existence, "TPMP" a reçu 29 rappels à l'ordre et sanctions, pour un total de 7,5 millions d'euros. C'est l'émission la plus sanctionné du PAF.